par Khaled Slougui, consultant formateur, président de l’association Turquoise Freedom. 26 février 2018
Très cher Mohamed,
Je t’ai laissé un message sur ton répondeur pour étudier la possibilité d’organiser une conférence à propos de ton livre Pourquoi j’ai quitté les frères musulmans [1], avec notre association.
Ton témoignage me semble être très pertinent, dans la mesure où il se base sur une expérience pratique du militantisme au sein de la mouvance des « Frères musulmans » et donc une connaissance réelle autant de sa rhétorique que de son logiciel et sa stratégie sur tous les plans.
L’objectif est de faire partager cette expérience avec nos parents d’enfants radicalisés et nos adhérents, en répondant à toutes les questions qu’ils peuvent se poser à ce sujet.
Comme tu le sais, ce n’est pas dans les médias, tous types confondus, que l’on peut accéder à une information fiable à ce sujet.
Le problème est que, contrairement à la célérité habituelle avec laquelle tu réagissais à ma correspondance, cette fois, je n’ai eu aucune réponse.
Je me suis donc inquiété, cher ami, d’autant que je te savais malade, depuis la mi-décembre, date à la quelle tu t’es décommandé pour le séminaire que notre association a organisé [2], avec la participation de notre amie Djemila Benhabib, Serge Blisko - le Président de la Miviludes - et des familles de radicalisés à travers le territoire national, dont certains sont morts sur le théâtre des opérations.
Mais rassure-toi, tu étais bel et bien présent, et j’ai parlé de toi comme celui qui est devenu incontournable sur la question de l’islamisme.
Ta maladie a sans conteste été causée par les tracas judiciaires de plusieurs procès qui ont suivi la publication de tes deux livres [3].
Entre nous, je savais que les semi-incultes de « frérosalafistes », les contrebandiers de l’islam, les fossoyeurs de l’éthique et de la morale musulmanes, et les institutionnels irresponsables dont tu pointes la compromission et la lâcheté, n’allaient pas te lâcher.
Et pour cause ? Tu as appuyé là où cela fait mal, en disant la vérité, en mettant en avant les fantasmes nourris par les musulmans et les non musulmans sur l’islam, en remettant chacun à sa véritable place et en dénudant les imposteurs doctrinaires. Tu persistes et signes.
Mais au-delà, ton tort c’est de déranger beaucoup de monde à la fois, c’est de casser des tabous : quel juif, quel musulman a abordé la question du zizi (circoncision) ? Qui s’est posé des questions sur les liens de Mediapart avec les monarchies crapuleuses ? Qui a dénoncé le mercantilisme des frérosalafistes ? Qui a mis en cause les responsables du lycées Averroës à Lille et du collège Ibn Khaldoun à Marseille ? Qui a révélé le rôle de la sénatrice de Marseille et celui de l’ancien ministre de l’Education nationale dans l’attribution de l’agrément au dit collège ? Qui a décrit l’esprit sectaire de l’islamisme ?…
Pour mon malheur, j’avais raison de m’inquiéter, car les choses sont pires que tout ce que je pouvais imaginer.
J’ai découvert la nouvelle de ta grève de la faim, car c’est bien de cela qu’il s’agit, un matin sur le site du Comité Laïcité et République (CLR) [4], et comme tu t’en doutes, cela m’a ébranlé, m’a mis dans une rage indescriptible.
Tu connais mon franc parler, et donc je ne vais pas faire de contorsions pour te dire le fond de ma pensée.
Ecoute ! Tu es en train de délirer ; tu te fais du mal et tu fais du mal à ceux qui t’aiment, ta femme, tes enfants, tes parents, tes amis et ils sont nombreux. Ceux-là t’aiment pour ce que tu es, pour tes convictions, ton intégrité, ta loyauté, ton intelligence, ta gentillesse et ta bravoure, mais d’un amour, le vrai, celui qui n’est ni tarifé, ni intéressé, ni conditionnel, comme c’était le cas dans la secte islamiste que tu décris avec brio dans tes livres.
Mais bon sang ! En réagissant comme tu le fais, tu rends le meilleur des service à tes pires ennemis, qui doivent se frotter les mains à l’heure qu’il est.
Dans la vie, les choix se paient cash ; de toi à moi, te concernant, je l’avais prévu.
