« Sciences, Raison et Laïcité ». Accueil de Patrick Kessel, Président du CLR

Colloque du CLR (Paris, 7 mai 11) 10 mai 2011

Organisé par le Comité Laïcité République,
Samedi 7 Mai 2011 à l’Assemblée Nationale

Bienvenue aux très nombreux participants à ce colloque : chercheurs, scientifiques, enseignants, élus de la République, militants laïques ainsi qu’aux jeunes du lycée Paul Eluard de Saint-Denis qu’accompagne leur professeur Stéphane MAZER.

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Bienvenue aux représentants de nombreuses associations laïques, de syndicats, d’associations philosophiques et de partis politiques parmi lesquels /
Guy GEORGES, dirigeant du SNI/PEGC de 1976 à 1983,
Guy LENGAGNE, ancien ministre,
Jean Philippe MARCOVICI, grand maître adjoint du GODF,
Daniel BENICHOU, Président de l’association du Chevalier de la Barre,
Jean VERDUN, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France.

Nombre de personnalités nous ont demandé de présenter leurs excuses, notamment Christian BATAILLE, député du Nord, compagnon de route du CLR, grâce auquel nous sommes réunis dans cette salle de l’Assemblée Nationale, sous les portraits de Jean JAURES, Léon BLUM, Pierre MENDES-FRANCE et François MITTERRAND.

Pourquoi ce colloque, pourquoi ce thème "Science, Raison et Laïcité" ?

Notre époque est marquée par la confusion des idées qui, malheureusement, prélude toujours aux périodes de montée des périls. Jamais dans l’histoire de l’Humanité, l’homme n’a connu pareille accumulation de découvertes, de savoirs nouveaux, de technologies, conçu tant d’innovations, et dans le même temps ne s’est trouvé affronté à tant de menaces écologiques, économiques, sociales, contesté par la montée d’obscurantismes, au point que les fondements éthiques des Lumières, les soubassements de la République et de la Démocratie révèlent leur immense fragilité.

Alors que l’homme recrée la vie en laboratoire, donne à imaginer que par le clonage et les nano médecines, il va inventer un super homme, un "Golem" quasiment immortel, le même se trouve dépourvu de repères éthiques et philosophiques stables dès lors que la liberté de conscience, l’égalité des droits entre tous, la solidarité et la laïcité sont menacées de toutes parts.

Les faits divers se succèdent dans l’actualité qui témoignent d’un lent mais profond mouvement de régression. Il en va ainsi de la montée en puissance du communautarisme qui aboutit à considérer les femmes et les hommes en fonction de leurs origines, de leur couleur, de leur foi et non plus comme des citoyens libres et égaux en droits quelles que soient leurs différences.

On commence par revendiquer des mesures de discrimination positive puis des quotas, et un jour, on découvre, en pleins et en creux, les non-dits du racisme ordinaire. Cette semaine, c’est l’affligeante affaire de la composition ethnique de l’équipe de France de football ! Quelques jours avant, c’était la mise en cause d’une directrice de crèche, et d’une directrice d’école communale qui refusent de céder à la pression communautariste. L’idée même de citoyenneté se délite.

Les semaines précédentes, nous avions assisté médusés au “casse” du siècle, l’héritière du Front National, un parti qui nous avait habitué à défendre une France “franco-française”, c’est-à-dire selon lui, blanche, catholique, apostolique et romaine, détournant la Laïcité pour stigmatiser une autre religion.

Et puis ce fut le faux débat sur “Islam et laïcité”, instrumentalisé non pour défendre la laïcité mais pour disputer à l’extrême-droite un électorat tenté par le discours populiste.
L’épisode précédent, au mieux maladroit, sur l’identité nationale, avait déjà ouvert la voie à ces manipulations. Peine perdue, les élections cantonales ont montré que les périls, non seulement demeurent, mais s’accroissent, et que l’on ne gagne jamais à manger avec le diable, fût-ce avec une longue cuillère !

Tandis que la gauche a bien du mal à retrouver sa culture historique qui en faisait la garante de la laïcité, jour après jour ce sont les Lumières qui sont désormais attaquées, dénoncées, accusées d’être à l’origine des maux de notre temps ou plus subtilement vidées de leur substance, détournées, vilipendées.

Aux ennemis historiques des Lumières, les Joseph de Maistre et Edmund Burke, les intégristes et les populistes, s’est désormais associée une cohorte de bien-pensants qui se veulent résolument modernes, de dogmatiques de la nature, de communautaristes revendiquant la différence des droits au nom d’un droit à la différence - concept pourtant issu de l’extrême-droite - de différentialistes prônant des quotas en fonction des origines ou des pratiques et des dérogations à la Loi commune, de post-modernistes, adorateurs du relativisme absolu qui ne voient d’avenir à l’Humanité que dans un certain retour aux tribus, et ne perçoivent pas qu’en déconstruisant la République ils élèvent les murs et les haines de ghettos réels ou symboliques.

