avril 2009
"Les catholiques ne lancent pas de fatwa, c’est un fait. Mais, en matière d’anathème, ils n’ont de leçons à recevoir de personne. Les agneaux de Dieu peuvent mordre. Preuve en a été faite après la publication, le 19 mars, d’un dessin de Plantu interprétant à sa manière le miracle de la multiplication des pains : à la proue d’un bateau, un Christ amène et barbu, tendance baba cool, distribue des préservatifs à une mer d’Africains, au grand dam de Benoît XVI et d’un évêque négationniste.
Le mot tollé est faible. Ce fut une tempête, que dis-je, un ouragan, un tsunami de protestations. Dès le lendemain tombent les premiers courriels criant au "blasphème" et exigeant des excuses du journal. "En tant que catholique, j’ai été outragé d’apprendre que votre journal a eu l’audace de publier des caricatures blasphématoires à l’endroit de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ", écrit Christian Assouad (Montréal, Québec), aussitôt suivi de plusieurs dizaines de messages, le plus souvent rédigés en anglais, demandant, comme Pat Wagner (USA), "que vous vous excusiez pour la caricature et vous engagiez à ne plus jamais publier de tels documents offensants".
Ce n’est qu’un début. Pendant tout le week-end et les jours suivants, les courriels s’accumulent par centaines, puis par milliers, suivant une courbe exponentielle qui, pendant la journée du 25 mars, atteint le rythme de 500/heure et engorge le serveur informatique ! Force est d’installer une dérivation pour éviter la panne.
Du jamais-vu, du moins sous ces cieux tempérés. Car, entre-temps, la formidable puissance du lobby catholique nord-américain s’est mobilisée. [...]
Consigne : élever une "énorme protestation" (a thundering protest) contre Le Monde et demander réparation "pour l’amour de Dieu, de l’Eglise catholique et de la morale".
Dans tous les coins du monde, Etats-Unis mais aussi Canada, Australie, Grande-Bretagne, Irlande, Allemagne, Espagne, etc., chaque paroissien y va de son libelle.
Le plus tiède se contente de reproduire la lettre type. Le vrai fidèle, lui, y ajoute sa patte personnelle. [...]
Miracles d’Internet ! Plantu n’en est pas revenu. Même ses dessins les plus provocateurs (Pie XII faisant le salut nazi, un imam barbu recopiant "Je ne dois pas dessiner Mahomet", entre autres) n’ont jamais suscité une campagne de cette ampleur - comparable, menaces en moins, à celle ayant suivi, en 2006, les caricatures de Mahomet. "Je n’ai même pas voulu faire un dessin choquant, assure le caricaturiste, encore moins un blasphème. Je ne m’en prends qu’aux vivants, tout ce qui est au-dessus du nuage, je n’y touche pas. D’ailleurs j’ai dessiné, exprès, un christ très tendre."
Plantu a appris le catéchisme avec André Vingt-Trois, archevêque de Paris, précise-t-il. A-t-il d’ailleurs vraiment blasphémé sans le vouloir ? Selon le dictionnaire Robert, le blasphème est "une parole qui outrage la Divinité, la religion". En l’occurrence, il s’agirait plutôt de sacrilège ("acte d’irrévérence grave envers les objets, les lieux, les personnes revêtues du caractère sacré"). L’irrévérence, pilier de l’humour, est le propre du caricaturiste.
Le journal doit-il promettre de ne plus en commettre, au risque d’aliéner la tout aussi sacrée liberté d’expression ? "Le Monde ne souhaite choquer personne ; il n’a pas pour objet de heurter les sentiments religieux des uns et des autres. Mais la caricature fait partie de ses instruments pour dire le réel - en l’espèce la colère provoquée par les propos du Saint Père sur le sida", dit Alain Frachon, le directeur de la rédaction."
Lire “Sacrilège !”.
Comité Laïcité République
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