Revue de presse

"Sorties scolaires : le Conseil d’État n’est pas hostile au voile" (lefigaro.fr , 23 déc. 13)

23 décembre 2013

"Par cet avis, il fragilise la position des chefs d’établissement jusqu’à présent protégés par la circulaire Chatel de 2012.

À la rentrée, les directeurs d’école se retrouveront fort dépourvus. Jusqu’à lundi dernier, ils pouvaient se retrancher derrière la circulaire de rentrée de 2012 de Luc Chatel pour interdire aux mamans voilées d’être accompagnatrices des sorties scolaires. L’avis du Conseil d’État sollicité par le Défenseur des droits et qui lui a été transmis lundi rend la situation plus confuse que jamais. Sans citer la fameuse circulaire, l’une des hautes instances de la République estime, dans un avis de trente pages, que la charte de la laïcité s’impose certes aux agents de la fonction publique mais non à ses usagers. Autrement dit, pas aux parents accompagnateurs qui en aucun cas ne peuvent être considérés comme agents ou même comme « collaborateurs occasionnels de service public » ou « participants ». De fait, la neutralité religieuse ne s’impose pas.

Les mères voilées ne sont pas satisfaites pour autant : « Finalement, c’est toujours pas clair, on repart à zéro ! » s’exaspère Khadidja Souiri, du collectif « Sorties scolaires, avec nous ». « Vous n’imaginez pas combien les relations entre parents et enseignants ont été polluées par cette situation discriminatoire… »

Cette position du Conseil d’État bat en brèche tout à la fois la circulaire Chatel sur laquelle les directeurs d’école s’appuyaient depuis 2012 pour interdire les mamans voilées dans les sorties scolaires, ainsi que la décision du tribunal administratif de Montreuil en 2011. « Il n’y a pas eu de recours contre la décision du tribunal de Montreuil, il n’y avait donc aucune raison d’en tenir compte », souligne sobrement un conseiller d’État bon connaisseur du dossier. Dès lors, les tenants du voile à l’école auront beau jeu, dès janvier, d’opposer aux chefs d’établissement la fragilité de la circulaire Chatel pour passer outre à l’interdiction. Même si le ministère de l’Éducation nationale s’est empressé de faire savoir que cette dernière « reste valable ». Éric Ciotti, ­député UMP des Alpes-Maritimes, s’est d’ailleurs empressé de réclamer une nouvelle circulaire, à défaut d’une loi.

Le Conseil d’État a bien conscience de la difficulté juridique puisqu’il a cependant tempéré sa position et laisse une petite porte entrebâillée. Il rappelle en effet, que « pour les usagers du service public et les tiers à ce service qui ne sont pas soumis à l’exigence de neutralité religieuse, des restrictions à la liberté de manifester des opinions religieuses peuvent résulter soit de textes particuliers, soit de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service ». Ces dernières peuvent être imposées par « l’autorité compétente », en l’occurrence les directeurs d’école.

Il découle de ce « pouvoir réglementaire d’organisation » que les chefs d’établissement peuvent être conduits, « s’agissant des parents d’élèves qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, à recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses ». Autrement dit, « c’est au cas par cas et jugeant en opportunité et de manière proportionnée », comme le rappelle un bon connaisseur du dossier, que les décisions devront être prises.

Un mode de raisonnement qui reprend le premier arrêt du Conseil d’État sur le voile en 1989. Mais, précise un haut fonctionnaire, « une chose est sûre, le Conseil d’État renverse la base juridique. Jusqu’à présent, il y avait la circulaire et des exceptions consenties par les chefs d’établissement. Désormais, l’application stricte de la laïcité devient l’exception ».

La conséquence, c’est que la zone d’ombre que voulait éclaircir le Défenseur des droits en sollicitant l’avis du Conseil d’État demeure. Si ce dernier estime clairement qu’une nouvelle loi ne se justifie pas, il lui faudra d’une manière ou d’une autre effectuer, de l’avis d’un expert, « un petit recalibrage ». Sans doute à l’occasion d’un recours.

Il n’est pas certain, cependant, que cela sera dans le sens que souhaite le gouvernement. Car, dans ce même avis, le Conseil d’État n’hésite pas à rappeler le cas très médiatisé de la crèche Baby-Loup. Et à prendre le parti de la Cour de cassation qui avait statué en faveur de l’employée voilée qui avait été licenciée. Il y a quinze jours, la cour d’appel de Paris s’était rebellée contre cette position et avait jugé en substance que la crèche Baby-Loup remplissant une mission de service public, le principe de neutralité religieuse s’appliquait. Une position que réfute le Conseil d’État, qui estime qu’une mission de service public se distingue par son rattachement à une ou plusieurs personnes publiques. Ce qui n’est pas le cas de Baby-Loup, structure complètement privée…"

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