(Marianne, 21 nov. 24) 26 novembre 2024
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Manon Zapata, professeure d’histoire-géographie : "Je fais apprendre la laïcité… en jouant"
Par Hadrien Brachet
Professeure d’histoire-géographie passionnée, Manon Zapata a vu sa classe de terminale récompensée au palmarès 2024 du prix Samuel-Paty pour la création d’un jeu de société sur la laïcité.
« C’est quoi être tolérant ? », demande Manon Zapata. « Être intolérant au lactose ? », répond une collégienne. La professeure d’histoire-géographie, attendrie, affiche un sourire radieux. Devant elle, en cette fin d’après-midi, une douzaine d’élèves sont rassemblés autour d’un grand plateau coloré pour une partie unique, à la croisée de Trivial Pursuit et de Time’s Up !. L’ambiance est joyeuse, les joueurs à la bouille encore enfantine se chambrent gentiment, mais le thème des questions et des mimes à exécuter est, lui, bien sérieux : la laïcité.
Car Manon Zapata, l’école publique chevillée au cœur, a fait de la transmission de ce principe, objet de tant de confusions, l’une de ses plus ardentes missions. En 2020, après deux années passées à enchaîner les remplacements dans l’académie de Créteil – apanage réservé par le ministère de l’Éducation nationale à nombre de ses jeunes recrues –, cette Nîmoise rejoint l’Internat d’excellence de Sourdun, en Seine-et-Marne. Un établissement atypique, fondé en 2009 à l’initiative de Nicolas Sarkozy et de Jean-Michel Blanquer (alors recteur de cette académie), qui accueille des jeunes sur dossier, dont beaucoup sont issus de familles défavorisées.
Un jour, Manon découvre l’existence de « cas de prosélytisme » entre adolescents au sein de l’institution. « Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose », raconte-t-elle, assise en salle des profs, tout juste sortie d’un cours sur le dessin de presse qu’elle anime aux côtés de sa collègue d’arts plastiques. Avec le regard bienveillant de ceux qui transmettent, on l’a vue demander à ses élèves de cinquième : « Qu’est-il arrivé à Samuel Paty ? » Puis expliquer avec des mots délicats la violence criminelle qui s’est abattue un soir d’octobre 2020 sur un professeur d’histoire-géographie, comme elle. Cet automne-là, Manon, toute jeune enseignante, pas encore affectée à un établissement, s’est retrouvée seule, chez elle, au moment des hommages au professeur.
Outil de transmission
L’an dernier, en écoutant un podcast, elle apprend l’existence du prix Samuel Paty, créé par l’Association des professeurs d’histoire et de géographie. L’édition 2024 porte sur la laïcité. Ni une ni deux, cette hyperactive y inscrit sa classe de terminale. Les élèves se lancent dans la création d’un jeu de société. « Comme la laïcité, le jeu exige de respecter des règles communes, explique Manon. Mais c’est un outil ludique pour transmettre. »
Après un trimestre d’émulation, de la conception des questions à la peinture du plateau, vient la consécration : le projet est retenu au palmarès 2024 et toute la classe invitée en octobre à une cérémonie de remise des prix à la Sorbonne. Une fierté pour Manon Zapata. Dans l’amphithéâtre de ce temple du savoir, devant la ministre de l’Éducation et la rectrice de Créteil, la jeune femme de 27 ans s’est souvenue, émue, des larmes de sa prof de littérature de terminale lors des attentats de Charlie Hebdo : « Elle n’arrivait pas à en parler. »
Jamais à court d’énergie, la professeure aux mille projets, à propos de laquelle le proviseur de l’établissement ne tarit pas d’éloges, compte bien continuer à s’appuyer sur ce jeu pour enseigner la laïcité. Qui sait, un jour, il sera peut-être dupliqué et diffusé. En attendant, celle qui jouait déjà avec un tableau dans sa chambre d’enfant réalise son rêve, devenu une vocation : enseigner. « Je n’ai jamais vraiment quitté l’école et j’en suis ravie. » Il est des êtres dont la géographie dit tout le dévouement.
Profession : enseignante.
Âge : 27 ans.
Ville : Sourdun (Seine-et-Marne).
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