Edito

Réforme des rythmes scolaires : l’intérêt général doit prévaloir (21 fév. 13)

par Gilbert Abergel, Vice-Président du CLR 21 février 2013

« Accroître la connaissance des hommes, c’est restreindre le territoire de dieu ».

Prêtée aux soldats de l’inquisition, cette affirmation tient lieu de slogan pour ceux qui, aujourd’hui encore, véhiculent l’obscurantisme comme unique réponse aux défis de notre temps.

Fazil Say, pour avoir osé manier l’ironie sur la cadence de l’appel à la prière du muezin, Boualem Sensal, pour s’être livré à un tourisme non conforme à la norme des docteurs de la foi, Salman Rushdie bien avant eux, et d’autres encore, connus ou inconnus, sont les victimes de ces intolérances. Le spectacle récent des intégristes de « Civitas » implorant le christ de punir ces mauvais représentants du peuple s’apprêtant à voter le mariage pour tous, les destructeurs de manuscrits, les soldats de tous les dieux, les incendiaires des locaux de Charlie Hebdo, témoignent de la persistance de cette folie, fruit de l’ignorance, de l’intolérance, du refus de l’Autre. Quand la croyance veut s’opposer à la connaissance, alors la porte est ouverte à la défaite de l’humanité, de la civilisation, du progrès, de la République.

C’est en l’absence d’un système d’éducation libéré de tout dogme que se bâtit le succès de l’intolérance, que triomphe l’obscurantisme. Les fondateurs de notre école républicaine, laïque et obligatoire voulaient offrir aux enfants un espace où seraient combattus les préjugés, un espace au sein duquel ces enfants pourraient apprendre la liberté de penser, un espace où ils prendraient conscience d’un monde multiple, un monde où la différence est richesse. Notre école républicaine a longtemps accompli sa mission et continue de le faire dans des conditions de plus en plus difficiles. Les « Hussards noirs de la République » sont toujours à l’œuvre. Ce sont, aujourd’hui, ces maîtres et maîtresses qui donnent accès à la connaissance à des enfants ne parlant pas tous la même langue maternelle, et dont le quotidien familial est fait de détresse, de chômage, d’exclusion. Notre école est mise à mal depuis trop longtemps. Contestée dans ses missions régaliennes, appauvrie dans ses moyens, mise sur un marché concurrentiel, elle ne survit que par la volonté de citoyens déterminés, enseignants ou militants laïques. Elle a besoin, aujourd’hui, de se repenser, de revisiter, à l’aune des bouleversements de notre siècle, ses outils, ses méthodes, sans renoncer en rien à son projet : former des citoyens libres et dotés de la connaissance qui fonde le libre choix.

Cette question doit mobiliser la nation toute entière. On sait qu’il faut dix ans à une politique éducative pour produire ses effets. Dix ans de consensus républicain d’une nation qui respecte l’avenir de ses enfants. Dix ans d’une alliance entre tous les acteurs concernés pour conduire cette réforme, pour restaurer ce que des pouvoirs dogmatiques ont abîmé.

Le débat sur les rythmes scolaires n’est sans doute pas anodin et met en scène, n’en doutons pas, des arguments respectables. Pour autant, il nous semble passer à côté du cœur du projet et lui fait prendre le risque d’un échec qui serait catastrophique pour notre école.

Nous devons nous saisir de l’essentiel, prendre conscience du risque de mort définitive de l’école laïque héritée des Lumières, et construite par des républicains passionnés.

Un échec de cette réforme serait un cadeau fait aux réactionnaires qui y verraient le triomphe et la pérennisation des dispositifs législatifs qui minent notre école depuis les lois Debré.

Le souci de l’intérêt général doit prévaloir sur toute autre considération.

L’argument économique avancé par certains acteurs révèle un déni de cette urgence qu’il y a à adapter l’école républicaine à son temps. Les valeurs transmises par le siècle des Lumières ont encore de beaux jours devant elles. Elles ont simplement besoin d’être transmises aux générations futures.

Faisons en sorte que l’Ecole de la République en ait les moyens.

Gilbert Abergel
vice-président du Comité Laïcité République


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