2005
Lire “La laïcité et la loi de 1905” : deux conférences publiques à Metz et Nancy (25 et 26 nov. 05).
Voici près d’un siècle, était promulguée la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Il s’agissait, selon Jean Jaurès, « de la plus grande réforme qui ait été tentée dans notre pays depuis la Révolution française ». C’est donc une date capitale de l’Histoire politique, sociale et religieuse de la France contemporaine. Pendant cette période, la séparation, avant même la question sociale, a représenté l’essentiel de la lutte politique et la bataille contre le cléricalisme a été décisive pour la République. Curieusement, aujourd’hui, officiellement, du moins, cette loi ne semble plus compter d’adversaires. Pourtant, depuis 1905, jamais l’Eglise n’aura été aussi proche de l’Etat. Comment expliquer ce curieux paradoxe ? Pour le comprendre, il nous faut faire un peu d’histoire.
La loi de séparation n’est pas tombée du ciel : elle est l’aboutissement d’un long combat qui plonge ses racines dans le plus profond de notre histoire. L’aspiration à l’émancipation de l’Etat de la tutelle religieuse est multiséculaire, du moins en occident. Le prétendu héritage chrétien dont on nous bassine aujourd’hui n’est pas un long chemin pavé de roses. Il nous faut parler plutôt d’un affrontement permanent. Il aboutira, en 1905, à l’institution d’un Etat sans Dieu, triomphe de la Raison et ultime étape du droit à la liberté de conscience.
A la fin du 19e siècle et jusqu’au début du 20e, la Franc-maçonnerie connaît son âge d’or. Force numérique et sociale, elle est également une puissance idéologique et politique au service de la République. Comme le note Valérie Ragache, dans « Le grand Orient et l’affaire Dreyfus » : « Avec l’avènement, dans les années 80, de la « République républicaine », l’idéal maçonnique devient l’idéologie dominante. La philosophie du droit naturel, cultivée dans les temples, s’impose comme la philosophie implicite du régime, fondée sur les concepts de progrès, de laïcité, de rationalisme, de droits de l’homme. Jamais la maçonnerie n’aura été plus en accord avec un régime politique ».
La République avait déjà connu deux formes de séparation des Eglises et de l’Etat ; l’une pendant la Révolution, l’autre, plus éphémère encore, en 1871, pendant la Commune de Paris. A la fin du 19e siècle, l’idée était encore dans l’air. Cependant, certains estimaient que le Concordat de 1801 constituait encore un instrument de soumission de l’Eglise au pouvoir politique.
Né le 23 juin 1901 dans la fusion de 476 comités auxquels s’adjoignent les membres de 155 Loges maçonniques, 201 députés, 78 sénateurs, 849 maires et conseillers généraux, le tout jeune parti Radical est devenu le pivot de la majorité dreyfusarde. Au sein du bloc des gauches, il sera le fer de lance de la lutte pour la séparation. Ceci, il faut le souligner, avec l’appui constant et conséquent de la Libre Pensée et de la Ligue des droits de l’Homme. L’essentiel de la loi de séparation tient en ces quelques mots : « La République assure la liberté des cultes […] Elle […] ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ».Ce n’est pas pour autant une loi de circonstance ou d’exception, pétrie d’anti-religiosité. Ce fût même une loi de justice, de concorde et d’équité. A cet égard, son rapporteur, Aristide Briand, affirma avec force qu’ « « une loi n’a jamais pu, heureusement, réussir à réduire, ni les individus, encore moins leur pensée à l’impuissance. Une telle loi qui se proposerait un tel but ne pourrait être qu’une loi de persécution et de tyrannie … Pour nous Républicains - conclut-il - la séparation, c’est la disparition de la religion officielle, c’est la république rendue au sentiment de sa dignité et au respect de ses principes fondamentaux. Il commande de reprendre à l’Eglise sa liberté, mais il n’exige pas que ce soit par un geste de persécution. »
Il faut donc faire justice de certaines affirmations malveillantes.
L’anticléricalisme d’alors ne fût pas une attaque de l’esprit d’intolérance laïque contre les brebis et les bons pasteurs désarmés. Il nous faut parler plutôt d’un épisode de la bataille générale entre défenseurs et adversaires de la République ; le clergé, l’armée, les royalistes et les « gens du monde » faisant bloc contre la Gueuse. N’oublions pas, également qu’à cette époque et jusqu’aux lois Ferry, l’Eglise dominait l’enseignement à tous les degrés, plaçait ses élèves dans les administrations et dans l’armée, disposait de biens énormes épargnés par l’impôt, influait sur l’opinion grâce à une presse puissante et violente. Par ailleurs, on peine à imaginer aujourd’hui le poids du carcan clérical qui pesait alors sur la vie civile. Par exemple, à Lyon, un préfet avait ordonné que les enterrements civils se déroulent à six heures du matin l’été et sept l’hiver !
