« Mes parents et mes filles sont français, pas moi ! » (Le Temps, 13 jan. 10)

19 janvier 2010

« J’ai perdu mon passeport en juillet dernier. Après avoir déclaré la perte à la police, je suis allé confiant à la préfecture afin d’en demander un nouveau. J’ai apporté la déclaration de perte et mes passeports périmés. On m’a alors demandé un certificat de nationalité française, au motif que mes parents sont nés à l’étranger. C’est kafkaïen ; du jour au lendemain, on vous dit : « Vous n’êtes pas Français, ou bien prouvez-le. » J’ai compris à ce moment-là combien l’attachement à une nationalité peut être important.

 »Il m’a fallu un mois et demi pour obtenir un rendez-vous au Pôle de la nationalité française. Je m’y suis rendu avec la carte d’identité de ma mère, mon acte de naissance et celui de mes parents, mes anciens passeports, ma carte électorale… Le fonctionnaire en charge de mon dossier a rétorqué : « Tout cela ne prouve rien. » Il m’a demandé les actes de naissance, de décès et de mariage de mes arrière grands-parents. Ma mère était Espagnole mais mon père venait de la vallée de la Maurienne. Son village d’origine m’a envoyé tous les documents, mais stupeur, mon arrière grand- père est né vers Turin, à une époque où le Piémont et la Sardaigne étaient très ouverts. On m’a donc refusé la nationalité car il manque à mon arbre généalogique deux générations consécutives de personnes nées en France. Je suis retourné une nouvelle fois au Pôle avec mes certificats de scolarité et de service militaire. J’ai eu affaire à un autre fonctionnaire, plus rassurant. Mon cas est en attente.

« Non-sens juridique »

 »C’est absurde. Mes parents sont Français –ma mère l’est devenue par mariage – et moi qui suis né en France, je ne le serais pas ! J’ai deux filles, également Françaises. L’une vient de renouveler ses papiers sans aucun problème. Depuis juillet, je n’ai plus de passeport. Journaliste au service international de La Tribune, je ne peux plus prendre l’avion ! Il m’a été impossible de renouveler mon abonnement de téléphone mobile. Tout cela fait réfléchir à la condition des sans-papiers. Tout cela relève d’un non-sens juridique, d’une schizophrénie pour l’administration ; comme si j’avais pu être un passager clandestin pendant cinquante ans ! Tout serait donc faux ? »

Propos recueillis par C. St.


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