2005
Lire “La laïcité et la loi de 1905” : deux conférences publiques à Metz et Nancy (25 et 26 nov. 05).
Citoyennes, citoyens,
Je vous apporte le salut de la Fédération Nationale de la Libre Pensée et du Comité départemental de la Moselle pour la défense et la promotion de la loi de 1905.
Avec l’article 1 de la loi de 1905 qui stipule que « La république assure la liberté de conscience » et « garantit le libre exercice des cultes », il était enfin admis que l’individu pouvait croire, comme ne pas croire, ou encore se désintéresser de la question religieuse.
L’Etat autorisait enfin le citoyen a pratiquer sa pleine et totale liberté de conscience. Le citoyen gagnait le droit fondamental de s’autodéterminer sur un plan philosophique et religieux sans avoir à subir la question et autres supplices qui ont eut cours dans le passé. La liberté de conscience ainsi garantie par la République supprimait la contrainte spirituelle de l’Etat au profit de la démarche volontaire des citoyens.
La liberté de conscience a été établie en distinguant la sphère publique et la sphère privée, en séparant institutionnellement les Eglises et l’Etat. C’est la célèbre formule républicaine de Victor Hugo : « l’Etat chez lui, l’Eglise chez elle ».
Pour parvenir à la stricte séparation, il fallait couper le lien entre l’Etat et la religion qui est fondé sur la reconnaissance officiel du culte dans les lois fondamentales de la République, c’est pourquoi l’article 48 de la loi de 1905 a brisé le Concordat de 1801.
A partir de là, l’article 2 de la loi a véritablement prononcé cette séparation puisqu’en vertu de celui-ci « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » et supprime « des budgets de l’Etat, des départements et des communes toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes ». La séparation était matérialisée par l’arrêt du financement public des religions.
La loi de 1905 adoptée, la République s’en trouvait ainsi raffermie car à la base de celle-ci, l’individu citoyen gagnait en liberté et en indépendance. La République était la chose de tous, indépendamment de conceptions métaphysiques des citoyens.
Mais tout porte à penser que la « liberté de conscience » instaurée par la loi de 1905 était intolérable pour tous les cléricaux, c’est à dire ceux qui se sont toujours appuyés sur l’état et l’école, pour assurer la domination des esprits.
La séparation a été remise en question a bien des reprises, et on ne le répétera jamais assez, la religion qui porte la plus grande responsabilité dans le démantèlement de la laïcité, n’est pas l’Islam comme on semble vouloir nous le faire penser aujourd’hui mais bien l’Eglise catholique et sa Curie Romaine car contrairement à ce qu’elle affirme en ce centenaire de la loi de 1905, aujourd’hui encore la Curie Romaine n’a jamais accepté la séparation.
Il y a quelques jours, le journal El Pais publiait une nouvelle saisissante : jeudi 17 novembre 2005, Javier Lozano Barragan, président du Conseil Pontifical pour la Santé ouvrait une conférence sur le génome humain organisée par Le Vatican.
Devant un parterre de 700 personnes venues de 81 pays, le cardinal mexicain devait expliquer que la Sainte Trinité se trouvait dans l’ADN : le père, le fils et le Saint Esprit se trouvaient ainsi fondus au cœur d’un enchevêtrement de chromosomes humains. Pour le Vatican, l’homme reste et restera toujours intrinsèquement religieux, il se doit par conséquent de participer bon grès mal grès à la vie divine, c’est pourquoi l’Etat doit reconnaître la religion.
Est-ce vraiment nouveau ?
Déjà St Augustin au IVème siècle, St Thomas d’Aquin au XIIIème et plus tard Emmanuel Mounier au XXème siècle ont toujours affirmé que l’âme était fondue intrinsèquement dans la chair de l’homme.
Ceux qui ont contesté ce dogme ont été pourchassé ont terminé sur le bûcher, à l’image du Chevalier de la Barre où encore été considéré comme « intrinsèquement pervers » (Léon XIII).
Au cours des siècles, l’Eglise catholique n’a pas lésiné sur les moyens pour faire entré la divine trinité dans la chair des citoyens, elle n’a pas hésité pour cela à soutenir la monarchie absolue, et plus près de nous, la politique du Maréchal Pétain, du Général Franco, de Salazar, les oustachis en Yougoslavie.
