9 février 2019
[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"La langue n’échappe pas à la lutte contre toute forme de prédominance du masculin sur le féminin... Quitte à tomber dans l’incompréhensible.
La France a remporté la Coupe Davis de tennis mais elle a perdu le match de la langue. Lors du sacre final, au stade Pierre-Mauroy de Lille, on a vu apparaître une tribune à la gloire de la Davis Cup by BNP Paribas, en bas de laquelle était inscrit « World Champions ». Telle est la nouvelle règle de l’heure qui transforme tout événement en hymne à la langue anglaise, langue des marchés, idiome de référence qui s’impose partout, et que nos cousins du Québec sont bien les seuls à dénoncer toutes griffes dehors.
Ici, on a l’esprit ailleurs. Ici, on a désigné un danger autrement plus périlleux pour la langue : le masculin. L’ennemi d’où nous vient tout le mal, c’est le sexe de la grammaire, porteur du gène d’un machisme qu’il faut éradiquer au plus vite en ayant recours à ce que les néo-féministes ont baptisé l’écriture « inclusive ».
L’idée phare, c’est le point médian, qu’il faudrait introduire partout afin de rétablir l’égalité des sexes via le vocabulaire. Vaste programme, comme aurait dit le général de Gaulle. On n’écrirait plus « pâtissiers », mais « pâtissier·e·s » ; « électeurs », mais « électeur·rice·s » ; « conducteurs », mais « conducteur·rice·s ». Bon courage aux futurs écrivains et aux apprentis poètes. Leur œuvre prendrait d’office une allure graphique discutable dans la forme, mais inaccessible pour la plupart de ceux qui l’aborderaient.
Quant aux enfants des générations à venir, s’ils devaient appréhender la découverte de la langue dans de telles conditions, on leur souhaite bien du courage (sans parler des enseignants, à embarquer dans la galère). Bref, l’écriture inclusive a pour signe particulier d’exclure tous ceux qui veulent l’utiliser, qu’ils soient femmes, hommes, hétéros, homos ou transsexuels, ce qui fait du monde.
Mais pour les Savonarole de la langue, peu importe qu’elle soit lisible ou pas, compréhensible ou pas. L’important, à leurs yeux, c’est qu’elle reflète absolument l’égalité des sexes. Ils (et elles) la surveillent avec une loupe pour dénicher la formule machiste nichée ici ou là. Qu’il y en ait, cela ne souffre pas contestation. Preuve en est que l’on a entrepris de féminiser les professions. Personne n’en est mort. Si l’on peut faire mieux, autant ne pas se gêner. Mais il serait absurde d’ériger en principe une règle qui aboutirait à transformer la lecture en chemin de croix, en oubliant au passage les conséquences pour les aveugles (comme si ces derniers étaient d’office hors course) et pour les nouveaux venus en France (où ils souffrent déjà de la non-maîtrise du français).
Pour faire avancer la cause féminine, il est d’autres combats à mener que cette focalisation sur une langue déjà complexe. Au fait, pourquoi ne pas se battre pour des salaires inclusifs, ce qui concerne aussi (et avant tout) les femmes ?"
Comité Laïcité République
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