Communiqué du CLR

Rapport Machelon : la laïcité prise en otage (19 oct. 06)

octobre 2006

Que fallait-il attendre du rapport de la Commission de réflexion sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics, dite « Commission Machelon », du nom de son Président, l’universitaire Jean-Pierre Machelon, enfin rendu public après plusieurs mois de report ?

Pas grand-chose, tant les dés étaient pipés en amont, eu égard notamment à la composition de ladite Commission, qui a travaillé à charge, ce qui ne laissait guère de doute, ni d’espoir quant aux conclusions dévoilées le 20 septembre dernier.

De quoi s’agissait-il ? Rien de moins, six mois après l’année de célébration de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, que de réviser en profondeur « l’articulation entre les associations cultuelles régies par la loi de 1905 et les associations dites culturelles régies par la loi de 1901 ».

A ce rythme, le commanditaire risque de récolter les fruits de son méfait, alors même que l’immense majorité des Français plébiscite la laïcité comme un des plus solides ferments de l’unité nationale. Les Français louent en effet dans leur grande majorité la neutralité de l’Etat, qui, faut-il le rappeler « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte », comme le dispose l’article 2 de cette loi d’équilibre qu’est la loi de 1905

Que gagner, en effet, à quelques mois d’échéances déterminantes, à remettre en cause de manière si radicale le financement des lieux de culte, plaçant désormais les collectivités locales en première ligne, sans qu’aucun financement ne soit assuré et que la voie vers la communautarisation de notre société semble devoir s’inscrire dans le marbre de la loi ?

Que dire, par ailleurs, de la proposition visant à instituer un Code administratif des cultes, alors qu’une modernisation du Code général des collectivités territoriales aurait sans doute suffit à répondre aux interrogations des élus quant à l’origine et au montant du financement des lieux de cultes, notamment en ce qui concerne la construction de nouveaux lieux de cultes musulmans ?

Que dire, enfin, de la porte ouverte, désormais béante, visant à la reconnaissance de certains « mouvements religieux atypiques » - cela ne s’invente pas et est écrit en toutes lettres dans le rapport de la Commission Machelon ? Seraient ainsi reconnus - sans aucune forme de débat collectif -, organisations à objet religieux et organisations cultuelles… Cette reconnaissance de certains mouvements sectaires ouvre la boîte de Pandore.

L’on est en droit de se demander quelle sera l’utilisation qui sera faite in fine des conclusions de cette mission officiellement confiée par Nicolas Sarkozy en sa qualité de Ministre de l’Intérieur et des Cultes, en octobre 2005 aux 16 membres de la Commission. En gros, Nicolas Sarkozy fait d’une main ce qu’il récuse de l’autre.

Sans vouloir être pris la main dans le sac, il semble vouloir donner des gages, tels que l’affichage d’une Charte de la laïcité et de la citoyenneté dans tous les établissements scolaires et semble prendre enfin la mesure du danger à ne pas respecter le principe fondateur de la liberté de conscience, notamment quand on sait les atteintes à l’égard de ce dernier dans les hôpitaux.

De l’autre main, plus coupable, sous couvert d’expertise juridique, il ordonne la mise à mort du principe séculaire, pourtant encore célébré l’an dernier, sur l’autel d’un jeu à somme nulle, afin de satisfaire des demandes récurrentes de communautés, et de rééquilibrer une situation qui aurait mérité davantage une remise à plat plus égalitaire.

D’un autre point de vue, le statu quo sur le statut anachronique régissant les rapports entre Etat et cultes en Alsace-Moselle est une défaite pour ceux qui réclamaient une application de la séparation de la sphère publique des intérêts privés, de manière homogène sur l’ensemble du territoire.

A ce petit jeu de la primauté d’une pseudo équité sur l’égalité, comment ne pas lier cette volonté frénétique de transformation aiguë au plus haut sommet de l’Etat républicain, à la prise en compte officielle d’un « ordre juste » et d’une dénonciation de la portée du discours émancipateur de la Raison, légitimant ainsi les religions et leurs représentants dans le sens d’une participation ostensible à la Res Publica, rappelée avec emphase par Benoît XVI il y a peu.

CLR, 19 octobre 2006



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