Elisabeth Lévy est journaliste, directrice de la rédaction de "Causeur". 19 mai 2016
"[...] quoi qu’en pensent les rienàvoiristes [1] [2], , il y a au moins un lien entre crise migratoire et terrorisme djihadiste, c’est que les deux ont révélé aux Européens qu’ils n’avaient plus de frontières pour les protéger. [...]
Si certains s’obstinent à nier l’existence de toute relation entre crise migratoire et terrorisme, c’est que l’immigrationnisme est au cœur du rêve européiste. Comme l’a magnifiquement montré Alain Finkielkraut, l’Europe n’existerait qu’en cessant d’exister pour accueillir. Et comment résister à la séduction des mots « ouverture », « accueil », « hospitalité » ? Il faut s’empresser de préciser que le lien entre migrants et terroristes n’est pas individuel, même si quelques futurs meurtriers – qui passeraient de toute façon – se glissent dans le flux. Le djihadisme se nourrit du salafisme qui se nourrit d’un certain islam en ascension en Europe, qui se nourrit d’une immigration massive et subie que nous n’avons pas su intégrer, préférant adopter subrepticement un multiculturalisme qui consiste à ne demander aucun effort d’adaptation aux arrivants. Et on voit mal comment on ferait mieux avec un rythme d’arrivées décuplé par la guerre en Syrie. « Au Royaume-Uni, s’étrangle encore Leparmentier, les attentats de Bruxelles sont récupérés par les europhobes de UKIP, qui ont assuré que “des frontières ouvertes mettent nos vies en danger”. » Les salauds. [...]
Il y a un an ou deux, les bons esprits, jamais avares d’effets d’âmes et de manches, dénonçaient avec colère la forteresse Europe. Tu parles d’une forteresse, c’est plutôt Europe ville ouverte. Les règlements européens interdisent, nous a-t-on seriné, toute régulation des flux migratoires. Quelques États, comme le Danemark, s’étaient déjà affranchis de l’obligation d’assurer à tout résident « une vie familiale normale », sans subir de foudres autres que celles de la presse. Et l’Angleterre a, quant à elle, obtenu un passe-droit.
Surtout, les accords de Schengen devaient parfaire la libre circulation à l’intérieur de l’Union tout en érigeant une frontière sûre entre elle et l’extérieur. Bien entendu, la deuxième partie du programme a été abandonnée et Schengen est devenu synonyme d’« ouvert à tous les vents » – surtout les mauvais. [...]
Dans ce paysage sombre, il y a une bonne nouvelle, qui est que, depuis les attentats, toutes les règles dont on nous disait qu’elles étaient gravées dans le même marbre que les règles budgétaires (ce qui signifie qu’il fallait truander en douce) ont volé en éclats. On a vu des douaniers sur les routes, des contrôles dans les aéroports. Des broutilles, assurément, mais qui montrent peut-être que les États sont en train de reprendre la main sur leurs frontières. En matière antiterroriste, la bonne vieille coopération entre États souverains, malgré ses ratés, semble avoir plus de résultats que les grandes tablées bruxelloises. Si l’Europe est impuissante, au moins qu’elle n’empêche pas les autres d’agir. Les vieilles nations n’ont peut-être pas complètement oublié ce qu’était l’Histoire."
[1] Délicieux terme que j’emprunte à Jean Birnbaum.
[2] Lire J. Birnbaum : Quand le « rien-à-voirisme » se retourne contre l’islam (Ph. Foussier) par Philippe Foussier, J. Birnbaum : Un silence religieux ou politique ? (R. Michel) par Richard Michel (note du CLR).
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