Contribution

Le Concordat n’est pas une chance (M. Seelig, 11 av. 21)

par Michel Seelig, président du Cercle Jean-Macé (Metz), membre du Conseil d’administration du CLR. 11 avril 2021

La tribune publiée par le site du quotidien La Croix dans la soirée du 9 avril 2021 ne résiste pas à une lecture attentive : ce texte à l’argumentaire très conjoncturel est une défense désespérée de dispositions aujourd’hui dépassées. Dans la forme, cette défense offre, de manière à peine voilée, la manifestation d’un sentiment de supériorité de « sachants », non dénué de mépris de l’avis des citoyens.

Un mépris des citoyens français qui ne veulent décidément pas comprendre que la dénonciation du Concordat, par la République, en 1905, était une erreur. Ces citoyens, vraisemblablement aveuglés par les discours laïcistes, ne voient pas tous les « bénéfices » auxquels ils renoncent de ce fait.

Un mépris des citoyens d’Alsace et de Moselle, qui ne se sont prononcés contre le Concordat QUE parce qu’ils étaient opposés à une décision de la municipalité strasbourgeoise. Ces Alsaciens et Mosellans se sont laissés entraîner par « les opposants idéologiques du Concordat » (l’idéologie des adversaires est toujours condamnable, celle qui sous-tend notre position ne supporte pas de critique). Ces braves gens se sont trompés, puisque, en fait, « le Concordat [...] les Alsaciens et Mosellans y restent attachés »… C’est vrai, puisqu’on vous le dit !

Un texte politicien et conjoncturel :

  • Traditionnellement, les auteurs des tribunes défendant le Concordat s’attachent à associer des signatures alsaciennes et mosellanes. Cette fois-ci, exit les Mosellans : le rejet du Concordat nettement plus élevé en Moselle explique à l’évidence ce fait.
  • Traditionnellement aussi, des tribunes antérieures mêlaient des signatures politiquement « œcuméniques », associant la Droite, le Centre et le Parti socialiste, tous unis pour défendre le régime local. Cette fois-ci, les échéances électorales prochaines ne permettent plus cet unanimisme de façade. Il s’agit aujourd’hui pour les signataires d’utiliser l’opinion exprimée par le sondage pour critiquer l’action d’un acteur politique menaçant : les écologistes récents vainqueurs des municipales strasbourgeoise [1].

Un aveuglement manifeste. Comment ne pas voir que le résultat du sondage ne devrait pas surprendre. Il est le résultat d’une longue évolution de la population, tant alsacienne que mosellane. La preuve : l’érosion constante de la fréquentation par les élèves de l’enseignement religieux dans les écoles publiques. Aujourd’hui, en 2021, il n’y a plus en Moselle que 49 % des élèves du primaire à suivre ces cours (plus de 75 % il y a peu encore), 8 % au collège, 0,03 % (zéro virgule zéro trois pour cent) au lycée ! Ces chiffres sont ceux établis par les services rectoraux et ne sont guère différents en Alsace.

Une lecture biaisée du droit. Cela apparaît notamment à propos de cet enseignement religieux. Il est présenté comme « l’enseignement de la “culture religieuse” de tous les cultes », alors que tous les textes qui le fondent précisent bien qu’il s’agit d’un enseignement « confessionnel », catholique, protestant ou juif. Il n’y a pas si longtemps, le clergé catholique s’insurgeait contre la transformation des écoles primaires confessionnelles en écoles pluriconfessionnelles. Aujourd’hui, en Alsace, face à la débâcle, il prétend ouvrir son privilège aux autres cultes. Le ministère de l’Éducation nationale a rejeté récemment une proposition dans ce sens et … l’évêque de Moselle a refusé de s’associer à la démarche, tenant à conserver la spécificité confessionnelle de l’enseignement qu’il dispense !

Des « bénéfices » bien contestables. Ils font l’objet d’une affirmation gratuite : « les bénéfices du concordat sont largement reconnus, en Alsace-Moselle comme dans le reste de la France » ! À l’évidence, le contribuable de « la France de l’Intérieur » qui finance le Concordat en est tout-à-fait d’accord !

Que dire du « dialogue interreligieux apaisé » induit par le Concordat ? Le fait de rémunérer prêtres, pasteurs et rabbins, permettrait un meilleur « dialogue » avec toutes les autres confessions ? Est-ce d’ailleurs à la puissance publique d’organiser ce « dialogue interreligieux » ?

De même, si l’on en croit les auteurs de la tribune le régime local aurait « le mérite de créer les conditions pour une adhésion des cultes aux principes républicains »… Y compris pour certaines fédérations musulmanes ? Plus généralement, pour que les cultes ne s’opposent pas à la République, il convient tout simplement de les acheter ?

Enfin, on nous dit que « le concordat crée en Alsace-Moselle un rapport à la laïcité moins rigide et moins conflictuel qu’il ne peut l’être dans le reste du pays. En reconnaissant et en acceptant la diversité des croyances et la liberté des pratiques, il favorise l’apaisement. ». Pour les élus signataires de la tribune, le régime de laïcité instauré par la loi de 1905 n’accepterait-il pas « la diversité des croyances et la liberté des pratiques » ?

Il serait utile que ces élus fassent l’effort de (re)lire la loi de 1905 !

Michel Seelig

[1Est-il nécessaire de préciser que notre propos n’entend évidemment pas justifier la décision des élus de Strasbourg !



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