Comité Laïcité République - La laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une

La mine impassible, les larges lunettes et la longue chevelure de Kim Davis sont devenues en quelques semaines les attributs de la nouvelle " martyre " de la droite religieuse américaine la plus radicale. Cette greffière en chef d’un bureau d’état civil du Kentucky qui, en dépit de plusieurs décisions de justice, refusait obstinément de délivrer des certificats de mariage aux couples homosexuels, a renoncé à sa liberté au nom de sa foi. Dans un geste quasi sacrificiel, la quadragénaire, touchée par la grâce chrétienne il y a quatre ans, a décliné l’alternative que lui proposait le juge : la relaxe à condition qu’elle laisse ses adjoints signer les papiers à sa place. La réfractaire ne devrait pas rester très longtemps derrière les barreaux. Mais quelques jours auront suffi pour que cette affaire inédite attire l’attention du pays tout entier et pour que la prisonnière reçoive au moins un visiteur de marque. Quelques jours après son incarcération, le 3 septembre, Mike Huckabee, l’un des candidats à l’investiture républicaine pour l’élection de 2016, est passé la réconforter. Ce chrétien convaincu partage avec la nouvelle égérie des mouvements évangéliques conservateurs un mépris sans bornes pour le mariage gay légalisé cet été par la Cour suprême américaine. Comme Mme Davis l’a expliqué à plusieurs reprises aux couples homosexuels souhaitant convoler dans sa bonne ville de Morehead, 6 800 habitants, ce type d’unions " viole " sa croyance. En justifiant son intransigeance par la " liberté religieuse " due à chaque citoyen américain, cette croyante s’est également acquis le soutien " sans équivoque " de Ted Cruz, autre prétendant républicain dans la course à la Maison Blanche. Soucieux de rallier les votes évangéliques, ce fils de pasteur a dénoncé une " tyrannie judiciaire " et assuré qu’il se tenait " auprès de tous les Américains que l’administration de M. Obama oblige à choisir entre leurs convictions religieuses et des décisions de justice illégales ". Aussi extrême soit-il, le combat de Mme Davis fait écho au débat sur la liberté religieuse qu’alimentent régulièrement des citoyens ordinaires, convaincus que la législation sur la contraception, l’avortement ou le mariage pour tous est en contradiction avec leurs croyances. En s’obstinant à faire passer la loi de Dieu avant celle de son pays, la fonctionnaire pourrait toutefois avoir franchi une ligne rouge. Le juge qui a décidé de son emprisonnement - un catholique pratiquant, républicain, nommé à son poste par l’ancien président George W. Bush, a mis en garde : " L’idée même que la loi naturelle pourrait être supérieure à la loi de cette juridiction constituerait un dangereux précédent. " L’entêtement de la greffière a d’ailleurs suscité un certain scepticisme chez d’autres personnalités, réputées défenseurs de la liberté religieuse. Bien qu’ouvertement opposé au mariage gay, le catholique Chris Christie, autre candidat à la primaire républicaine, a rappelé : " Les gens qui travaillent dans la fonction publique doivent faire leur travail. "Les autorités de l’Etat cherchent désormais les moyens légaux pour licencier l’irréductible greffière."