Comité Laïcité République Charente

Loi Travail et laïcité : mémorandum aux parlementaires (CLR Charente, 2 mai 16)

9 mai 2016

"Madame, Messieurs les Députés de la Charente
Madame, Monsieur les Sénateurs de la Charente

OBJET : PROJET LOI TRAVAIL ET LAÏCITE

Mesdames, Messieurs,

Le Comité Laïcité et République de la Charente souhaite attirer votre attention sur les dangers de la loi travail dite El Khomri du point de vue du respect de la laïcité, fondement de notre République.

Le Comité Laïcité République de la Charente affirme que la religion doit rester dans le domaine de la sphère privée. La conviction religieuse n’est qu’un aspect de la liberté individuelle. Elle est traitée à ce titre, de manière satisfaisante par le code du travail actuel précisé par la jurisprudence.

Le Comité Laïcité République de la Charente a contacté des responsables syndicaux de divers horizons. Ils se plaignent de la formulation trop générale de la loi sur cet aspect et s’attendent à une recrudescence des recours en justice sur le fait religieux en entreprise. Quelle jurisprudence sortira de ces procès ? Nul ne peut le dire.

Pour le Comité Laïcité République de la Charente cet article de loi est inutile et dangereux. En effet demain l’employeur devra prouver une entrave à la bonne marche de l’entreprise pour tenter de réguler les comportements religieux au travail. Le risque de conflit entre salariés de religions ou de philosophies différentes pourrait être majoré dans l’entreprise. A l’appui d’un tel article, il sera hasardeux d’essayer de régler ces conflits juridiquement.

Nous vous livrons l’analyse de Maitre Jean-Michel Quillardet :

« L’article concernant l’expression religieuse dans les entreprises introduit dans la loi El Khomri et qui reprend l’article 6 du projet élaboré par Robert Badinter sur les principes essentiels du droit du travail fait polémique.

Cet article 6 stipule :

« La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise si elles sont proportionnées au but recherché. »

L’état actuel du droit est le suivant.

L’article L1121-1 prescrit :

« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »

L’article L 2281-1 quant à lui dispose :

« Les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. »

Dans l’état actuel du Code du travail, il n’est fait référence à aucune expression de nature religieuse mais est simplement cadré la liberté d’expression et la liberté d’opinion du salarié dans le cadre des textes susdits.

C’est la jurisprudence qui a été amenée à se prononcer sur le cas de convictions religieuses affirmées par des salariés au sein de l’entreprise.

On peut résumer cette jurisprudence de la manière suivante.

L’employeur est tenu de respecter les opinions et les convictions religieuses de ses salariés.

Ces derniers ne sauraient pour autant réclamer un traitement particulier en raison de leurs croyances dès lors qu’il n’existe aucune stipulation contractuelle ou d’usage en ce sens (Cour de Cassation arrêt du 24 mars 1998).

La Cour d’appel de Versailles le 23 janvier 1998 a par ailleurs très clairement indiqué que les salariés devaient se garder de tout prosélytisme susceptible de porter atteinte à la bonne marche de l’entreprise.

Un employeur peut interdire le port d’un signe religieux pour des raisons objectives étrangères à toute discrimination, notamment pour des raisons de sécurité ou en cas de risque de problème relationnel, ou avec la clientèle ou les autres salariés…

Il a été ainsi jugé légal l’interdiction du port d’un foulard islamique, faite à une vendeuse d’un centre commercial ou à une technicienne de laboratoire en contact avec la clientèle dans un lieu ouvert à un large public de convictions variées, ou à une éducatrice dans une crèche privée accueillant des enfants de tous horizons culturels ou religieux…

Dans le droit du travail actuel, le principe de la liberté d’opinion des salariés au sein de l’entreprise est donc cadré juridiquement. Il n’est pas spécifié particulièrement la conviction religieuse.

Le projet Badinter repris par la loi présentée par Mme El Khomri introduit expressément dans le code du travail l’opinion religieuse. C’est une incongruité… »

Le Comité Laïcité et République de la Charente affirme que la paix civile et la paix sociale n’auront rien à gagner avec l’introduction d’un tel article de loi dans un code du travail. Il nous parait générateur de conflit. Il est contraire au principe de laïcité, garant du bien vivre ensemble.

Le Comité Laïcité et République de la Charente vous remercie de l’attention que vous porterez à ce mémorandum et souhaite que vous en soyez les porte-paroles à l’Assemblée Nationale et au Sénat.

Veuillez accepter, Mesdames, Messieurs, nos salutations laïques et républicaines.

Pour le Comité Laïcité République de la Charente,
La présidente CATHERINE NEYRAT

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