Revue de presse

"La laïcité québécoise fait débat au Canada" (Le Figaro, 7 jan. 20)

12 janvier 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"« L’État du Québec est laïque. » Dès son article 1, la loi 21 sur la laïcité de l’État québécois déchaîne les passions. Elle « repose sur quatre principes, soit la séparation de l’État et des religions, la neutralité religieuse de l’État, l’égalité de tous les citoyens et citoyennes, ainsi que la liberté de conscience et la liberté de religion. » Ni les professeurs, ni les policiers ou les magistrats ne peuvent porter de signes religieux dans le cadre de leurs fonctions. Premières visées, les musulmanes du Québec multiplient les manifestations contre la loi 21, entérinée en juin. L’égérie du mouvement antilaïcité est une avocate québécoise d’origine libanaise, Nour Farhat. Hijab noir, lèvres botoxées, cette juriste de 28 ans revendique son « féminisme ». Elle a écrit une lettre ouverte à ses collègues avocats de la Belle province : « Je caresse le rêve de devenir procureure de la Couronne (…) Or (…) la loi 21 fait obstacle à mes rêves et ambitions et ce, sur la base de mes croyances religieuses. »

Nour milite pour obtenir le retrait de la loi avec de nombreux autres musulmans, comme Fatima Ahmad. « Je me sens comme une citoyenne de seconde classe avec des droits limités. Je me sens de moins en moins Canadienne (…) Je prévois de déménager aux Émirats arabes unis ou à Calgary », a confié au quotidien The Globe and Mail, cette étudiante portant le voile intégral. Si comme Fatima, les musulmanes intégristes dénoncent un climat délétère au Québec, l’immense majorité des Québécois ne voient dans le niqab qu’une faute de goût. Mi-décembre, la justice a rejeté les demandes de suspendre la loi 21 déposées par les organisations musulmanes, qui veulent aller à la Cour suprême. « Nous n’arrêterons pas notre travail tant que cette loi injuste n’aura pas été vaincue », a prévenu le directeur exécutif du Conseil national des musulmans canadiens, Mustafa Farooq.

La loi 21 a aussi été l’occasion d’un déchaînement de haine du Canada anglais contre le Québec. Un chroniqueur du Toronto Sun y voit l’influence de la France où de « telles lois ont banni les musulmanes de postes clés ». Les anglophones la considèrent comme une atteinte à la liberté religieuse et au multiculturalisme. Une situation révélatrice des différences entre deux mondes anglophones et francophones irréconciliables. Dans une lettre ouverte au quotidien web La Presse, l’ex-ministre du Commerce et de l’industrie du Québec, Rodrigue Tremblay, s’en est ému : « Nombreux sont ceux au Canada anglais qui semblent ignorer que le Québec a un système juridique différent du reste du Canada et cela depuis 1774 », avant d’ajouter : « Il y a une propagande insidieuse, lancée essentiellement par des médias de Toronto contre le Québec. »

Les tentatives de Québec de s’affranchir du religieux ne datent pas d’hier. Les Québécois se sont détachés du catholicisme au début des années 1960 lors de la « Révolution tranquille ». Québec a tenté en 2013 d’interdire les signes religieux ostentatoires dans la fonction publique via une Charte des valeurs québécoises. Sans succès. Le projet était celui d’une laïcité à deux vitesses. Mais le premier ministre du Québec, François Legault, a anticipé le piège en faisant décrocher le crucifix installé au-dessus du siège du président de l’Assemblée nationale. Le futur de la loi 21 reste toutefois incertain. Même si des musulmanes sont en désaccord avec le port du voile, les opposants musulmans à la laïcité devraient obtenir gain de cause, en déposant une plainte en Cour suprême du Canada. Non sans provoquer la fureur de bien des Québécois « pure laine ». La saga sur la laïcité est loin d’être terminée.

Ludovic Hirtzmann"

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