Revue de presse

"Le recensement national s’ouvre aux statistiques ethniques" (La Croix, 10 jan. 25)

(La Croix, 10 jan. 25) 10 janvier 2025

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Pour la première fois, la campagne 2025 du recensement national, qui sera lancée le 16 janvier, renseignera le lieu de naissance des parents. Une évolution qui permettra d’améliorer les statistiques ethniques, pas interdites mais strictement encadrées en France.

Bernard Gorce

JPEG - 11.9 ko

Lire "Le recensement national s’ouvre aux statistiques ethniques".

« Quel est le lieu de naissance de vos parents ? » Telle est la septième question qui fait cette année son apparition sur le bulletin individuel du recensement national dont la campagne 2025 débutera le 16 janvier dans 17 000 communes françaises (lire ci-dessous).

Les quelque 9 millions de personnes interrogées devront renseigner, comme c’était le cas avant, leur état civil et, à titre facultatif, pourront donc indiquer dans quel département français ou dans quel pays étranger sont nés leurs parents. L’ajout peut paraître anodin mais représente une révolution dans l’univers de la statistique qui s’ouvre un peu plus aux données ethniques.

Appréhender les discriminations
Contrairement à une idée reçue, la France a une longue tradition de recueil d’informations sur les origines de la population, comme le détaille l’excellente analyse de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) sur son blog. Ces dernières permettent notamment d’établir le nombre d’étrangers dans la population, définis comme « les personnes nées étrangères à l’étranger et résidant en France ». Depuis plusieurs décennies est apparue la nécessité d’aller plus loin dans la connaissance des trajectoires familiales et individuelles, notamment pour appréhender les discriminations.

Le sujet est sensible car certains s’inquiètent d’une évolution à l’anglo-saxonne – les recensements américain, canadien ou britannique, comportent une autodéclaration d’appartenance à un groupe « ethno-racial » – opposée à notre conception universaliste de la citoyenneté.

L’article 1er de la Constitution affirme que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Le Conseil constitutionnel a pour ce motif proscrit, en 2007, les traitements de données faisant apparaître les origines des personnes. Mais si le principe est celui de l’interdiction des statistiques ethniques, il admet des exceptions pour des motifs scientifiques.

Les ressentis d’appartenance
Depuis 2003, plusieurs grandes enquêtes Insee (emploi, formation, logement) renseignent ainsi sur le lieu de naissance des parents, donnant lieu à une importante littérature scientifique sur les parcours des descendants d’immigrés. Parallèlement, d’autres études récoltent des données subjectives.

L’Insee a mené avec l’Ined (Institut national d’études démographiques) en 2009 puis en 2019 l’enquête « Trajectoires et origines » auprès de 27 000 personnes avec des questions sur le lieu de naissance des grands-parents et aussi sur les ressentis d’appartenance et de discrimination liée à l’origine ou la religion.

Sur la base de cette expérience, la statistique française passe avec le recensement à une autre échelle, se félicite François Héran, titulaire de la chaire migrations et société au Collège de France. Si l’enquête emploi de l’Insee porte sur 100 000 personnes, le recensement est annuel et concerne l’ensemble de la population avec une précision géographique unique. « C’est un outil considérable pour mettre en place des politiques de cohésion sociale au niveau national ou local », estime le démographe.

Classification ethnique
La réforme du bulletin individuel est l’aboutissement d’une longue procédure consultative lancée en 2020 auprès de nombreuses instances telles que la Commission nationale informatique et liberté (Cnil) ou le défenseur des droits. Elle a abouti en mars 2024 à un décret pris après avis du Conseil d’État.

Certaines organisations redoutent un dévoiement du recensement dont la vocation est de compter la population pour chaque collectivité locale. En mars, les responsables de la CGT et de la Ligue des droits de l’homme s’inquiétaient ainsi dans Libération que ce nouvel outil « contribue à une classification ethnique des personnes ».

En décembre 2023, la Cnil a donné son feu vert, relevant la nature facultative de la réponse sur les parents, que l’acceptabilité de ces questions a été préalablement testée et que toutes les précautions méthodologiques ont été prises pour garantir la protection des données. Seul l’Insee est destinataire de toutes les informations et ne peut les communiquer à quiconque. L’introduction de la nouvelle question permettra d’étudier des formes de discrimination « à des échelles géographiques et temporelles inédites », approuvait la Cnil. Les premiers résultats devraient faire l’objet de communication mi-2026, précise-t-on à l’Insee.

— -

Un mois de recensement

Le recensement national, qui concerne l’ensemble de la population vivant en France, est mené sur un cycle de cinq ans.

Dans les communes de moins de 10 000 habitants, le recensement a lieu par roulement tous les cinq ans, et toute la population est concernée. Environ 7 000 communes (un cinquième) seront concernées en 2025, du 16 janvier au 15 février.

Dans les communes de 10 000 habitants ou plus, le recensement a lieu tous les ans mais sur un échantillon de logements différent chaque année. Il aura lieu du 16 janvier au 22 février.

Outre la nouvelle question sur le lieu de naissance des parents, le questionnaire 2025 en compte deux autres, sur le télétravail et la situation de handicap."



Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales