2 septembre 2021
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Le ministère de l’Éducation lance une campagne pour mettre en avant cette notion ainsi que le vivre ensemble.
Par Caroline Beyer
« C’est ça la laïcité. » Le slogan est décliné autour de huit affiches mettant en scène des écoliers, collégiens et lycéens. Cette laïcité, elle « permet » à Sacha, petit blond aux yeux clairs, et Neissa, petite métisse, « d’être dans le même bain », à la piscine. Elle permet aussi, selon ces affiches imaginées par l’Éducation nationale, à « Milhan et Aliyah de rire des mêmes histoires », à « Axelle et Ismaïl de penser par eux-mêmes », ou encore à « Romane, Elyjah et Axelle de recevoir les mêmes enseignements quelles que soient leurs croyances ». Pour le ministère de l’Éducation, il s’agit de mettre en avant, à hauteur d’enfant, les « conséquences positives de la laïcité », au-delà du principe constitutionnel parfois difficilement compréhensible.
La Rue de Grenelle souligne au passage que les prénoms des élèves figurant sur ces images « n’ont pas été inventés ». Pour les détracteurs de cette campagne, des syndicats enseignants au monde politique, les affiches en question ne parlent pas de laïcité, mais de « vivre ensemble ». Certaines voix dénoncent un message « racisé » - « assimilant la couleur de peau à une croyance religieuse » - voire « néocolonial », et une communication porteuse d’une « laïcité d’État ».
Les affiches de la discorde ou comment la laïcité révèle, à quelques mois de l’échéance présidentielle, les fractures sociétales et politiques sur le sujet. En cette rentrée, le ministre de l’Éducation a deux gros dossiers sur la table. En ces jours de retour en classe, les questions sanitaires vont beaucoup l’occuper. Mais Jean-Michel Blanquer regarde déjà plus loin, en faisant de la laïcité son sujet de prédilection. Le ministre qui, aux côtés de Gérald Darmanin à l’Intérieur et de Marlène Schiappa, en charge de la Citoyenneté, incarne au sein du gouvernement une ligne laïque ferme, s’apprête d’ailleurs à lancer un think-tank sur les valeurs de la République. Un cercle de réflexion qui pourrait lui donner davantage d’ampleur politique, au-delà du seul ministère de l’Éducation.
C’est presque unanimement que les syndicats enseignants dénoncent cette grande campagne d’affichage, qui va se déployer dans les établissements scolaires. « Ces affiches sont susceptibles de déclencher des réactions épidermiques chez les enseignants. Si c’est le cas, nous nous appuierons sur d’autres ressources », lâche Sophie Vénétitay, au Snes, le principal syndicat du secondaire, qui dénonce « un usage instrumentalisé » de la laïcité et une « propagande ». « Cette campagne est un moyen pour le ministre de dire qu’il parle de laïcité. À qui est-elle destinée ? Au grand public, pour asseoir sa stature politique », estime-t-elle. L’Unsa, de son côté, juge « gênants » ces « sous-entendus qui tendent à associer la religion supposée des enfants et adolescents à leur prénom ».
À l’extrême gauche, le syndicat SUD-éducation dénonce « un dévoiement raciste et xénophobe de la laïcité, appuyé sur un imaginaire colonial ». Et sur les réseaux sociaux, les détournements plus ou moins ironiques se sont multipliés, à l’instar de ce tweet : « Permettre à Khadija, la maman de Slimane, d’accompagner une sortie scolaire en portant son hidjab (…) C’est ça aussi la laïcité. » Dans le monde politique, l’affaire a aussi fait réagir, du socialiste Jérôme Guedj, conseiller régional d’Île-de-France à Florian Philippot qui, à l’extrême droite, dénonce un « communautarisme d’État ».
Dans L’Humanité, le socialiste Jean-Louis Bianco, ancien président de l’Observatoire de la laïcité - supprimé et remplacé cet été par un comité interministériel de la laïcité rattaché à Matignon - s’est fendu d’une tribune. « Le sous-texte de ces affiches, c’est que la laïcité est faite pour corriger les défauts des élèves de culture et de confession musulmanes, estime-t-il. Elles renvoient à une vision de l’intégration sous la forme de l’assimilation. Elles sous-entendent qu’un bon Français est gaulois, blanc et masculin, comme sont supposés l’être nos ancêtres », poursuit Jean-Louis Bianco, qui préside désormais La Vigie de la laïcité, association dont l’objectif est, explique-t-il, de fournir « des données objectives sur la laïcité ».
Pour Alain Seksig, membre du Conseil des sages de la laïcité, rattaché à l’Éducation nationale, cette campagne n’a « absolument rien de scandaleux ». « Elle présente la laïcité dans ce qu’elle peut produire de positif au quotidien. J’ai connu plusieurs ministres de l’Éducation successifs, notamment de gauche. Beaucoup auraient pu faire une telle campagne, sans que cela ne déclenche de telles réactions », ajoute-t-il."
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