Revue de presse

M. Bock-Côté : « Laïcité : la France inspire le Québec ! » (Le Figaro, 30-31 mars 19)

Mathieu Bock-Côté, chroniqueur au "Figaro", docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal. 30 mars 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Mathieu Bock-Côté, L’Empire du politiquement correct, Cerf, 2019, 304 p., 20 e.

"[...] L’exigence de discrétion religieuse demandée aux représentants de l’État conduirait le Québec à s’exclure de la famille des sociétés libres - en Europe, on l’accuserait de basculer dans le camp des « démocraties illibérales ».

Ils sont nombreux, dans la mouvance multiculturaliste, à accuser le Québec de s’inspirer de la France. Et cela se veut une accusation grave. On reproche au pays de Voltaire de cultiver au nom de la laïcité une intolérance religieuse au point où les populations musulmanes issues de l’immigration qui habitent les banlieues se seraient retournées contre elle. En 2016, une étude de la Brookings Institution accusant la laïcité française de pousser à la radicalisation les jeunes musulmans avait ainsi reçu une presse très favorable dans le monde anglo-saxon. La presse américaine fait preuve, à cet égard, d’une complaisance coupable à l’endroit de la mouvance indigéniste qu’elle assimile à une forme d’activisme des droits civiques à la française. L’empire américain considère comme autant de provinces rebelles historiquement retardataires les pays qui ne se plient pas avec enthousiasme à l’imaginaire diversitaire. On se souviendra des commentaires désobligeants des États-Unis devant la volonté de nombreux pays européens de proscrire le voile intégral dans l’espace public.

Situons la réflexion plus largement. Les signes religieux ostentatoires témoignent moins de l’expression hardie d’une spiritualité irrépressible qu’ils ne témoignent d’une colonisation progressive de l’espace public par certains communautarismes qui entendent le marquer toujours plus de leur empreinte en instrumentalisant frauduleusement le langage des droits. Le politique est tout à fait légitime à remettre les religions à leur place, ce qui ne limite en rien la liberté de conscience des uns et des autres. Car la laïcité bien comprise a l’immense vertu de dégager un espace où l’individu peut s’émanciper des tutelles communautaires qui pèsent sur lui. Est-il encore possible, pour une nation, de proposer un modèle de « gestion de la diversité » qui ne soit pas aligné sur les prescriptions du multiculturalisme ? Cette question n’est pas désincarnée et s’impose à cause d’un certain islam qui s’accommode moins des codes culturels de la civilisation occidentale qu’il ne cherche à lui imposer les siens.

Depuis deux siècles et demi, le Québec lutte pour s’affirmer comme une nation de langue et culture françaises en Amérique. C’est ce combat qu’il poursuit aujourd’hui au nom d’une laïcité qu’il entend placer au cœur de son existence collective. Il entend le faire malgré l’idéologie dominante du continent. La véritable action politique consiste souvent à brandir un principe essentiel contre les fausses évidences qui dominent une époque. Que le Québec s’inspire à sa manière de la France nous rappelle par ailleurs que cette dernière demeure dans notre monde un pôle de résistance, incarnant une autre idée de la civilisation occidentale, et aussi une autre manière de faire société, où le commun ne s’efface pas devant la survalorisation victimaire des minorités et le culte d’un individualisme exacerbé."

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