11 août 2015
"La justice se prononce ce mardi sur la décision du maire de Chalon-sur-Saône de supprimer les menus sans porc dans les cantines scolaires. Plusieurs municipalités LR ont fait de même.
Du porc sinon rien. La décision de Gilles Platret, maire Les Républicains de Chalon-sur-Saône, de mettre fin dès la prochaine rentrée au menu de substitution au porc dans les cantines scolaires de sa commune, sera examinée ce mardi par le tribunal administratif de Dijon. Un recours en référé-suspension a été introduit par la Ligue de défense judiciaire des musulmans. Retour sur une polémique qui dure.
D’où est partie la querelle ?
Nouvellement élu, le maire de Chalon-sur-Saône dit avoir « découvert » à son arrivée que son administration avait pour habitude d’envoyer - comme dans la grande majorité des villes de France - un formulaire aux parents d’élèves leur demandant de préciser s’ils souhaitaient ou non un menu sans porc pour leurs enfants. Un an plus tard, à six jours du premier tour des départementales, il modifie le formulaire et annonce au nom du « principe de laïcité » la suppression des menus de substitution, qui étaient servis depuis plus de trente ans aux élèves juifs et musulmans. Selon lui, « l’offre de restauration ne peut pas prendre en compte des considérations religieuses. Proposer un menu de substitution dès lors que du porc est servi, c’est opérer une discrimination entre les enfants, ce qui ne peut être accepté dans le cadre d’une république laïque ».
Défense de la laïcité ou démagogie politique ?
Gilles Platret est un habitué des polémiques autour de la laïcité, qu’il défend notamment à coups de tweets. Début juillet, il invitait par exemple Anne Hidalgo à « réviser un tantinet les règles de laïcité » alors que celle-ci venait d’organiser la « nuit du Ramadan » à Paris. Dans sa ville, Gilles Platret prétend rétablir la « neutralité » des cantines scolaires. Au lendemain de l’annonce de la suppression des menus de substitution, en mars 2015, il reçoit d’ailleurs l’onction de Nicolas Sarkozy qui, invité du JT de TF1, jette de l’huile sur le feu en appelant ceux « qui veulent que leurs enfants aient des habitudes alimentaires confessionnelles » à les inscrire « dans l’enseignement privé confessionnel ». Il n’en fallut pas moins pour en faire une affaire d’Etat. Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education, s’empresse aussitôt de dénoncer une décision « démagogique » qui « prend en otage les enfants ». Rappelant que le Parlement a adopté « un droit à la cantine pour tous », la ministre estime que « supprimer la possibilité d’avoir un menu non confessionnel est une façon en réalité d’interdire l’accès à la cantine à beaucoup d’enfants ».
La décision du maire de Chalon n’a pas seulement choqué à gauche. Plusieurs ténors de droite, dont Christian Estrosi, Christian Jacob ou Rachida Dati, ont désavoué les propos de l’ancien président de la République. L’opération de communication tourne à la bérézina : difficile de dénoncer la communautarisation des musulmans tout en leur demandant d’aller se scolariser ailleurs…
La décision du maire de Chalon est-elle juridiquement contestable ?
« Oui », répond l’un des avocats de la Ligue de défense judiciaire des musulmans, Me Nicolas Gardères. « Une décision de ce type ne peut être prise que par le conseil municipal et non par le maire lui-même. » Outre la forme, la mesure constitue « une atteinte à la liberté de culte et de conscience », estime l’avocat. L’association espère faire jurisprudence si la procédure allait jusqu’au Conseil d’Etat. Dans une lettre adressée au maire, ses avocats dénoncent une mesure « qui n’a d’autre finalité, outre un profit politique compris de tous, que de chercher à remettre dans le droit chemin de la France éternelle les déviants (végétariens, juifs, jaïns, musulmans, etc.) et finalement à les humilier ». Gilles Platret, affirme, lui, défendre une décision qui « restitue une pratique laïque dans les restaurants scolaires ».
Qu’indique la loi sur les menus dans les cantines scolaires ?
Les textes prévoient que les communes ont le choix de proposer un seul ou plusieurs plats dans les cantines des écoles. C’est aux maires et aux élus municipaux de trancher. Le service de restauration scolaire étant de plus un service public facultatif, il n’y a pas de règle contraignante. La position du ministère de l’Education nationale est claire : « L’Etat ne fait aucune obligation […] de prendre en compte les pratiques religieuses des élèves, notamment en matière alimentaire en proposant des plats de substitution dans les cantines scolaires. » Dans les faits, il est proposé généralement une diversité de menus. Ce qu’encourage l’Observatoire de la laïcité. « Cette offre de choix ne répond pas à des prescriptions religieuses mais à la possibilité pour chacun de manger ou non de la viande, tout en empêchant la stigmatisation d’élèves selon leurs convictions personnelles », observait-il dans un communiqué publié en mars, quand la polémique battait son plein. [...]"
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