Revue de presse / Tribune

Manifestation "Justice pour Adama" : Anatomie d’une sédition (Comité Laïcité République, marianne.net , 5 juin 20)

J.-P. Sakoun, Z. El Rhazoui, P. Kessel, D. Benhabib, G. Abergel, C. Kintzler, J. Lafouge, V. Tournay, Ph. Foussier. 13 juin 2020

"A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous sommes soulagés d’apprendre que les troubles qui ont suivi la manifestation interdite organisée par le comité "Justice pour Adama" devant le Palais de Justice de Paris le mardi 2 juin n’ont pas fait de victimes, ni parmi les manifestants, ni dans les rangs de la police. Les entrepreneurs de haine, les provocateurs qui infestent ce comité, n’ont pas réussi leur coup. Il n’y a pas eu de mort.

Depuis la mort effroyable de George Floyd, le 25 mai dernier, assassiné par un policier raciste devant trois de ses collègues admirant sa "technique", les indigénistes, décoloniaux, post-coloniaux, intersectionnels et communautaristes de toutes sectes rêvent de pouvoir importer dans notre pays la violence raciale qui sévit aux États-Unis. C’est ainsi que pour ajouter à la confusion, ils ont annoncé et maintenu une manifestation non déclarée, interdite à deux reprises par les autorités de la République. Et ils s’arrangent, mais sans doute est-ce un hasard, pour que, le jour-même de cette manifestation, soit publié un rapport non officiel, rédigé par des médecins concluant, à rebours des deux expertises et d’un rapport ordonné par les juges d’instruction à la responsabilité des gendarmes… L’huile sur le feu…

Que cherchent ces factieux ? La séparation, la division, la violence, l’embrasement ; en aucun cas l’émancipation et le progrès social de ceux dont ils se font d’autorité les champions pour les manipuler. C’est ainsi qu’ils ont importé dans les banlieues françaises le conflit israélo-palestinien pour orienter les jeunes gens issus de l’immigration maghrébine vers un combat qui n’est pas le leur et les éloigner des revendications d’égalité politique et de justice sociale, d’intégration et de fraternité. Ils leur interdisent ainsi de s’élever dans la société, d’y trouver leur place et de se sentir Français.

Ils veulent désormais nous faire croire que la France et les États-Unis, c’est la même chose. Ils veulent convaincre le pays, avec hélas le soutien d’une partie de la gauche et d’intellectuels sans boussole autre que la détestation de leur pays, que les États-Unis, qui ont fait transporter comme des marchandises des millions d’Africains pour les réduire à l’esclavage sur le sol américain jusqu’en 1864 puis ont pratiqué dans des dizaines d’Etats une ségrégation officielle jusqu’aux années 60, c’est la même chose que la France. La France est ce pays qui, le premier au monde, a aboli le servage, en 1315 et dont la République triomphante a immédiatement aboli l’esclavage en 1794 et de nouveau en 1848, dès qu’elle fut au pouvoir. Ce pays qui eut un homme noir pour président du conseil municipal de Paris dès 1879 et dont le président du Sénat fut, dans les années 50 et 60, un petit-fils d’esclave guyanais.

Ce sont les mêmes qui détruisent les statues de Victor Schoelcher à Fort-de-France, les mêmes qui ne pensent qu’en termes de race, de tribu, de sang, d’origine ; bref, ce sont les fascistes de notre temps. Nous devons être capables aujourd’hui de défendre la République, de défendre la liberté, l’égalité, la fraternité, de défendre la laïcité, de promouvoir un antiracisme universaliste et émancipateur. Nous devons être capables de ne pas laisser tous ceux qui attisent la haine entre nous, détruire, cliver, opposer, avec l’espoir que le sang coule pour que l’irréparable se produise.

Quelles que soient les causes de la mort de Monsieur Traoré, quelles que soient les luttes qui sont sans cesse à mener pour venir à bout du racisme, la France n’est pas l’Amérique. La France est un pays dans lequel l’égalité devant la justice est respectée. La France est un pays dans lequel il n’y a ni racisme d’État, ni apartheid. La France est un pays où l’immense majorité de la population aspire à plus de laïcité, plus de fraternité et à un ordre juste, l’ordre républicain. L’horizon antiraciste est un horizon partagé et universel, pas un kaléidoscope de communautés qui se haïssent. Nous ne pouvons plus laisser faire ces vecteurs de haine qui prospèrent sur la misère sociale et culturelle et qui n’ont qu’une idée en tête, imposer la violence, l’arbitraire et les allégeances tribales.

Monsieur le président de la République, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le ministre de l’Intérieur, Messieurs les présidents des Assemblées, il n’est plus temps de tergiverser, de biaiser ; il n’est plus temps de négocier avec les religions, avec les communautarismes, ces petits avantages qui sont interprétés comme des faiblesses, encourageant à exiger toujours plus. Il faut mettre fin aux menées subversives de ce nouvel extrémisme. Il n’est plus temps, dans tous les partis, de fermer les yeux sur les arrangements et pratiques clientélistes, qui de Bobigny à Bagnolet, d’Ivry à Issy-les-Moulineaux, sont en train de détruire la République et la fraternité et d’attiser la haine raciale en laissant entrer dans les conseils municipaux les communautaristes parfois les plus radicaux.

Seules l’affirmation d’une laïcité sans concession, antiraciste, libératrice, émancipatrice et la fermeté républicaine sauront réunir l’immense majorité des citoyens et habitants de notre pays pour éviter qu’il se transforme en un champ de bataille. Il ne faut pas donner raison à tous ceux qui depuis quarante ans détruisent jour après jour nos idéaux pour les remplacer par l’arbitraire intégriste et racialiste.

Il est temps d’agir, Monsieur le Président. Non pas en tentant comme par un mauvais réflexe, de ménager en même temps la chèvre et le chou, mais en soutenant clairement notre République universaliste, laïque, antiraciste et sociale.

Pour le Comité Laïcité République

  • Jean-Pierre Sakoun, président,
  • Zineb El Rhazoui, présidente du jury des Prix de la Laïcité 2015,
  • Patrick Kessel, président d’honneur,
  • Djemila Benhabib, lauréate du prix international de la Laïcité 2012,
  • Gilbert Abergel, premier vice-président,
  • Catherine Kintzler, lauréate du prix national de la Laïcité 2014,
  • Jacques Lafouge, vice-président,
  • Virginie Tournay, lauréate du prix Science et Laïcité 2019,
  • Philippe Foussier, ancien président."

Lire ""Justice pour Adama" : résistons à ceux qui rêvent de séparation et non d’émancipation".

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