(G. Biard, Charlie Hebdo, 6 sept. 23). Gérard Biard, rédacteur en chef de "Charlie Hebdo" 8 septembre 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "La gauche du poil au menton".
"Ce sont quatre faits d’actualité qui se sont produits à peu près au même moment, dans différents endroits du globe. Même si des milliers de kilomètres les séparent, ils ont tous un point commun.
En Indonésie, dans un collège public de Java, une enseignante a rasé le crâne de 19 de ses élèves parce qu’elles ne portaient pas de bonnet sous leur voile, jugeant sans doute qu’une couche de tissu ne suffisait pas à cacher l’impure chevelure des jeunes filles… L’ONG Human Rights Watch a clairement dénoncé ce traitement indigne et a réclamé au ministre de l’Intérieur indonésien l’annulation de l’obligation de porter le voile dans les écoles.
En France, une partie de la gauche s’est bruyamment indignée de la décision du ministre de l’Éducation, Gabriel Attal, de mettre fin au flou artistique qui prévalait concernant le port des abayas à l’école, en interdisant clairement ces tenues religieuses dans l’enceinte scolaire.
Au Liban, le pays du « multiconfessionnalisme », un humoriste très populaire a fait l’objet d’une plainte pour « incitation à la guerre civile », déposée par la plus haute institution sunnite du pays, et a été interrogé pendant plusieurs heures par un juge, avant d’être emprisonné. Son crime : un sketch dans lequel il se moque du Coran.
Au Danemark, le gouvernement (majoritairement de gauche) a déposé devant le Parlement un projet de loi visant à rétablir le délit de blasphème, qui avait été aboli en 2017. Il espère ainsi mettre fin aux autodafés publics du Coran, qui se multiplient ces derniers mois en Scandinavie.
Vous avez deviné, le point commun de tous ces faits, c’est l’islam. L’islam qui, comme on le voit, fait feu de tout bois pour s’imposer politiquement dans sa version la plus rigoriste et la plus réactionnaire, dans des pays qui ne sont même pas dirigés par des talibans ou des mollahs. L’islam qui intimide, humilie, persécute, muselle, mais qui, dans les « grandes démocraties occidentales », ne semble toujours pas affoler cette partie de la gauche qui persiste à n’y voir que l’expression de la voix des sans-voix, et qui met toute son énergie à défendre ses textes « sacrés », ses prisons de toile diverses et variées, ses prédicateurs-rappeurs, etc.
Imaginons. Et si Herbert George Wells, écrivain épris de sciences et de rationalisme, fervent apôtre du progrès social, avait réellement construit la machine à voyager dans le temps qu’il décrit dans son roman ? Et s’il l’avait utilisée pour visiter notre XXIe siècle ? Quelle tête aurait-il faite en débarquant et en découvrant ce qu’est devenue la gauche en laquelle il croyait ? Dans quel trou noir doctrinal avons-nous été aspirés, à quelle distorsion idéologique avons-nous été soumis pour que, désormais, l’extrême droite défende la laïcité et la gauche, la religion ? Toutes deux le font certes avec de sales arrière-pensées électoralistes – qui, au passage, ne se révèlent payantes que pour l’extrême droite… –, mais les faits sont là. La gauche, qui a longtemps incarné le camp de la raison et de l’émancipation, défend depuis la fin du XXe siècle des obscurantistes fanatiques et totalitaires qui oppriment des millions de personnes, en priorité des femmes, à travers le monde.
Si cette gauche retrouvait enfin un peu de cet « esprit des Lumières » qui l’animait jadis, au lieu de les caresser dans le sens des poils au menton, voilà ce qu’elle dirait à tous les religieux et croyants fondamentalistes musulmans, qui réclament niqabs, burkinis et abayas pour toutes : dites, les barbus, c’est quoi, votre problème avec les cheveux des femmes ? Avec le visage, le corps des femmes ? Avec les femmes ? Et, au passage, avec la démocratie, que vous rêvez aussi d’enfouir sous une burqa ? Cette question, malheureusement, c’est à la gauche que nous sommes aujourd’hui obligés de la poser…"
Comité Laïcité République
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