Aujourd’hui la divine Trinité c’est la notion de Personne, principe catholique, qui est inscrite dans tous les textes fondamentaux de l’Union Européenne
C’est contre ce type de dogmes qui trouve ses relais dans les plus hautes sphères de l’Etat, des partis républicains, du mouvement ouvrier, que se justifie l’action de la Libre Pensée.
Organisée à partir de la moitié du XIXème siècle, regroupant des citoyens de différentes origines politiques, philosophiques, progressistes, militants du mouvement ouvrier naissant, des continuateurs rationalistes des philosophes des Lumières, des membres de loges maçonniques, les libres penseurs sont décidés à agir en commun aux côtés de tous les authentiques laïques, afin de libérer l’Etat de l’emprise des religions, condition indispensable pour l’existence de la liberté de conscience.
Cette action est d’autant plus justifiée que depuis 1905, les remises en cause ont été nombreuses et la plus grave d’entre elles c’est le statut clérical d’Alsace Moselle.
De quoi s’agit-il exactement ?
En Alsace-Moselle, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 ne s’applique pas. Les trois départements subissent la loi Falloux de 1950, les lois impériales de Bismarck et le Concordat napoléonien de 1801 : au nom de celui-ci, l’Etat reconnaît et finance généreusement 4 cultes officiels : catholique, luthérien, calviniste, israélite.
Ainsi 37 millions d’euros sont alloués chaque année au budget des cultes alsacien-mosellan par le ministère de l’Intérieur pour 2100 ecclésiastiques actifs et retraités.
Cette politique se poursuit aujourd’hui encore alors que des milliers de postes d’enseignants sont fermés des postes dans l’enseignement public (1400 postes en deux ans dans l’académie de Nancy-Metz en collèges et lycées), à l’heure où l’on ferme des collèges (comme celui de Nilvange en Moselle, et bientôt de la Tour à Metz, puis celui de Volmerange les mines), à l’heure où l’on ferme des centaines de classes dans le primaire et des dizaines en maternelles.
Savez-vous que l’évêque est rétribué à l’indice nouveau majoré 1 015 et touche près de 30 000 FF par mois, avec indemnités de représentation, voiture avec chauffeur ?
Savez-vous qu’un curé en milieu de carrière est à l’indice 612 avec 17 740 FF, etc. ?
Savez-vous que ces personnels ecclésiastiques bénéficient en outre de nombreux avantages sociaux ? Une indemnité de résidence ou le logement gratuit, un régime spécial de retraite (les cotisations sont payées par l’Etat ), une indemnité kilométrique de desserte de paroisses, le plein traitement pour les 3 premiers mois de retraite ; avec 10 années d’activité (y compris années d’études, cours de religion, années à l’étranger), ils ont droit à 33 % de pension ; des congés maladie avec plein traitement sans limitation de durée ( avec accord de la hiérarchie) ; à quoi s’ajoute le traitement des cours d’aumônerie donnés dans les collèges et lycées !
D’un côté la République et l’école publique sont saccagés, de l’autre des dizaines de millions d’euros sont détournés de leur véritable but, je veux dire la survie du service public républicain.
C’est pourquoi que l’Appel aux laïques affirme avec raison que commémorer la loi de 1905 en Moselle c’est mettre au centre de la discussion l’abrogation du statut clérical.
Avec les signataires de l’Appel aux laïques, les libres penseurs demandent l’application de la loi de 1905 aux départements alsaciens-mosellan, l’abrogation du statut clérical d’exception en Alsace-Moselle (Nous ne confondons pas ce statut clérical avec le Régime local de Sécurité sociale imposé par la social-démocratie allemande au pouvoir bismarckien, car il ne concerne en rien le droit des cultes concordataires.)
Non au détournement des fonds publics, fonds publics à l’Ecole publique, fonds privés à l’Ecole privée !
Savez-vous que dans nos trois départements les cours de religion donnent lieu à un fichage religieux et sont obligatoires (les parents laïques doivent demander une dispense pour leurs enfants) ?
Alors que l’Ecole publique, école de la République, est l’école de tous, et se doit de protéger la liberté de conscience des enfants, chaque année plus de 800 intervenants de religion sont payés par nos impôts pour « diffuser la catéchèse ».
Savez vous qu’il n’y aucun contrôle sur le contenu de ces cours qui est décidé unilatéralement par les diocèses de Metz et de Strasbourg.
