19 janvier 2015
"Après les assassinats des caricaturistes, le Grand Orient et plusieurs associations laïques ont demandé la suppression du délit de blasphème. Que les « cultes reconnus » ne défendent plus, mais qui fait débat entre musulmans.
« Restons Charlie ! Abrogeons le délit de blasphème sur tout le territoire de la République ! » ont exigé, mercredi, plusieurs associations laïques. Les francs-maçons du Grand Orient de France (GODF) ont demandé jeudi « que tout soit mis en œuvre pour que le délit de blasphème, qui existe encore sur le territoire d’Alsace-Moselle, soit supprimé sans délai ». Ironie du sort, la veille du massacre qui a visé l’équipe de Charlie Hebdo , les représentants des cultes reconnus avaient évoqué cette question devant l’Observatoire de la laïcité.
Cet observatoire – présidé par Jean-Louis Bianco – s’intéresse de près au droit local alsacien-mosellan. Dans son collimateur, les conditions dans lesquelles se déroule l’enseignement religieux obligatoire en Alsace-Moselle – qui connaît certaines difficultés – et le délit de blasphème. Un représentant de l’observatoire avait participé, l’an passé, à une réunion de la Commission du droit local, présidée par Armand Jung, qui plaide pour la modernisation de ce droit.
Le 6 janvier, la délégation qui s’est exprimée à Paris était composée de Mgr Jean-Pierre Grallet et du chanoine Bernard Xibaut, de Christian Albecker, président de l’Union des Églises protestantes d’Alsace-Lorraine et du vice-président Christian Krieger, de René Gutman, grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin. Mais aussi d’Abdelhaq Nabaoui, vice-président du CRCM (Conseil régional du culte musulman) et aumônier musulman national des hôpitaux. Bien que l’islam ne figure pas parmi « les quatre cultes reconnus » – catholique, luthérien et réformé, israélite – il s’agissait de marquer la qualité du dialogue interreligieux en Alsace.
Après avoir rappelé les fondements du droit local des cultes, maintenu après le retour de l’Alsace-Moselle à la France, les signataires ont souligné que « ce statut particulier a été toujours confirmé par les gouvernements successifs, sauf pendant la période nazie ». Ils ont rappelé aussi qu’il y a deux ans, « le Conseil constitutionnel a dit qu’il est conforme à la Constitution ». Mais d’emblée, ils se sont dits favorables à sa modernisation, et à « l’abrogation du délit de blasphème largement tombé en désuétude ».
Pour sa part, Éric Sander, secrétaire général de l’institut du droit local alsacien-mosellan, rappelle qu’ « aucune poursuite n’a été engagée à ce titre depuis 1918 ». En revanche, bien que le texte n’ait pas été traduit de l’allemand dans le français, il reste valable… aussi longtemps qu’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) n’aura pas été posée devant le Conseil constitutionnel. Mais le juriste note également que « l’infraction pour injure existe dans la Loi sur la presse du 29 juil-let 1881 ». Selon lui, « le droit général et le droit local reconnaissent l’injure à une religion ».
En revanche, après la publication de nouvelles caricatures du prophète Mohammed, jugées « insultantes par plus de cinq millions de musulmans sur le territoire national », des dissensions sont apparues au sein même du CRCM. Le président actuel, Eyup Sahin, a publié un communiqué « rappelant son attachement au Concordat et constatant que celui-ci permet un meilleur vivre ensemble ». « C’est pourquoi le CRCM ne se prononce pas pour l’abrogation du délit de blasphème en vigueur, mais espère que toutes les croyances soient respectées et souhaite donc son extension à tout le territoire national » , souligne le président Sahin.
Hier, le sénateur de Moselle, François Grosdidier, a annoncé qu’il avait déposé une proposition de loi pour que « le délit de blasphème soit abrogé au plus vite du droit local d’Alsace-Moselle… » La question pourrait être évoquée lors de la prochaine réunion du comité interreligieux, mis en place sous l’égide de la Région Alsace, qui se réunira jeudi à la Grande mosquée de Strasbourg."
Comité Laïcité République
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