A cet égard, la loi de séparation apparaît comme l’aboutissement d’un processus de sécularisation de notre société qui a permis d’instaurer ou de restaurer les libertés essentielles : l’enseignement primaire laïque, gratuit et obligatoire, mais aussi liberté de réunion, légalisation des syndicats, de la presse, des associations, du divorce, la limitation du travail des femmes et des enfants, etc.
Commentant ces importantes avancées du cœur et de l’esprit, une revue antimaçonnique les résumait ainsi : « L’œuvre de la maçonnerie est faite : elle s’appelle les crèches sans Dieu, l’école sans Dieu, la justice sans Dieu, pour le gouvernement de l’Etat sans Dieu ». Il faut également faire justice d’une expression souvent reprise. Il s’agit de la fameuse « guerre des deux France ». A la fin du XIXe siècle, le système concordataire ne correspondait plus à la place réelle de l’Eglise dans la société française. La « France chrétienne » n’était qu’un mythe ou un thème littéraire. Ainsi, par exemple, une enquête menée par un universitaire montre qu’à peine 2 % des habitants de la Seine-et -Marne étaient encore pratiquants. Ce qui confirme que la loi de séparation correspondait bien à l’attente d’une immense majorité de Français. Et, si l’on excepte les quelques incidents provoqués par les inventaires, son application ne s’est heurtée à aucune opposition massive. La France n’a pas traversé de crise grave.
Si guerre il y a eu, c’est bien entre la République, la droite monarchique et cléricale et l’Eglise et non pas entre une partie du peuple contre l’autre. La condamnation du pape Pie X sera globale. C’est bien un modèle de société qu’il remet en cause et non pas seulement les effets matériels et immédiats de la loi de séparation. D’ailleurs, dans l’encyclique « Vehementer nos » du 11 février 1906 , c’est à la laïcisation de nos institutions qu’il s’en prend en premier lieu. Il condamne ainsi et notamment, la violation de la sainteté du mariage chrétien, c’est-à-dire le divorce, la laïcisation des écoles et des hôpitaux, la suppression de la prière publique lors de la rentrée parlementaire et celle des tribunaux, le bannissement dans les tribunaux, les écoles, l’armée, la marine, dans tous les établissements publics, de tout acte ou emblème qui pouvait, d’une façon quelconque rappeler la religion.
Bien entendu, il condamne également et sans appel la suppression de tout lien institutionnel entre l’Etat et les Eglises. Pour lui, « Qu’il faille séparer l’Etat de l’Eglise, c’est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l’Etat ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d’abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le créateur de l’homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l’existence comme il nous soutient ». Pour lui encore, « cette thèse inflige de graves dommages à la société civile elle-même, car elle ne peut pas prospérer ni durer longtemps lorsqu’on n’y fait point sa place à la religion, règle suprême et souveraine maîtresse quand il s’agit des droits de l’homme et de ses devoirs. Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l’honorer ».
Voilà qui est sans ambiguïté. En bref, ce que le pape refusait, c’était le droit, pour le peuple français, de vivre selon les règles qu’il s’était librement et démocratiquement choisies ! De quel côté se situait l’intolérance invoquée par une Eglise prompte à se décerner le statut de martyr ? De nos jours, a t-elle évolué sur ce point ? Rien n’est moins sûr. Ainsi, Mgr Tauran, Secrétaire pour les Relations du Saint-Siège avec les États, dans un récent discours prononcé devant l’Académie des Sciences Morales et Politiques estimait que « Lorsque les responsables français invoquaient la nécessité de la séparation, le Saint-Siège ne pouvait pas simplement entendre le rappel des exigences du " Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ", qu’il n’eût guère eu de difficulté à admettre, si ce rappel avait signifié une séparation-distinction et non une séparation-ignorance ou indifférence ». Derrière cette subtilité se cache - en fait – le refus de la rupture de tout lien institutionnel entre les Eglises et l’Etat. Que l’Etat et l’Eglise puissent former deux entités différentes, on veut bien nous l’accorder… Cependant, l’Etat ne doit pas, pour autant, rester neutre à l’égard des religions ! C’est pourtant l’essence même de la loi de séparation ! Qu’on me comprenne bien. Je ne propose pas que l’on interdise à l’Eglise ou à tout autre culte d’émettre des opinions politiques. Cela fait partie du débat démocratique. En revanche, je conteste qu’elle puisse imposer ses dogmes sur notre vie sociale, ceci au nom d’une mission divine pour laquelle elle se croit investie.
