Revue de presse

G. Konopnicki : "La conquête de Paris" (Marianne, 5 av. 19)

22 juin 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Les cimetières de la capitale affichent complet, à l’exception de celui des illusions politiques, qui accueille de nouveaux pensionnaires à chaque élection municipale. On ne sait d’ailleurs pourquoi la place de maire de Paris suscite tant de convoitise. Le premier, Bailly, fut guillotiné sous la Terreur, son successeur, Pétion, fuyant les foudres de Robespierre, se suicida dans un champ en compagnie d’un autre Girondin. Après quoi, Fleuriot-Lescot, premier maire adoubé par le pouvoir central, dirigea brièvement la capitale, le temps d’être suffisamment compromis avec l’Incorruptible pour périr avec lui sous le couperet de Thermidor. On se passa par la suite de maire de Paris, la ville étant administrée par les préfets de la Seine, dont Haussmann, qui transforma la capitale en détruisant sans ménagement tout ce qui gênait le tracé des avenues, et Eugène Poubelle, injustement traité par l’histoire, son nom désignant la boîte dont il rendit l’usage obligatoire. La fonction de maire rétablie, en 1870, le premier élu, Jules Ferry, dut s’enfuir de l’Hôtel de Ville avant que les insurgés ne s’emparent du bâtiment pour y proclamer la Commune de Paris.

Après un peu plus de cent ans d’expiation, Paris retrouva un maire, par la grâce de Valéry Giscard d’Estaing. Les concasseurs des années Pompidou ayant déblayé le terrain, en vidant les quartiers populaires, de Belleville à Grenelle, en passant par les Halles et Montparnasse, la ville était une citadelle électorale de la droite. Il suffisait d’adouber un candidat, de lui donner l’investiture de la majorité présidentielle. Michel d’Ornano devait être élu sans trop de mal, en 1977, face aux listes d’union de la gauche, menées par le socialiste Georges Sarre et le communiste Henri Fiszbin. Ce fut Jacques Chirac, député de Corrèze, qui, rompant la discipline majoritaire et déjouant toutes les prévisions, s’empara de l’Hôtel de Ville. La surprise était telle qu’il fallut l’intervention du Conseil constitutionnel pour obliger le maire de Paris à démissionner du conseil général de Corrèze.

Lors de l’élection suivante, en 1983, le président de la République, François Mitterrand, adouba à son tour un candidat, un fidèle entre les fidèles, l’inoubliable Paul Quilès. Les agences de communication vendirent au PS un slogan imparable, « Paris tendresse, Paris Quilès ». Les dépenses de campagne n’étant pas alors plafonnées, les socialistes ne lésinèrent pas sur les moyens. Aucun Parisien ne pouvait échapper à la tendresse étalée sur les panneaux publicitaires. Les listes de Jacques Chirac emportèrent les 20 arrondissements de la capitale. Le grand chelem. Du jamais-vu. Personne n’imaginait alors que la droite perdrait un jour Paris. Chirac fut réélu sans trop de difficulté en 1989, et, même si la gauche avait repris ses fiefs historiques, elle échoua de nouveau en 1995. Devenu président de la République, Jacques Chirac nomma un intendant, Jean Tiberi. Il fallait, bien sûr, le remplacer par une personnalité forte.

En 2001, le parti du président désigna le plus talentueux de ses dirigeants, Philippe Séguin. Il semblait devoir l’emporter, en dépit de la dissidence de Jean Tiberi, car les militants du PS parisien avaient refusé la candidature d’une star, Jack Lang, lui préférant Bertrand Delanoë. Lequel, après avoir infligé une défaite humiliante à Jack Lang lors de la primaire du PS, emporta la Mairie de Paris promise à Philippe Séguin. Et lorsque Delanoë, après deux mandats, laissa la place à Anne Hidalgo, la droite espérant tirer parti de la succession propulsa Nathalie Kosciusko-Morizet, qui fut battue à son tour…

L’histoire continue. Benjamin Griveaux se lance, avec le soutien du président Emmanuel Macron. Il quitte le gouvernement pour affronter d’abord Mounir Mahjoubi, candidat à l’investiture du parti présidentiel opposé au candidat du président, et Cédric Villani, qui n’a pas demandé son avis à Macron. Si LREM était un parti indépendant, le suspense serait palpitant. En l’état, il serait surprenant de voir l’investiture officielle échapper à Benjamin Griveaux. Mais, à Paris, tout peut arriver. Pour la suite, entre les traces laissées par la bataille interne et la déception des électeurs de Macron, Benjamin Griveaux prendra le départ avec le handicap de tous les candidats officiels. A moins qu’il ne surprenne les Parisiens, en lançant sa campagne sur les Champs-Elysées le samedi, sans l’appui des blindés."

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