Sylviane Agacinski, philosophe. 12 novembre 2022
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Sylviane Agacinski, Face à une guerre sainte, Seuil, octobre 2022, 192 pages, 18 €.
"[...] Dans ce livre aux accents personnels, elle confesse deux attachements vitaux. D’abord son « attachement à la France et son angoisse de la voir déchirée ». Fils d’un père polonais arrivé en France pour être boiseur dans les mines (les « métiers en tension » de l’époque), son père est tombé amoureux de la langue française grâce à l’école communale. « Il a échangé les rois de Pologne pour les rois de France », écrit-elle joliment, confessant son admiration pour ce modèle d’intégration dont elle est l’héritière. « Je n’ai pas souvenir qu’on nous ait fait réciter nos ancêtres les Gaulois, mais cette formule n’est pas si sotte si on veut bien considérer que la référence à des ancêtres communs prend un sens ici éminemment symbolique. »
Son deuxième attachement est son souci de la liberté des femmes et de leur égalité avec les hommes, souci féministe qu’elle voit menacé par l’islamisme et l’assujettissement de la femme qu’il porte comme un projet politico-religieux. Un véritable patriarcat que beaucoup ne veulent pas voir. Sylviane Agacinki avoue sa propre évolution sur le sujet. En 1989, lors de l’affaire du voile de Creil (des jeunes filles s’étaient présentées voilées au collège, entraînant la première grande polémique nationale sur le sujet), elle ne faisait pas partie de ces intellectuels qui, comme Élisabeth Badinter, Régis Debray ou Alain Finkielkraut, dénonçaient un « Munich de l’école républicaine ». Elle a d’abord pensé que « l’impératif majeur était l’instruction de quelques filles rebelles ». Mais elle a fini par se rendre à l’évidence, et reconnu que la prescription du foulard était l’effet direct de la pression des mouvements islamistes. « Le voile devrait être considéré en tout premier lieu comme un emblème politique » écrit-elle aujourd’hui. Elle analyse l’instrumentalisation de l’islamophobie par les islamistes.
Elle relève très finement comment ces derniers utilisent la Cour européenne des droits de l’homme pour justifier le voilement au nom de la liberté individuelle, prônant une forme de « liberté de se soumettre ». Ce qu’elle appelle le paradoxe de Martine, du nom de l’héroïne de Molière qui dans Le Médecin malgré lui s’exclame : « Et s’il me plaît d’être battue ? ». Elle dénonce les féministes occidentales, qui, comme Christine Delphy, se font complices de cette exploitation stratégique des droits de l’homme par le prosélytisme islamiste. « Il est tout à fait fascinant d’observer le retournement rhétorique par lequel l’abolition d’une pratique essentiellement sexiste qui sépare et discerne les femmes se trouve transformée en acte de discrimination et d’exclusion. » [...]"
Lire "Eugénie Bastié : « La gauche, le voile et le retour de la nation »".
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