Elections 2022

Les responsables politiques et la laïcité : positions figées et langue de bois ? (M. Seelig)

par Michel Seelig, membre du Conseil d’administration du CLR. 30 avril 2022

Le Comité Laïcité République a interrogé les candidats à l’élection présidentielle. Les réponses qui lui sont parvenues émanent d’une grande partie des tendances politiques actuelles : la droite radicale (N. Dupont-Aignan) ; la droite classique (V. Pécresse) ; le centre (E. Macron) ; la gauche traditionnelle (A. Hidalgo et F. Roussel) ; la gauche radicale (J.-L. Mélenchon).

Manquent à l’appel l’extrême-droite (Rassemblement National et Reconquête) ; l’inclassable J. Lasalle ; le mouvement écologiste ; l’extrême-gauche de tradition trotskiste (NPA et LO).

Les réponses n’offrent pas de véritables surprises ! Elles nous permettent cependant de dresser un tableau synthétique des positions d’une grande partie des acteurs des très prochaines élections législatives. Elles donnent les éléments nécessaires aux militants laïques pour interpeller les candidats dans chacune des circonscriptions.

On peut classer les domaines abordés en trois grandes catégories :

1) L’application des lois actuelles

(1905 et la Séparation ; 2004 et les signes religieux à l’École ; 2021 sur le respect des principes républicains)

Sans grande surprise, aucun candidat ne s’oppose à cette application, à l’exception de Jean-Luc Mélenchon pour la loi de 2021 (qu’il estime attentatoire notamment aux libertés associatives)

2) Les mesures destinées à renforcer ou compléter les dispositions des lois actuelles

a. L’inscription des principes énoncés par les deux premiers articles de la loi de 1905 dans la Constitution

Seuls les candidats de gauche y sont favorables. Pour les autres, l’affirmation de la laïcité de la République dans l’Article 1er semble suffisante.

b. L’adoption de textes, législatifs ou réglementaires, pour une mise en œuvre effective de la neutralité de tous les services publics

F. Roussel ne répond pas à cette question. N. Dupont-Aignan souhaite une loi plus générale d’interdiction de signes notamment à l’Université et dans les hôpitaux. V. Pécresse veut aussi une loi de neutralité y compris pour tous ceux qui concourent à l’exercice d’une mission de service public (à l’école, dans les tribunaux…). E. Macron annonce les textes d’application de la loi de 2021. J.-L. Mélenchon souhaite étendre la neutralité aux élus et dépositaires d’une autorité publique (pas d’assistance à des cérémonies religieuses par exemple).

c. L’adoption de mesures pour les entreprises privées

Avec des nuances, plusieurs candidats n’y sont pas hostiles, au moins sur des situations particulières (A. Hidalgo pour la possibilité de licencier pour radicalisation islamiste). En revanche E. Macron et J.-L. Mélenchon ne le souhaitent pas (respect de la liberté de conscience et de culte – dispositions actuelles et jurisprudences suffisantes).

d. La formation à la laïcité de tous les personnels de l’Éducation nationale

Tous les candidats en principe d’accord avec cette proposition. E. Macron y ajoute des « formations de sensibilisation à l’enseignement pluridisciplinaire des faits religieux ».

e. La diffusion renforcée et le contrôle de l’application des règles de neutralité de l’École

Avec des nuances, accord général sur cette proposition. E. Macron insiste sur les dispositions déjà adoptées : Conseil des sages, équipes académiques Valeurs de la République…

f. L’extension de la neutralité à l’Université

Approbation par N. Dupont-Aignan et partiellement par V. Pécresse (y interdire toute activité cultuelle ou de prosélytisme). Tous les autres candidats mettent en avant la liberté académique, l’Université lieu de débats et le fait que les étudiants sont des personnes majeures (contrairement au primaire et au secondaire)

g. Le soutien aux acteurs de terrain, notamment les associations

Accord général de principe, notamment pour l’apprentissage de la langue (facteur d’assimilation ou d’intégration selon les candidats !).

h. La valorisation de la journée de la laïcité du 9 décembre

Tous les candidats sont d’accord sur le principe. Certains en développent certaines modalités

i. Le renforcement des textes relatifs à la fin de vie

N. Dupont-Aignan souhaite uniquement mieux appliquer la loi actuelle. V. Pécresse aussi, elle refuse par ailleurs l’idée du « suicide assisté » craignant les « abus de faiblesse ». E. Macron veut lancer un grand débat national. Les candidats de gauche sont favorables au « droit à mourir dans la dignité ».

3) Les régimes dérogatoires

(Concordat en Alsace et Moselle, statut particulier de la Guyane, décrets Mandel des Collectivités d’Outre-Mer.

J.-L. Mélenchon et F. Roussel souhaitent l’application des lois de la République sur l’ensemble du territoire de la Nation (sans remettre en cause les autres dispositions du droit local d’Alsace et de Moselle). A. Hidalgo « ne souhaite pas remettre en cause l’équilibre existant » (en contradiction avec sa position sur l’introduction de la loi de 1905 dans la Constitution ?). E. Macron ne souhaite pas remettre en cause les spécificités locales fondées sur l’histoire de certains territoires. C’est peu ou prou l’opinion aussi de V. Pécresse et N. Dupont-Aignan.

Aucun candidat ne semble avoir pris connaissance du récent sondage qui démontre l’opinion désormais majoritaire des Alsaciens et Mosellans pour l’abrogation du Concordat, en tout cas aucune allusion n’est faite à cette consultation.

Cette synthèse tente de présenter le plus clairement possible des positions parfois ambiguës… Le lecteur pourra se référer au verbatim complet, consultable sur le site du CLR : Réponses des candidats aux propositions du Comité Laïcité République (mars 2022).

Rappelons par ailleurs que le Comité Laïcité République entend se montrer très vigilant sur la mise en œuvre des engagements pris par le candidat Emmanuel Macron, réélu le 24 avril 2022.


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