Cepenadant, ne péchons pas par excès d’angélisme, force est de le constater, le monothéisme n’est pas soluble dans la laïcité. Son universalisme revendiqué le conduit à dire le bien et le mal. Ceci, non seulement pour ses propres ouailles, ce que l’on admet volontiers, mais pour tous, croyants ou non croyants, ce qui est plus contestable. Pas de quoi s’offusquer, cependant. La République laïque donne à chacun le droit de s’exprimer. Il faut néanmoins se garder d’oublier que cette pression sera toujours constante. En Iran, par exemple, le Conseil de la révolution, c’est-à-dire les mollahs, se donnent le droit de re toquer les lois, lorsqu’ils estiment qu’elles ne sont pas conformes à la loi islamique. Bien qu’elles s’en défendent, c’est pourtant le modèle que nous proposent les autres religions. Tel est le cas, en particulier, pour l’Eglise, lorsqu’elle oppose la loi naturelle, c’est-à-dire la sienne, à celles qui ont été votées démocratiquement. D’ailleurs, récemment, le pape n’affirmait-il pas qu’une loi n’était pas forcément morale, même si elle avait été votée par le plus grand nombre ? Nous devons donc être vigilants, si nous souhaitons conserver les valeurs auxquelles nous sommes attachées et protéger les grandes conquêtes évoquées plus haut, divorce, contraception, IVG, liberté de la presse, etc.
Cependant, bien qu’en principe la loi soit la même pour tous, la séparation des Eglises et de l’Etat n’a pas été réalisée sur l’ensemble du territoire de la République. Il en est ainsi, par exemple, pour l’Alsace Moselle. Au départ, la raison en était simple et incontournable, puisqu’en 1905, cette région était toujours rattachée à l’Allemagne. Mais, comment justifier aujourd’hui cette exception ? D’autant, il faut le savoir, non seulement le Concordat est encore appliqué, mais également la loi Falloux. Il faut donc toujours faire une demande d’exemption pour que les enfants puissent échapper aux cours de religion. A défaut, on supprime les allocations familiales aux parents récalcitrants !
D’autres départements et territoires d’outre mer, héritage de leur passé colonial, vivent encore sous des lois d’exception. Il en est ainsi, par exemple, à la Guadeloupe, en Martinique, à la Réunion, en Polynésie, à Wallis et Futuna, à Saint Pierre et Miquelon, à Mayotte, dans les terres australes. Se trouvera t-il un homme politique courageux pour exiger un changement de statut ? Un retour aux lois de la République une et indivisible ? On peut en douter !
Depuis son entrée en vigueur, la loi de séparation a connu bien des vicissitudes et pas seulement sous le régime pétainiste. Les modifications intervenues, quel que soit le chemin qu’elles aient emprunté, lois, décrets, jurisprudence, tentent toujours d’en amoindrir la portée. On fait même tout pour la contourner. Ainsi, Jack Lang fit financer la construction de la cathédrale d’Evry, sous le fallacieux prétexte d’un musée imaginaire qui - et pour cause - n’a jamais vu le jour. On pourrait multiplier les exemples de ce type.
Pire encore, aujourd’hui, on se contente d’ignorer purement et simplement ses dispositions. Tel a été le cas récemment, à Lyon, où la mairie et le département ont subventionné, à hauteur de 900 000 €, un pèlerinage organisé par San Edigio, sorte de secte, à la réputation sulfureuse. Et comment oublier l’indécente et affligeante déferlante qui s’est abattue sur les médias publics, à l’occasion de la mort du pape. Des heures et des heures d’antenne, les préfets sommés d’aller à la messe, le gouvernement au grand complet à Notre Dame ! Les drapeaux, comme la laïcité avaient été mis en berne. Nos éminences républicaines sont à la laïcité ce que le Canada dry est aux boissons fortes : même pas un pale substitut, mais plutôt un trompe l’œil !
Alors, ne nous laissons pas abusés par le concert d’éloges qui, de l’Evêché, au plus haut sommet de l’Etat, commémore ce centième anniversaire. Si je devais prendre un seul exemple, je choisirai de citer les propos de Mgr Ricard, président de la Conférence des évêques de France. Dans un premier temps, il estime que « la loi de 1905 a fini par établir un juste équilibre des relations entre l’ Etat et les religions ». En conséquence, « il n’en demande pas le changement ». Cependant, il s’interroge sur le « bien fondé de l’interdiction des subventions aux cultes ». Plus loin encore, il n’accepte pas « que l’appartenance religieuse soit reléguée dans le seul domaine des convictions individuelles ». Chassez le naturel, il revient au galop !
