Revue de pesse / tribune

« Les forces qui s’opposent au droit à une aide médicale à mourir rappellent celles qui, il y a cinquante ans, s’opposaient à l’IVG » (Collectif, Le Monde, 12 mars 24)

(Collectif, Le Monde, 12 mars 24). L. Bedossa, S. Cadalen, Ch. Calmat, Fr. de Closets, A. Comte-Sponville, D. Labayle, H. Pena-Ruiz, B. Senet, A. Vourc’h, A. Wallet. 12 mars 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Les autorités religieuses, médicales et politiques qui pesaient dans les années 1970 contre la loi Veil contestent aujourd’hui toute évolution de la loi sur la fin de vie, affirment des médecins et des intellectuels.

L. Bedossa, S. Cadalen, Ch. Calmat, Fr. de Closets, A. Comte-Sponville, D. Labayle, H. Pena-Ruiz, B. Senet, A. Vourc’h, A. Wallet.

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Au moment où l’interruption volontaire de grossesse (IVG) devient une liberté gravée dans la Constitution, quel va être le contenu du projet de loi annoncé ce dimanche 10 mars par le président Emmanuel Macron, dans son entretien conjoint aux journaux La Croix et à Libération, face à la variété des situations de fin de vie ? Droit tant attendu par des malades qui refusent des souffrances « pires que la mort », comme le disait le philosophe Frédéric Worms dans un article de L’Obs du 8 décembre 2022, et qui demandent à « fermer la lumière » ?

Voilà des années que les sondages le montrent invariablement : les Français sont favorables à une nouvelle loi qui leur reconnaîtrait le droit d’être aidés médicalement à abréger leur vie.

Voilà bientôt un an que, au terme de travaux approfondis, respectueux et salués pour leur qualité exceptionnelle, la convention citoyenne sur la fin de vie s’est prononcée en faveur de la reconnaissance d’un droit pour une personne en situation de maladie incurable et de souffrances inapaisables de recevoir une aide au suicide ou de bénéficier d’une aide médicale à mourir, sur sa demande expresse et réitérée, dans un cadre légal.

Les forces qui s’opposent aujourd’hui à la reconnaissance de ce nouveau droit rappellent celles qui, il y a cinquante ans, s’opposaient à l’IVG. Avec des arguments similaires.

Les autorités religieuses, en premier lieu, qui, au nom de l’idée selon laquelle « la vie est sacrée », ont pesé de toutes leurs forces contre la loi Veil, adoptée en 1975. Ces derniers mois, elles ont fait le siège du gouvernement et du président Emmanuel Macron, qui les a invitées à plusieurs reprises pour entendre leurs arguments. Les associations qui militent pour la reconnaissance de ce nouveau droit et reçoivent les personnes en détresse n’ont pas droit à la même écoute.

Les autorités médicales ensuite – le conseil de l’ordre des médecins et l’Académie nationale de médecine – qui, brandissant le serment d’Hippocrate et au nom du principe « tu ne tueras point », étaient farouchement opposées à l’avortement. Heureusement, des médecins bravant l’interdit venaient en aide aux femmes, comme certains aujourd’hui viennent en aide à leurs patients condamnés et souffrants qui demandent leur aide pour partir paisiblement sans attendre une issue implacable. Tout comme leurs prédécesseurs d’avant 1975, d’ailleurs, ces médecins continuent à être traduits en justice.

Pourtant, la position de certaines institutions de poids commence à s’infléchir, comme l’Académie nationale de médecine, qui s’est récemment ralliée à l’idée d’un droit à « l’assistance au suicide », ou le Comité consultatif national d’éthique ouvrant la porte à une exception d’euthanasie. Elles constatent que, quand bien même ils seraient généralisés sur tout le territoire français, ce qu’on ne peut que souhaiter, les soins palliatifs ne répondent pas à toutes les situations ; de même que la contraception, pourtant libre et gratuite, ne répond pas à toutes les situations auxquelles sont confrontées les femmes.

Les autorités politiques enfin, qui fermaient les yeux sur les mouvements qui aidaient les femmes à se rendre au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, où l’IVG était autorisée ; aujourd’hui, elles ne paraissent pas gênées outre mesure par le fait que des Français n’aient comme autre solution que de chercher en Belgique ou en Suisse l’aide à mourir qui leur est refusée en France. Une défausse peu glorieuse et particulièrement inégalitaire, car réservée aux personnes informées et dont l’état de santé permet encore de supporter le déplacement, et disposant de moyens financiers importants.

Qui aurait pensé qu’un jour l’IVG entrerait dans notre Constitution, a fortiori avec les suffrages venant de familles politiques qui ont férocement combattu sa légalisation en 1975 ?

Si l’histoire est appelée à se répéter, que ce soit désormais non plus pour le pire, mais pour le meilleur. Pour que ce projet de loi ouvre réellement sur ce nouveau droit, il faut que le Parlement, quand il s’en saisira, soit le lieu d’un vrai débat démocratique qui n’esquive pas les oppositions pour aboutir enfin à la loi qu’attendent les Français.

Comme, il y a cinquante ans, a été reconnu à chaque femme le droit de choisir de poursuivre ou non une grossesse et de disposer de son corps. Une loi de liberté, une loi de solidarité, une loi d’égalité.

Laurence Bedossa, avocate ; Sophie Cadalen, psychanalyste et écrivaine ; Chantal Calmat, médecin ; François de Closets, journaliste ; André Comte-Sponville, philosophe ; Denis Labayle, médecin et écrivain ; Henri Pena-Ruiz, philosophe ; Bernard Senet, médecin ; Anne Vourc’h, sociologue ; Annie Wallet, coprésidente de l’association Le Choix. Citoyens pour une mort choisie."



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