13 janvier 2015
"Liberté, égalité, fraternité et laïcité. Il faudra ajouter cette quatrième dimension au fronton des valeurs de la République en refusant toute concession à ceux qui, voulant assimiler cette clé du vivre ensemble à un intégrisme, font le jeux des xénophobes et arment le bras du terrorisme islamique. Tel est le pire des amalgames, cessons de nous cacher la face.
[...] Comme le répètent très solennellement Gérard Biard, rédacteur en chef de Charlie Hebdo, et Richard Malka, son avocat : « Nous allons nous battre pour sauver une valeur fondamentale de notre république : la laïcité ». Cette laïcité qui est le ciment du socle sur lequel repose notre cohésion nationale ; cette laïcité qui doit, soit éviter que la République perde des territoires, soit permettre qu’elle les reconquiert. Non, cette laïcité — sans laquelle il n’est plus possible d’envisager la coexistence civique des différentes confessions qui composent la patrimoine cultuel français — n’est pas négociable. « La laïcité ou la mort » aurions nous pu clamer durant cette journée mondialement historique, parce que la laïcité est le véritable terreau de l’identité nationale, la clé du vivre ensemble dans nos différences et nos divergences, la règle de l’altérité acceptée comme une diversité et non comme une division. Elle doit être ajoutée à la trilogie républicaine.
C’est précisément de ne pas avoir su affirmer avec fermeté la prééminence légale de la laïcité sur toute autre considération sociale dans ce pays qui a favorisé la lente dégradation de l’autorité morale à l’école et des principes de citoyenneté. A force de concessions et de compromissions, de renoncements en abandons, la classe politique a laissé la loi de Dieu, quel qu’il soit, supplanter la loi de l’Etat. Et à certains représentants de Dieu, le pouvoir de dicter aux enfants leur comportement au sein de l’enceinte scolaire y compris durant les cours. Privés de ces repaires fondamentaux, certains cerveaux crétinisés et bestialisés ont considéré qu’ils pouvaient appliquer la loi de Dieu les armes à la main. La laïcité totale est le meilleur rempart contre l’islamophobie, l’antisémitisme et toute les xénophobies.
On ne dira jamais assez la catastrophe que fut le refus de Lionel Jospin de prendre ses responsabilités politiques lors de la première affaire du voile islamique, alors qu’il était ministre de l’Education nationale du gouvernement de Michel Rocard, en octobre 1989. Interpelé par un proviseur de Creil ayant refusé l’accès de son collège à trois élèves musulmanes portant un foulard, Jospin avait, « au nom du respect de la différence culturelle », et en se défaussant sur le Conseil d’Etat, refusé d’appliquer la directive Jean Zay de 1936, parfaitement explicite, en laissant à chaque chef d’établissement le soin de gérer la situation « par le dialogue » [1].
Le cri d’alarme poussé par le philosophe Guy Coq dans la revue Esprit résumait alors les enjeux tout en annonçant les crises à venir : « C’est le maintien même de la tolérance qui périrait si les communautés religieuses entraient en compétition pour s’emparer de l’espace laïc de l’école, pour en briser l’unité, pour y manifester, non pas l’esprit d’accueil pour chaque individu en lui-même, comme simple humain, mais le signe de la clôture de chaque communauté contre les autres ». Il s’agit tout simplement pour la République d’éviter que la main de Dieu ne soit brandie par les bons apôtres de l’identité culturelle. On sait aujourd’hui ce qu’il en coûte d’être tolérant avec l’intolérance : les ennemis de la liberté en viennent à assassiner la liberté pour en avoir disposé à leur guise. Le moment est donc venu de dire stop.
La responsabilité de ceux qui définissent l’interdiction d’arborer ostensiblement un signe ou un vêtement religieux dans un lieu public, ou l’obligation pour un élève d’assister à un cours dont le contenu n’est pas conforme à sa croyance religieuse, comme un « intégrisme laïc », sous prétexte qu’il y aurait une discrimination de l’individu par discrimination des consciences, est immense dans la progression du fondamentalisme islamique au sein de la jeunesse de confession ou de culture musulmane.
Nos concitoyens musulmans qui sont ici chez eux, et dont la France a besoin pour être la France, ne doivent pas vivre cette laïcité comme un devoir mais comme un droit. De l’homme ! Ceux qui les en dissuadent sont précisément ceux qui refusent d’en faire des Français libres. La République n’est pas une religion, c’est une patrie, et elle est la leur à part entière. Le nier c’est la tuer. Il ne faut donc plus rien céder ni concéder sur la laïcité, jamais, nulle part.
A moins que l’on ne préfère prendre le risque de flirter un jour avec la guerre civile, il faudra bien avoir le courage de prendre le taureau par les cornes. Sans quoi, hélas pour nos enfants, il ne suffira plus de dire « Je suis Charlie » pour soigner le mal."
[1] Lire Foulard islamique : « Profs, ne capitulons pas ! » (Le Nouvel Observateur, 2 nov. 89) (note du CLR).
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