Comité Laïcité République - La laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une

[...] Théoriquement, [la laïcité] est une valeur qui fait partie du code génétique de la gauche française. Depuis le radicalisme jusqu’au communisme, les différents partis se s’en réclamant, chez nous, ont considéré ce qu’ils appelaient « le cléricalisme », comme leur ennemi commun. Mais, comme le relevait Patrick Kessel, dans une tribune parue hier dans Libération [1], « ce qui est nouveau, c’est qu’une partie de la gauche, autrefois universaliste, balance entre accommodements dits raisonnables et communautarisme. Certains n’hésitent pas à affirmer que les islamistes seraient en quelque sorte les héritiers du prolétariat en lutte contre le capitalisme mondial. »

Le président du Comité Laïcité République se réclame d’une gauche des Lumières, qui prône l’émancipation des individus et l’égalité de leurs droits. Il affirme que l’égalité entre hommes et femmes n’est « pas négociable ». Il accuse une autre gauche de différentialisme et cite Régis Debray, qui prédisait : « le droit à la différence débouchera sur la différence des droits ». Du même mouvement, il soutient Elisabeth Badinter qui récuse le concept d’islamophobie. « Une démarche inquisitoriale, qui vise à interdire toute critique d’une religion et à condamner pour blasphème la liberté de penser. » [2]

Dans un livre très éclairant, Un silence religieux, Jean Birnbaum montre combien la question religieuse a constitué, pour la gauche, un impensé [3]. Les religions étaient conçues par le marxisme comme des illusions consolantes, destinées à disparaître au fur et à mesure que les exploités prendraient conscience de leurs véritables intérêts. Le directeur du Monde des Livres montre aussi combien le discours selon lequel les attentats djihadistes n’auraient « rien à voir » avec l’islam est devenu intenable. Il a pourtant été longtemps dominant parmi l’intelligentsia de gauche et dans ses médias. Partant d’une bonne intention – celui de ne pas stigmatiser l’ensemble de nos compatriotes musulmans, ce discours est en réalité condescendant. Il exprime le sentiment de supériorité censé éprouvé par la conscience émancipée envers celles qu’elle estime ne pas l’être. Ce qui est exigé des uns avec véhémence en matière d’égalité des sexes, d’autres n’en seraient pas capables en raison d’obscures raisons culturelles [4]. Quel mépris d’autrui !

Dans une interview au mensuel Causeur [5], Jean Birnbaum déclare : « Tout part, pour moi, de ce constat qui devrait empêcher tout militant de gauche de dormir : le djihadisme constitue désormais la seule cause pour laquelle des milliers de jeunes Européens sont prêts à aller mourir loin de chez eux. » Le précédent qui lui vient à l’esprit est celui des brigades internationales en Espagne. « Dans les deux cas, dit Birnbaum, les jeunes qui partent se réclament d’une quête de justice et d’égalité, ils disent voler au secours de leurs frères (…) et ils sont convaincus que se joue, sur le front qu’ils rejoignent, le destin de l’humanité tout entière. » A méditer !"

Ecouter "La gauche embarrassée face à la laïcité".