Je l’exprimais en ces mots dans mon livre qui vient de paraître Eloge de la déradicalisation, une approche politique. [5] : « Le mal, Mohamed Louizi, qui a vécu l’islamisme de l’intérieur en parle sans fioritures, avec beaucoup de courage (on sait de quoi sont capables les fous de Dieu) et de sincérité dans son livre ».
Malheureux ! Tu es en train de commettre un crime sur ta propre personne ; tes ennemis n’ont même pas besoin de se décarcasser pour trouver le bon moyen de t’éliminer.
« Voilà qui ne fait l’affaire que de ceux que nous sommes tous censés combattre : les ténébreux islamistes et leurs affidés ». A qui profite le crime ? [6]
Sûrement pas à Marianne que tu connais bien et que tu décris magistralement : « En effet, la question passionnée sur l’Islam clive toujours. Marianne croit offrir une place honorable à l’Islam, elle cède du terrain à l’islamisme. Elle quitte les quartiers, l’islamisme s’y installe. Elle finance des écoles, l’islamisme y endoctrine sa relève. L’islamisme avance. Marianne recule. Il sait se plaindre en victime coutumière. Elle lui octroie davantage de pouvoir. Lorsque Marianne dit la constitution, rappelle le cadre laïc de la loi républicaine, l’islamisme crie à l’islamophobie. Entre « islam » et « islamisme », pauvre Marianne perd vraiment son… français ! ».
Tout est dit, le diagnostic est sans appel, judicieux et surtout à l’opposé de la nouvelle doxa des biens pensants de tous bords qui fait ressortir, à vrai dire, davantage une instrumentalisation de l’islamisme qu’une sympathie humaniste pour une religion, comme cela a existé par le passé.
Cher ami, tu es jeune et tu as les compétences pour faire de grandes choses. Ne te laisse pas abattre, ressaisis-toi ! Tu as juste besoin de repos, de recul, de distanciation pour mieux revenir. Et reprendre le combat avec tous ceux qui refusent le dévoiement, la défiguration, voire la mutilation de l’islam. Ceux aussi qui dénoncent la stratégie pernicieuse de remise en cause des valeurs de la république, la laïcité notamment, nonobstant l’argument fallacieux et usé de l’islamophobie. La France ne va pas changer de civilisation, ai-je dit par ailleurs.
Cher ami, Marianne a besoin de toi, tu ne peux pas te dérober, pas maintenant car l’enjeu est crucial. D’autant que le contexte est favorable à la neutralisation de l’islamisme (voir ma tribune Un contexte favorable à la neutralisation des islamistes (K. Slougui)).
En effet, si tu as remarqué, l’UOIF s’est baptisée « Musulmans de France » pour mieux leurrer, tromper et abuser son monde.
En vérité, pour parler comme La Fontaine, le plumage a changé mais pas le ramage.
L’adage dit : les combats qu’on perd sont ceux qu’on ne livre pas. Aussi tu n’as pas d’autre choix que de poursuivre le combat de l’islam agressif, vociférant n’ayant que l’imprécation et l’anathème dans la bouche de ses prédicateurs.
Pour ma part, je ne vais pas t’abandonner à ton sort ; je vais appeler à un grand élan de soutien en ta faveur.
Non Mohamed t’es pas tout seul, pour paraphraser Brel s’adressant à son ami Jeff.
Tiens bon ! En te rappelant « Sidi », ton père que tu décris de façon touchante.
Salutations laïques.
Khaled Slougui
[1] Michalon (note du CLR).
[2] Séminaire du 9 décembre 2017
« Radicalisation/déradicalisation : idées reçues, enjeux et témoignages ».
[3] Pourquoi j’ai quitté les frères musulmans ? et Plaidoyer pour un islam apolitique.
[4] Voir M. Louizi : "La France et l’islamisme : j’entame un jeûne de protestation volontaire" (17 fév. 18), "L’essayiste anti-islamiste Mohamed Louizi jeûne contre le « harcèlement judiciaire »" (lefigaro.fr , 19 fév. 18) (note du CLR).
[5] "Éloge de la déradicalisation. Une approche politique", de Khaled Slougui (Edilivre) (note du CLR).
[6] Idem page 81.
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