Revue de presse

"Salon de la femme musulmane à Pontoise : le témoignage choc d’une élue PS" (lefigaro.fr , 14 sept. 15)

Céline Pina est conseillère régionale (PS) d’Ile-de-France, élue du Val d’Oise. 16 septembre 2015

"À l’occasion du Salon musulman du Val d’Oise, la conseillère régionale PS Céline Pina répond aux questions d’Isabelle Kersimon. Elle dénonce à la fois le clientélisme et le communautarisme qui caractérisent ce type de manifestations.

Isabelle KERSIMON. - Ce Salon dédié à “la femme musulmane” invite de jeunes prédicateurs notoirement fondamentalistes, des salafistes quiétistes, dont les propos sont pour le moins conservateurs. Bien que ce courant s’oppose à la violence djihadiste, vous contestez son innocuité.

Céline PINA. - Ce rassemblement en lui-même poursuit ses propres objectifs, qui sont de rendre le plus visible possible l’un des courants les plus intégristes, obscurantistes et sectaires de l’islam, supposé représenter tous les musulmans. Il y a là une démonstration de force et une stratégie d’influence qui s’adresse autant aux décideurs qu’aux musulmans et qui font pression sur les deux.

Aux musulmans, on fait passer le message qu’aujourd’hui ce sont les islamistes qui tiennent le haut du pavé et que pour « respecter leurs origines », il faut clairement refuser les principes qui structurent notre citoyenneté : émancipation, égalité femmes/hommes, laïcité... C’est clairement l’islam contre la République. Et c’est pensé et instrumentalisé comme tel.

Aux décideurs, on montre ses muscles. Les organisateurs démontrent que ce discours est légitime, puisqu’il est accepté et ne déclenche aucune réaction ni de l’État ni des élus locaux. Et si peu de la société civile, car quand elle manifeste sa désapprobation, elle est renvoyée à une image de raciste, post-colonialiste, par ceux qui devraient la soutenir.

Ce qui est inquiétant c’est le silence de ceux qui sont censés « être responsable de la beauté du monde », selon la belle expression de Marguerite Yourcenar, dans Les mémoires d’Hadrien. « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux », disait en son temps Etienne de La Boétie parlant de la servitude volontaire, et bien selon moi, en France, on en est là... [1] Et c’est dommage car la société rejette profondément ces discours d’un autre âge. Beaucoup de musulmans ont honte de se voir assimilés à ces fondamentalistes, ils attendent une réaction des pouvoirs publics, qui ne vient pas...

Femme de terrain, vous estimez que cette démission porte préjudice aux musulmans, et plus largement au socle de valeurs communes qui fondent notre République.

Le 11 janvier, on a vu se lever un peuple, mais pas s’élever une classe politique. À force de mettre le « padamalgam » au cœur de son discours, elle l’a renforcé, le déni appelant la caricature.

Un jour, je m’étonnais de voir arriver voilée une femme que je savais être en quête d’émancipation. Sa réponse a été : « Tu ne sais pas où je vis et dans mon quartier, avoir mis le voile fait que mon fils ne se fait plus traiter de fils de pute et ma fille de fille des caves, et moi de pute tout court, avec les violences et la menace latente de viol qui va avec ces joyeusetés ». Quand je lui ai fait remarquer qu’en France, il y avait des lois, elle m’a répondu : « Il y a aussi une réalité ». Quand je lui ai parlé d’émancipation, elle a rigolé en me disant : « Tu sais où on les croise le plus les politiques, c’est quand ils viennent faire leur marché à la mosquée et pour l’Aïd. Ils sont bras dessus bras dessous avec ceux-là mêmes qui nous mettent la pression. Entre dominants, ils se sont reconnus, et nous, ils nous ont passées par perte et profit.... » En France, la montée en puissance des intégristes musulmans est largement alimentée par nos démissions collectives.

Qui sont les sacrifiés de l’histoire ?