Ainsi il serait possible de dénoncer au sein de nos écoles publiques le droit au divorce, le port du préservatif, le droit d’avorter comme c’est le cas déjà aujourd’hui au Parlement européen de Bruxelles où avec l’autorisation des Institutions Européennes une organisation catholique polonaise vient d’installer une exposition au sein de l’enceinte du Parlement Européen de Bruxelles qui assimile l’avortement à la Shoah.
Depuis 1919 et le maintien de ce statut clérical, un véritable arsenal de lois a été adopté toutes dirigées contre la loi de 1905 : lois de Vichy de 1941 et 1942 à leur maintien par De Gaulle à la Libération (sur les congrégations religieuses ), la multiplication des lois antilaïques : lois Debré, Guermeur, accord Lang-Cloupet, etc. C’est la laïcité institutionnelle de la République qui a été remise en cause et menacée de liquidation dans les faits.
La remise en cause de la laïcité se manifeste par des détournements massifs de fonds publics : non seulement l’Etat finance l’entretien des édifices cultuels, mais il verse annuellement 6 milliards d’euros pour le financement des écoles privées (confessionnelles à 95 %), ce qui représente l’équivalent de la création de 200 000 postes de fonctionnaires, au moment même où le gouvernement décide de réduire le nombre de fonctionnaires, privatise les services publics, réduit cruellement les moyens budgétaires de l’Education nationale, remet en cause les disciplines et l’instruction, pratique la saignée des postes, des classes et ferme des collèges.
De toute part, la laïcité de l’Ecole et de l’Etat est attaquée. Alors que la loi de séparation des Eglises et de l’Etat interdit toute reconnaissance des cultes par la République, Nicolas Sarkozy - Ministre de l’Intérieur, après avoir « organisé » le Conseil Français du Culte Musulman, met en place une commission pour modifier la loi de 1905 pour satisfaire les demandes des religions.
Dominique de Villepin – Premier Ministre déclare son opposition à toute modification de la loi de 1905, car, pour lui, elle peut être violée impunément sans besoin de la modifier. C’est ainsi que ce gouvernement a maintenu la commission de discussion permanente entre l’Etat et l’Eglise catholique, mise en place par Lionel Jospin en 2002. Dans les faits, nous ne sommes plus sous le régime de la séparation des Eglises et de l’Etat, mais sous le règne du retour du concordat avec toutes les religions !
Le projet de Traité constitutionnel européen a été rejeté le 29 mai 2005, mais les dispositions antilaïques favorisant les religions se mettent en place sans le dire. Le délit de blasphème se répand comme une lèpre en France. Il est désormais interdit par les tribunaux de parodier ou de critiquer les religions.
Nous sommes en 2005, l’année du centième anniversaire de 1905. 1905 c’est l’année de la séparation des Eglises et de l’Etat. La Révolution française, la grande révolution trouvait ainsi sa réalisation dans l’affirmation de la pleine liberté de conscience.
La loi de 1905, pilier de la République, a cent ans en décembre. Elle est contournée, bafouée, ignorée, piétinée du matin au soir et du soir au matin. Elle est maintenant menacée de liquidation par les menées du ministre de l’Intérieur Sarkozy qui va mettre en place « une commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics. Présidée par Jean-Pierre Machelon, professeur de droit à Paris V, cette commission doit notamment réfléchir aux relations entre les communes et les cultes, ainsi que sur le régime fiscal des cultes » (dépêche AFP du 26.10.2005). Inacceptable !
En 2005, dans toute la France, c’est l’Europe vaticane, cléricale et religieuse qui se met en place !
Pour la laïcité, il n’y a qu’une seule solution : la défense et la restauration de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat !
C’est pourquoi, plus de 3 000 personnalités laïques, 100 élus de la République et 48 associations ont rejoint l’initiative du Comité de Liaison de l’Appel aux Laïques qui appelle à la manifestation nationale
« Pour la défense et la promotion de la loi de 1905 »
Samedi 10 décembre à 14H30 – Place de la République à Paris
Et parce que le monde que nous voulons, c’est l’homme libre dans la société libre : nous serons tous à Paris, le 10 décembre 2005, pour dire, encore et toujours :
Ni dieu, ni maître !
A bas la Calotte !
Et vive la Sociale !
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales