Laurent Joffrin, directeur de la publication de "Libération". 11 avril 2018
"« Vade retro Macronas ! » En brandissant les morceaux de la vraie croix laïque, la gauche se lève pour mettre à l’index le frère Emmanuel. A vrai dire, c’est pousser un peu loin le bouchon. Si on lit bien le texte, rien dans ce discours-fleuve ne vient remettre en cause la neutralité de l’Etat républicain, pierre angulaire de la laïcité française. La contribution de l’Eglise ne saurait être « injonctive », dit le président. Pourtant, on peut comprendre cette levée de boucliers républicanistes. Emmanuel Macron ne franchit pas la ligne jaune, mais il s’en rapproche. Il veut rompre avec une laïcité qui cantonnerait les cultes à la vie privée. Mais il donne par contrecoup à l’Eglise une place essentielle dans la promotion des valeurs humanistes, alors que la République, dans la tradition française, tient ce rôle au premier chef ; il met pratiquement sur le même plan l’enseignement moral des religions et celui de l’école laïque, un peu comme Sarkozy avait confondu l’instituteur et le curé. Faut-il nécessairement une béquille religieuse à la quête de l’absolu chère aux hommes et aux femmes ? Emmanuel Macron semble le penser. Quant aux réparations que l’Etat devrait à l’Eglise, comment ne pas y voir une référence à la loi sur le mariage pour tous ? Il faudrait donc que l’Etat expie cette avancée démocratique ? Au passage, le président tord la réalité historique. Il ne tarit pas d’éloges sur l’apport - incontestable - des catholiques à la saga républicaine. Mais il gomme plusieurs décennies de combat farouche du catholicisme officiel contre ladite République, jusqu’à la loi de séparation, avec une résurgence sinistre sous le régime du maréchal Pétain, même s’il y eut beaucoup de catholiques dans la Résistance. Le souvenir de ce combat explique la réaction de la gauche aujourd’hui. Quoique féru de références au passé, Emmanuel Macron semble l’oublier."
Lire "Saga républicaine".
Lire aussi Un président de la République a pour devoir de ne reconnaître aucun culte (CLR, 10 av. 18), dans la Revue de presse la rubrique Macron chez les évêques de France (9 avril 2018), le discours de Macron aux évêques (9 av. 18) : “Le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, il nous importe à vous comme à moi de le réparer” (la-croix.com , 10 av. 18), Sarkozy au Latran (20 déc. 07) : “L’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur” (note du CLR).
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