Riss, directeur de "Charlie Hebdo". 19 octobre 2022
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "Une manif pour Samuel".
"Samedi dernier s’est déroulée à la Sorbonne une cérémonie en hommage à Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, assassiné et décapité par un islamiste le 16 octobre 2020. Sa sœur Mickaëlle a expliqué à la tribune ce que son frère avait réellement enseigné à ses élèves, et de quelle manière il avait présenté la question des caricatures, c’est-à-dire avec toutes les précautions nécessaires, conformément aux règles de pédagogie habituelles. Il a fallu le répéter une fois de plus, deux ans après, pour répondre à une insidieuse propagande qui prétendait le contraire.
Car l’enseignement de la liberté d’expression, son explication et sa compréhension sont devenus un enjeu quasi stratégique, comme un territoire que voudraient conquérir, pour le raser, les idéologues de l’intolérance. La liberté d’expression est, pour certains extrémistes religieux, ce que l’Ukraine est pour Poutine : une menace contre leur hégémonie. Et tous ceux qui s’y opposent seront balayés, bombardés, fusillés ou décapités.
Dans ce combat jamais achevé pour la liberté, les professeurs des écoles, des collèges et des lycées sont en première ligne. On ne se rend pas suffisamment compte, nous qui sommes à l’arrière, de ce que les enseignants dans leurs classes, qui ont parfois des airs de tranchées, doivent entendre et endurer. Des élèves agressifs, la tête farcie d’idées reçues, de croyances approximatives, et des parents tyranniques qui se mêlent du travail des profs, alors qu’ils sont incompétents, quand ce n’est pas ignares. Le métier de professeur est devenu un combat, non seulement pour assurer un enseignement de qualité, mais aussi pour éviter de se faire casser la gueule ou menacer de mort.
Cette cérémonie à la Sorbonne, qui récompensait trois classes pour leurs travaux sur la liberté d’expression, était à la fois bouleversante et galvanisante. Le souvenir d’un homme, qu’on a assassiné pour le faire taire, vous tord les tripes. Mais le spectacle d’autant d’élèves ayant travaillé toute l’année pour lui rendre hommage rappelle que les défenseurs de la liberté sont bien plus nombreux que ses ennemis. Il faut arrêter de penser que les islamistes ont gagné, comme on l’entend trop souvent. Le défaitisme et le pessimisme des démocrates sont les meilleurs alliés des islamistes. Les oppresseurs sont souvent surestimés, ce que démontre la situation en Iran ou en Ukraine, et leur monde bâti sur la terreur est un château de cartes parce que, en réalité, ils sont minoritaires.
« Minoritaires » ne signifie pas « insignifiants », ce que pourtant les islamo-gauchistes voudraient faire croire. L’activisme islamiste est redoutable car il attaque les secteurs les plus vulnérables de la société : les femmes avec le voile ou les enseignants avec la laïcité. Cette minorité activiste sait identifier les talons d’Achille de nos sociétés démocratiques pour les blesser à mort et les faire vaciller, à l’image des avions jetés contre le World Trade Center, qui réussirent à faire s’effondrer deux édifices apparemment indestructibles.
C’est pour cette raison qu’il faut soutenir les enseignants dans leur combat quotidien, non seulement pour promouvoir des règles de vie communes conformes à la laïcité, mais aussi pour transmettre à chaque élève la curiosité et le goût pour la réflexion qui ouvriront son esprit aux territoires qu’il ne connaît pas encore.
Les enseignants doivent donc être défendus par leur hiérarchie, les élus locaux, les citoyens et les médias. Samuel Paty est devenu bien malgré lui l’incarnation même du professeur qui avait confiance dans les valeurs de son enseignement, parce qu’il savait que, derrière lui, c’était tout le pays qui le missionnait pour ce travail.
Il faudrait que cette adhésion, devenue aujourd’hui trop invisible et silencieuse, se manifeste plus souvent qu’à l’occasion d’une commémoration et d’un dépôt de gerbe. Défiler pour le pouvoir d’achat et contre l’inaction climatique, c’est bien. Défiler pour défendre les valeurs pour lesquelles Samuel Paty a perdu la vie, ce serait bien aussi."
Voir aussi dans la Revue de presse Mickaëlle Paty : « On ne met pas un "oui, mais" après le mot "décapitation", en France, on met un point » (charliehebdo.fr , 17 oct. 22) dans Assassinat de l’enseignant Samuel Paty (16 oct. 20) (note du CLR).
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