Du côté des autres cultes, ce n’est guère plus rassurant. La Réforme, jadis plus éclairée, réclame maintenant une révision de la réglementation sur les associations cultuelle. Encore une question d’argent. On tente aussi de justifier le financement public de la construction des mosquées. Pourtant, si on cède sur ce point, n’en doutons pas, c’est la fin de la loi de 1905. Après avoir essayer de nous émouvoir sur « l’islam des caves », on nous fera pleurer sur le bouddhisme des greniers ! Et, comment refuser à l’un ce que l’on aura accordé à l’autre et au nom de quel principe ? Après tout, le catholicisme a longtemps vécu dans les catacombes. Il ne s’en porte pas plus mal aujourd’hui. La religion est une affaire privée et qui doit le rester ! Alors, le pseudo-toilettage qu’on nous promet, comme la prétendue adaptation de la loi de 1905 aux nécessités de notre temps ne sont que des précautions sémantiques, préludes à son éventuelle abrogation.
Chez nos hommes politiques, force est de constater : s’ils sont nombreux à chanter les vertus de la loi de séparation, ils le sont déjà beaucoup moins, lorsqu’il s’agit de dénoncer les atteintes dont elle fait l’objet. D’ailleurs, il faut reconnaître que la défense de la laïcité ne les intéresse plus guère et sa simple évocation a même disparu de la plupart des programmes des partis politiques. L’électoralisme ambiant porte en germe bien des reniements : les convictions personnelles doivent savoir céder le pas aux intérêts électoraux bien compris. On ne s’étonnera donc pas que d’aucuns en rajoutent, comme un certain ministre de l’intérieur, des cultes et de la bavure, pour qui l’escamotage de la loi de 1905 est déjà programmé. Après la loi sur le voile, le voile sur la loi !
D’autres dangers menacent encore notre laïcité institutionnelle et en particulier le communautarisme. Ce concept à la mode, objet de toutes les surenchères, exige un prétendu droit à la différence. Il mène, n’en doutons pas et inévitablement, à la différence des droits. Portant, comme le proclame la déclaration des droits de l’Homme, , « les hommes ne naissent-il pas libres et égaux en dignité et en droit » ? Il faut parler aussi du retour du religieusement correct, en clair du délit de blasphème, remis en selle et on pourrait même dire en Cène, par des juges complaisants.. A ce sujet, la presse s’est fait l’écho de diverses condamnations. Pourtant, soyons clairs : nous ne devons aucun respect aux religions. La religiosité comme l’anti-religiosité, le théisme comme l’athéisme ne sont que des options philosophiques parmi d’autres. Comme telles, elles peuvent être étudiées, analysées, disséquées, contestées, critiquées, remises en cause. On peut même s’en gausser. Ce n’est pas une forme d’intolérance. Cela s’appelle - tout simplement - la liberté d’expression. On se doit de la défendre et pas seulement lorsque les atteintes se situent dans quelques lointains pays islamisants.
Pour conclure et puisque j’ai parlé d’intolérance, comment ne pas évoquer l’opprobre que l’on jette maintenant sur ceux dont la seule ambition est de défendre la stricte application de la loi de séparation. Ce ne serait plus que des laïcistes, des laïcards attardés, derniers avatars d’une loi devenue anachronique. Critiquer l’islam sera maintenant une phobie ! Laissons là tous ces anathèmes. Ne nous y trompons pas. La loi de 1905 n’a rien perdu de sa modernité. Elle constitue toujours le pilier sur lequel repose une de nos valeurs essentielles : la laïcité constitutionnelle. Si nous sommes vigilants, encore une fois nous gagnerons la bataille.
Ne baissons pas les bras. Le camp laïque tire sa force de sa diversité. Il réunit, sans exclusive, croyants et non croyants, athées et agnostiques. Nous sommes dans le camp du progrès. Pour nous, la religion est une affaire privée. Dieu ne doit pas redevenir un service public Nous ne proposons donc pas de remplacer le syllabus par un autre syllabus, un dogme par d’autres dogmes, une Eglise par une contre-Eglise ! Nous souhaitons simplement que chacun puisse vivre et s’épanouir dans la dignité ; ceci, quelles que soient ses origines, ses options philosophiques ou politiques, la couleur de sa peau ou son sentiment religieux. Cette exigence n’a rien perdu de son actualité et de sa modernité. Et tant pis pour les supposés bien-pensants, les nostalgiques d’un temps révolu. Entre eux et nous il existe et pour longtemps encore, un fossé et même un gouffre. Celui-là même qui séparait l’obscurantisme de l’esprit des Lumières. Alors, comme certains le disaient presque en 68, ce n’est pas un début, mais continuons le combat !
Comité Laïcité République
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