Revue de presse

Pourquoi le cas Mehdi Meklat n’est pas un “dérapage” isolé (G. Chevrier, atlantico.fr , 21 fév. 17)

Guylain Chevrier, docteur en histoire, formateur, ancien membre de la mission Laïcité du Haut Conseil à l’Intégration (2010-2013). 22 février 2017

"Ce jeune auteur est au cœur d’une polémique alors que plusieurs de ses tweets injurieux ont été ressortis par des internautes. Selon lui, il s’agissait d’une "provocation d’un personnage fictif".

Mehdi Meklat, ancien du Bondy Blog et ex-chroniqueur de France Inter, ce genre de jeune issu de la banlieue qui a réussi, qu’on aime à exhiber en pensant rassurer, vient de se voir remis en mémoire des tweets peu communs qu’il a lancés précédemment sur la toile, sous le pseudo de « Marcelin Deschamps » : « Injures, propos antisémites et homophobes sont remontés d’un coup, après son passage jeudi dernier à l’émission de France 5 "La grande librairie", pour la promotion de son dernier ouvrage », écrit le Nouvel Obs/Rue 89 sur le sujet [1], peu habitué à dénoncer les excès des jeunes des quartiers.

Florilège de ses tweets :

  • 8 juillet 2011 : "Regrette que Ben Laden soit mort. Il aurait pu tout faire péter. #ss5 #attentat" ;
  • 24 octobre 2012 : "Venez on enfonce un violon dans le cul de Madame Valls." ;
  • 27 juillet 2015 : "Caroline Fourest elle va au camping pour toucher des nénettes dans les toilettes !!!" ;
  • 30 décembre 2012 : "Je crache des glaires sur la sale gueule de Charb et tous ceux de Charlie Hebdo." ;
  • 16 novembre 2014 : "LES BLANCS VOUS DEVEZ MOURIR ASAP."

On s’interroge ? Comment l’individu qui tweete ces abominations a pu être publié aux éditions du Seuil ? Mieux encore, faire la Une des "Inrocks" avec Christiane Taubira, il y a peu ? Cherchez l’erreur…

Mais il y a plus grave, voilà que l’on entend maintenant banaliser totalement ces tweets, à les attribuer à « un personnage » qu’il aurait joué. Oups ! Il fallait y penser. Mehdi Meklat prétend que c’est « son double maléfique qui tweetait ». On ne peut pas avoir plus de mépris pour l’opinion publique et ceux auxquels il les a infligés. Qu’il s’agisse de ceux qui les ont reçus comme victimes ou ceux chez lesquels ils ont servi à encourager l’antisémitisme, l’homophobie, l’appel à travers la suppression des blancs à la haine de la France, contre l’esprit libre des caricaturistes... Mais on le sait bien, viser ces derniers, c’est beaucoup moins grave aux yeux de certains que d’en mettre en cause d’autres, rassemblés derrière l’icône du jeune de banlieue, immigré ou enfant d’immigré et évidemment pauvre, car on ne peut être pauvre si on est blanc et du cru, c’est bien connu, et encore présenté comme ex-colonisé, même si c’est un fantasme pour bien d’entre eux. Des intouchables, envers lesquels la moindre critique fait courir le risque de procès en racisme ou en islamophobie.

Des tweets qui pourraient bien tomber sous le coup de la loi, si on y regardait de plus près, autour desquels il peut encore discourir, se justifier à coups de tours de passe-passe. Il ne risque pas, il est vrai, de poursuites du parquet, où une plainte de SOS Racisme, encore moins du Collectif Contre I’Islamophobie en France, trop occupés à faire le procès d’un Georges Bensoussan [2] qui dénonce depuis des années cette situation hypocrite de laisser faire, traîné devant le tribunal pour des reproches qui touchent à la justesse des mots, quand ici le pire a été écrit, et sans ambiguïté. C’est toute une époque de résumée !

Aux « Inrocks », qui publiait son portrait en 2012, il expliquait, dans la toute-puissance : "Je ne suis attaché à rien, je n’ai de comptes à rendre à personne, j’ai la liberté de dire ce que je veux. C’est un terrain de jeu, j’y abuse de tout, je ne me mets pas de limite." Il semble ignorer que la liberté de chacun commence là où s’arrête celle des autres, mais aussi que la liberté est un bien protégé par nos institutions, et donc un bien commun à défendre contre ce genre d’abus, qui conduit à ce « pas de limite » dont il parle et donc au nihilisme, antichambre du fascisme.

Dans ce prolongement, on peut en ce moment lire sur le Bondy blog : « Alors que des violences urbaines ont éclaté dans plusieurs villes de la banlieue parisienne ces derniers jours, en réaction au viol que Théo a subi de la part de policiers à Aulnay-sous-Bois… » [3] Pas de conditionnel, on affirme qu’il y a eu viol ! On bafoue ainsi la loi en ne s’embarrassant pas de la présomption d’innocence, alors que l’on passe son temps à se poser en défenseur de la justice pour ceux des quartiers, dits stigmatisés. On voit bien ce que certains cherchent à travers ce parti pris, alors que le jeune Théo lui-même appelle au calme : pousser à la violence, à l’embrasement des quartiers.

On a évoqué au lendemain des attentats de janvier 2015, le danger de laisser se développer des ghettos ethniques et sociaux. On pensait qu’il fallait faire plus en faveur de l’égalité entre les territoires, pour améliorer la situation, mais on est passé à côté du principal : l’enfermement derrière une idéologie victimaire de quartiers entiers à dominance immigrée, voyant tout le reste comme ennemi, ce qui constitue un premier degré d’enfermement qui en préfigure d’autres, aux pires dangers. On a laissé une sous-culture, au sens sociologique, s’y installer, avec ses propres normes, codes, valeurs… Et ce, avec ses instruments de reproduction comme Bondy Blog, site présenté comme la voix des quartiers sensibles et de la diversité, qui soutient systématiquement les violences urbaines, désordres, quels que soient leurs causes, contre une police autour de laquelle on cultive la haine et à travers elle, celle de l’Etat, de la République. Une République sociale, égalitaire, pourtant porteuse d’une politique de solidarité, sans quoi, rappelons-le au passage, ces quartiers seraient des bidonvilles. Une solidarité qu’il faut poursuivre, mais avec plus de lucidité, de pertinence, cela devient vital.

En réalité, c’est à cette idéologie, à cette culture à quoi il faut s’attaquer en priorité, en ne laissant plus ce genre de faux-ami tweeter ainsi, pas plus que de laisser en répit leurs soutiens bien-pensants, dont « les jeunes des quartiers » n’ont vraiment pas besoin ! C’est la condition pour qu’ils puissent un jour se penser comme membres pleins de notre société, débarrassés de préjugés trop bien cultivés qui les font se tromper de colère, au risque qu’ils soient perdus pour la République, mais aussi pour eux-mêmes."

Lire "Antisémitisme, homophobie, racisme anti-blancs : pourquoi le cas Mehdi Meklat n’est malheureusement pas un “dérapage” isolé"



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