par Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République. 26 septembre 2017
Cinq mois après l’élection présidentielle, l’inquiétude gagne du terrain en matière de laïcité, laquelle aura été la grande absente du débat électoral.
De quoi le « macronisme » sera-t-il le nom ? Un espoir pour les uns, une inquiétude pour d’autres. Le gouvernement souffle le chaud et le froid. Le chaud, lorsque le ministre de l’Éducation nationale adresse des signaux qui vont dans le bon sens concernant l’école de la République. Le froid, lorsque d’autres ministres paraissent vouloir vider la laïcité de son contenu et lui substituer un dialogue inter-religieux [1], sorte de concordat qui ne dirait pas son nom et aboutirait à replacer les religions dans le débat politique.
Élu grâce notamment à beaucoup de voix progressistes et laïques qui voulaient empêcher l’élection de la candidate de l’extrême-droite, le nouvel hôte de l’Élysée devra les rassurer quant à ses intentions en matière de laïcité.
La gauche et la droite n’ont toujours pas compris qu’elles sont responsables de leur implosion, pour n’avoir pas su, pas osé, pas voulu prendre à bras le corps la déchirure culturelle et la montée des communautarismes dont les revendications différencialistes ont jeté le trouble au cœur de la politique. Au point de les diviser profondément et durablement.
Après la déconfiture politique et la décomposition idéologique, l’heure devrait être à la recomposition. Mais aucune leçon ne semble devoir être tirée. Aucun ressourcement ne pointe à l’horizon.
Sous la pression d’une extrême-droite xénophobe qu’on aurait tort de croire enterrée, la droite est déchirée, tentée, pour certains, de banaliser le lien noué lors de la présidentielle avec des mouvements ultra-conservateurs catholiques.
Sous la pression idéologique d’une ultragauche qui sacrifie les Lumières au communautarisme, une partie de la gauche, oublieuse de la laïcité, poursuit sa fuite dans le déni des réalités et tourne le dos aux principes qui depuis Jaurès ont fondé son histoire et sa culture [2].
La laïcité est désormais attaquée sur tous les fronts. Par ses ennemis traditionnels pour qui la France ne peut être que blanche, catholique, apostolique et romaine. Par ses faux amis qui croient acheter la paix sociale en composant avec le communautarisme. Enfin, par les idiots utiles qui la combattent en pensant promouvoir une nouvelle étape de la lutte des classes ! [3].
Le débat fait rage, souvent virulent et polémique. L’antiracisme, le féminisme, l’anticolonialisme, les droits de l’homme, l’universalisme, la mission émancipatrice de l’école publique sont détournés, manipulés, retournés contre eux-mêmes pour déconsidérer l’humanisme républicain.
Cette violence qui monte est inquiétante. La laïcité n’est certes pas la réponse à tous les problèmes. Mais elle demeure l’unique moyen de faire vivre harmonieusement des citoyens d’origines et de convictions différentes, qu’ils croient au ciel ou pas, dans le respect de la liberté de conscience de chacun, de l’égalité en droit entre tous et en premier lieu entre femmes et hommes, principes non négociables qui fondent notre République.
Après le grand chambardement des élections, les citoyens que nous sommes, attachés à la laïcité, attendons de l’indispensable recomposition politique qu’elle ouvre des perspectives claires de rassemblement autour d’un projet moderne de République laïque et sociale.
Patrick Kessel,
président du Comité Laïcité République
[1] Voir les rubriques Gérard Collomb, Marlène Schiappa (note du CLR).
[2] Voir la rubrique Gauche et islamisme (note du CLR).
[3] Voir le Colloque "Faux amis de la laïcité et idiots utiles" (CLR, Licra, Paris, 5 nov. 16) (note du CLR).
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