Pour ces nouveaux anti-Lumières, tout était dans tout : Staline dans Lénine, Lénine dans Marx, Marx dans Robespierre, Robespierre dans les Lumières, Diderot dans le Progrès, le progrès dans la Raison.

Dans ce contexte d’opacité, de brouillage, de confusion des repères, défendre l’éthique des Lumières, la liberté de conscience, la liberté de croire ou de ne pas croire, l’égalité des droits et des devoirs entre toutes les femmes et tous les hommes quels que soient leurs origines, leur couleur, leur sexe, leurs appartenances, leurs croyances, défendre l’universalité de ces principes, la Raison qui légitime le projet d’émancipation continue de l’Humanité, constitue désormais une exigence de salubrité publique. C’est le socle de la République et même de la Démocratie qui se trouve en effet fragilisé.

L’objectif de ce colloque est d’apporter notre réflexion à ce chantier.

Jean Marie BESNIER nous dira que le Progrès n’est pas “une idéologie comme les autres”, Jean BRICMONT que la Science n’est pas “une croyance comme une autre”, Jean Paul DELAHAYE que l’école publique, laïque et obligatoire, a la mission essentielle d’instruire pour former des citoyens pensant par eux-mêmes. Jean-Pierre CHANGEUX nous expliquera ce que notre éthique doit à la Science et ce que la Science apporte à notre éthique. Henri PENA RUIZ précisera quant à lui les enjeux de la Laïcité ici et maintenant.

Défendre l’universalisme, consubstantiel aux Lumières, ce n’est pas s’opposer à la diversité culturelle, mais offrir un cadre éthique et nécessairement normatif pour un authentique “Vivre ensemble” à l’échelle planétaire. Faute de quoi, le choc des Civilisations deviendra bien vite une triste et menaçante réalité !

Pour toutes ces raisons, il est urgent, non d’imposer des solutions, mais, à l’instar des philosophes des Lumières, d’ouvrir les rideaux, de penser librement le monde tel qu’il est mais aussi le monde en devenir et répondre aux gigantesques défis annoncés.
L’homme peut désormais hybrider l’humain, l’animal et le robot. Peut-il, doit-il, outrepasser la Nature ? Qu’est-ce que cette Nature quand l’homme, par le clonage reproductif, fabrique techniquement de l’homme et d’autres chimères ? Quand l’utérus artificiel va dégager la femme de sa fonction “naturelle” reproductive, que l’appartenance sexuelle pourra être choisie, modifiée ? L’homme bionique va-t-il remplacer l’homme d’aujourd’hui comme l’Homo sapiens a peut-être succédé à l’homme de Neanderthal ? Va-t-il demeurer homme dès lors qu’il se pense déjà immortel, remplaçable pièce par pièce !?

Big Brother gèrera-t-il un stock mondial d’informations sur le monde comme sur chaque intime partie de chaque être humain ou humanoïde ?

Les nouvelles techniques semblent échappées de romans de science-fiction.

Comment vivre avec ces nouvelles techniques sans une éthique fondée en raison, sauf à laisser les morales obscurantistes, la logique des intérêts particuliers, la loi du profit et parfois la folie des hommes s’approprier le devenir de l’humanité.

Les risques de régression sont à la mesure des espoirs que suscitent ces découvertes de l’infiniment grand et de l’infiniment petit et, de fait, une nouvelle bataille des Lumières est engagée au niveau mondial dont l’enjeu est tout simplement la poursuite de la marche en avant de l’Humanité vers son émancipation progressive.

Telles sont les grandes questions que nous proposons à votre réflexion et dont nous souhaitons qu’elles nourrissent le débat politique afin que se dégagent, à l’approche de l’élection présidentielle, d’authentiques perspectives pour une République sociale, laïque, universaliste, fraternelle. Le Comité Laïcité République s’y impliquera en ce sens.

Il me reste à remercier les amis qui ont travaillé avec nous pour organiser cette manifestation. Tout d’abord Jean Pierre CHANGEUX, co-Président de ce colloque, professeur honoraire au Collège de France, fondateur du Comité Laïcité République avec Elizabeth BADINTER, Régis DEBRAY, Alain FINKIELKRAUT, Elizabeth de FONTENAY, Claude NICOLLET, Henri CAILLAVET, Albert MEMMI, Yvette ROUDY, Gisèle HALIMI...

Je souhaite également remercier Guillaume LECOINTRE, professeur au Muséum d’Histoire naturelle, dont le concours a été déterminant, le député Christian BATAILLE, Michel PARIS et son équipe qui m’ont apporté un soutien décisif quant à l’organisation matérielle, Chantal ma fidèle collaboratrice et vous tous, près de 200 dans cette salle, qui avez choisi de venir réfléchir et échanger avec nous.

Bon colloque.


Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
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