11 juillet 2015
"Le 22 juin, les signataires de ce texte participaient à un forum intitulé "République et islam : ensemble, relevons le défi". Ce jour-là, rappellent-ils, un "double appel" a été lancé. "L’un à destination des pouvoirs publics et des politiques, afin qu’ils combattent ceux qui ne cessent d’instrumentaliser ce débat par la démagogie et l’outrance ; l’autre, à destination de nos compatriotes de culture musulmane, afin qu’ils y participent pleinement et aident la République à relever ce défi, qu’ils l’aident à combattre l’intégrisme et les fanatismes, pour qu’émerge un islam de France, dans le respect des principes de notre République laïque.""
"Notre République a eu, ne l’oublions pas, une relation compliquée et parfois douloureuse avec les religions, en particulier avec la religion catholique. L’affirmation d’une République laïque, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, s’est faite contre une religion et une seule, la religion catholique, non pas parce qu’elle était religion mais parce qu’elle dominait l’espace public et politique et prétendait encore « dicter sa loi » à la République. D’où la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 qui fut votée après de vives polémiques. Beaucoup ignorent que cette séparation ne fut pas consensuelle. Mais rappelons aussi qu’elle se fit notamment avec l’aide des protestants de France, grands promoteurs de la laïcité, ce qui devrait enfin convaincre que la laïcité n’est pas antireligieuse...
Aujourd’hui, ce débat resurgit à propos de l’islam, religion absente du débat de 1905 mais devenue « la deuxième religion de France ».
Face à cette nouvelle situation, la parole se déchaîne, souvent sans retenue ni rationalité ; certains, pensant l’identité française menacée et soucieux de défendre les racines chrétiennes de notre pays, sont dans la défiance et la méfiance : l’islam, voilà la menace ! Frileux, ils se replient vers la conception néocoloniale de l’assimilation, bien peu compatible avec la République, en ce qu’elle veut nier les différences et l’enrichissement que celles-ci nous apportent. Manipulateurs, ils n’ont plus que le mot « laïcité » à la bouche, mais en le détournant de son sens pour n’en faire qu’un instrument de combat contre une religion et une seule, l’islam.
D’autres ont érigé le « droit à la différence » comme l’alpha et l’oméga de la République, au risque de promouvoir la différence des droits. Ceux-là plaident surtout pour la reconnaissance des différences, et oublient que la République, c’est aussi le dépassement de celles-ci pour construire le « nous », notre « commun », ce qui nous réunit et nous rassemble. Au titre de ce dogme différentialiste, ils considèrent que toute critique de l’islam, comme toute caricature ou dénonciation des dérives intégristes, serait forcément islamophobe, faisant fi du sort équivalent réservé aux autres religions. Cet argument massue est d’autant plus insupportable qu’il occulte d’autres problèmes, notamment les discriminations que subissent nos concitoyens de culture musulmane, alors que l’identification de ces blocages est la première étape de leur résolution.
Fraternité et laïcité
Entre ces deux maux, il y a la République. La République qui rejette aussi bien l’assimilation que le communautarisme, et qui cherche, avec ardeur, l’intégration de tous dans la fraternité, ce troisième pilier de notre devise trop souvent oublié. C’est pour cela que nous avons réuni le 22 juin dernier, à l’Assemblée nationale, des personnalités de tous horizons autour d’un projet commun « République et islam : ensemble, relevons le défi ». Ce forum nous a permis d’approfondir la réflexion sur l’instance de dialogue voulue par le gouvernement. Il nous est apparu que la condition même de la réussite de cette instance était claire : ne pas s’en tenir à la gestion matérielle du culte mais l’élargir à l’horizon culturel ; ce qui suppose que cette instance ne soit pas constituée seulement de représentants du culte, mais élargie à la participation des personnalités représentatives de cette culture musulmane en France.
Nous avons lancé un double appel : l’un à destination des pouvoirs publics et des politiques, afin qu’ils combattent ceux qui ne cessent d’instrumentaliser ce débat par la démagogie et l’outrance, en jouant avec les peurs, en pratiquant la surenchère, et pour qu’ils affrontent ces problèmes avec fermeté, celle des valeurs de la République, et sérénité ; l’autre, à destination de nos compatriotes de culture musulmane, afin qu’ils y participent pleinement et aident la République à relever ce défi, qu’ils l’aident à combattre l’intégrisme et les fanatismes, pour qu’émerge un islam de France, dans le respect des principes de notre République laïque.
Ce double appel a vocation à durer, à vivre, à se développer, car l’enjeu est majeur et le combat sera long."
"* Jean Glavany est député PS des Hautes-Pyrénées et ancien ministre, Abdennour Bidar est philosophe, Jacqueline Costa-Lascoux est politologue et membre de l’Observatoire rhônalpin de la laïcité et Bariza Khiari est sénatrice PS de Paris."
Lire aussi Forum « République et Islam : ensemble, relevons le défi » (SRC, Assemblée nationale, 22 juin 15) (note du CLR).
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