D’abord les musulmans, qui se voient assimilés aux pires de leurs représentants et qui voient ceux qui ne portent que la haine et le malheur devenir les seuls à parler en leur nom en occupant le haut de l’affiche. Ils sont bien placés pour savoir ce que l’on peut attendre de ces gens et sont désespérés par la lâcheté des politiques. Encore une fois, les femmes sont en première ligne car elles voient se réduire leurs libertés au quotidien. En autorisant la tenue de ce salon, on livre ces femmes à leurs despotes car on légitime le discours justifiant leur sort. Qui se souvient en revanche de l’appel des femmes musulmanes d’Aubervilliers cet été contre la généralisation du port du voile ?

Mais tous les citoyens sont concernés. Ils ne comprennent pas qu’un discours aussi basique que : « Être Français n’est pas une question d’origine, de couleur de peau, de religion, de sexe ; c’est l’acceptation des principes de la République » (en indiquant bien ce que sont ces principes, et les obligations qui en découlent) ne soit pas plus clairement tenu, et surtout que cela ne se traduise pas en actes. Du coup, le socle commun qui fonde notre citoyenneté, cette base de principes et de repères, que ces citoyens pensaient stables et où ils inscrivaient leur vie leur parait menacé. Ils ont peur, moins parce que nos principes sont attaqués, que parce qu’ils ne sont plus défendus. Ils se sentent abandonnés par ceux-là mêmes qui sont censés les représenter...

Au final, le grand gagnant c’est le FN, qui paraît regarder les choses en face quand les autres partis se complaisent dans ce déni, alors même que garantir les principes de la République n’est pas dans ses intentions. Cherchez l’erreur...

Le grand coupable, selon vous, c’est le clientélisme.

En faisant la preuve de leur capacité à mobiliser, les organisateurs envoient aussi le message qu’ils ont à disposition une réserve de voix faciles pouvant faire ou défaire une élection. L’abstention étant massive, ces grosses réserves de voix pèsent. Et croyez bien que pour des partis exsangues, sans visions ni repères, le communautarisme et son pendant, le clientélisme, sont les seuls moyens de contrôler des territoires et d’assurer la pérennité du pouvoir, serait-ce au prix de la trahison des principes qui fondent la sphère publique et la fraternité, au sens propre. Qu’importe quand on n’habite pas les quartiers populaires, et tant que l’on peut contourner la carte scolaire.

À Pontoise, il s’agit d’un maire de droite, Philippe Houillon, mais le silence assourdissant de tous les élus du territoire est révélateur, notamment celui du député-président de l’agglomération PS, Dominique Lefebvre. Ce n’est pas ici une question de personnes mais de système.

Quand l’abstention est à ce point élevé, l’élection se fait en instrumentalisant les communautés, les particularismes... Pour que les votes soient garantis et massifs, mieux vaut que les individus ne réfléchissent pas trop par eux-mêmes et soient sous emprise. Or l’intégrisme, le fanatisme, le fondamentalisme, c’est la forme la plus aboutie d’emprise. Caricaturalement, négocier avec un « barbu », souvent sous couvert d’aide à une association dite culturelle ou sociale, peut vous permettre de fixer des quartiers entiers.

C’est donc une rente de situation que l’on pérennise en servant les intérêts de ceux qui manipulent leur communauté. Ainsi, communautarisme et clientélisme sont les deux mamelles de l’électoralisme...

La droite valdoisienne ayant théorisé le fait que si le PS avait gardé la plus grosse ville de l’agglomération de Cergy-Pontoise, c’est parce que l’ancien maire et actuel député, Dominique Lefebvre, avait poussé cette logique à son apogée, elle pousse ses pions, elle aussi, chez les islamistes et sert donc également un intérêt personnel bien compris en renonçant à défendre les principes qui ont pourtant construit notre pays et ce que nous sommes. Quant aux islamistes, ils ont compris le système et se vendent aux plus offrant, ou au plus complaisant...

C’est ainsi qu’on les voit se répartir équitablement sur les listes de droite et de gauche au moment des élections locales. Qui manipule l’autre ? Peu importe mais le jeu est dangereux. Il est plus que temps que le discours politique rappelle fortement ce qui fait la France et ce qui n’est pas tolérable sur notre sol, qui que l’on soit et d’où que l’on vienne..."

Lire "Salon de la femme musulmane à Pontoise : le témoignage choc d’une élue PS".



Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris

Tous droits réservés © Comité Laïcité RépubliqueMentions légales