"Commentaires sur le colloque du 14 mars 2015", par Jacques Lafouge, vice-président du Comité Laïcité République 19 avril 2015
Le Colloque du CLR « L’après-janvier : plus que jamais la République laïque » (Paris, 14 mars 15) a parfaitement mis en évidence la difficulté d’être de notre République laïque face aux attaques ou empiétements auxquels elle à faire face actuellement. Les différents intervenants se sont attachés avec une louable conviction à démontrer les difficultés des élus face à des situations potentiellement et souvent conflictuelles qu’ils rencontrent dans leur quotidien. Encore faut-il bien séparer deux types de situations.
Sur les quelques millions de musulmans en France, car il s’agit bien d’eux, l’immense majorité a le désir, sans abandonner une religion pratiquée discrètement comme c’est la règle pour toutes, de se fondre dans le reste de la population. Dans la mesure où les immigrés de lointaine ou de fraîche date sont « saupoudrés » dans la population, leur intégration se fait sans difficulté par effet de mimétisme en quelque sorte et on en a vu qui, adoptant notre discrète xénophobie, protester contre la présence de Roms dans leur quartier. Il faut donc refuser toute forme d’amalgame qui serait injuste et antirépublicain.
Le problème est venu de l’entassement de certains immigrés dans des communes où ils ont été parqués dans de sinistres barres. Cela a été un moyen de se débarrasser d’un problème sans le traiter et à ce titre les politiques de droite et de gauche encourent la même responsabilité. Il ne faut donc pas s’étonner des conflits entre ethnies différentes ou avec les représentants du pouvoir républicain. Sortir de cet engrenage implique une politique de l’urbanisme, de la formation, de l’emploi et des autres citoyens afin de reconnaître comme compatriote Mohamed ou Mamadou avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que Jules, David ou Juan. Au lieu de cela on a une commisération universelle qui donne bonne conscience au politique sans rien résoudre. Le tout basé sur des arrières pensées électorales ou électoralistes.
Il ne faut donc pas s’étonner si les quartiers nord de Marseille, l’Ousse des Bois à Pau ou le 9.3. deviennent et sont aujourd’hui des zones de non droit. Des hommes, des femmes et surtout des jeunes délaissés, marginalisés et sans espoir ne trouvent alors de raisons d’espérer que ce qui leur est proposé et en premier lieu la religion dans sa forme extrême et spectaculaire, avec comme conséquences le rejet de la part du citoyen ordinaire qui y voit une agression. Il n’est que de lire les messages journaliers qui encombrent nos écrans d’ordinateur, car, même si nous les réprouvons, nous les lisons. On se trouve alors d’une part devant une protestation de ceux qui estiment payer pour des inutiles et d’autre part devant l’humiliation de ceux qui reçoivent la charité au lieu d’un salaire.
Dans ces conditions n’importe quel imam un tant soit peu radical fera une lecture du coran incitant à la fois à l’intégrisme et à la révolte. Il y a peu d’années le voile des femmes était rarissime, il devient de plus en plus fréquent, le ramadan était pratiqué discrètement comme la prière, les interdits alimentaires ne concernaient que l’individu, sans parler maintenant de l’apparition de partis politiques islamistes. Il en résulte que ce sont actuellement des thèmes de revendications. Volontaires ? Peut-être pas, mais la pression du milieu conduit à se conformer à des pratiques qui assurent la paix et l’intégration dans le quartier en l’isolant relativement des autres. Il faut toujours se souvenir qu’il n’y a pas de majorités silencieuses mais des majorités qu’on a fait taire.
De ce point de vue il faut bannir de notre langage et du langage des médias le terme communauté tel que communauté musulmane. Car alors il faudra parler de communautés catholique, protestante, juive, athée, homosexuelle ou des adorateurs de l’oignon. On sait qu’à partir du moment où on reconnaît une communauté on lui reconnaît par là même un droit à la différence et on connaît la suite. Il ne peut y avoir qu’une communauté : celle de français égaux en droits et en devoirs.
Dans la mesure où l’islam radical, pouvant dégénérer sur le terrorisme, est un obstacle à la vie républicaine telle que nous l’entendons, il faut lui opposer une barrière non pas factuelle et de préférence répressive, mais idéologique et cela passe par la connaissance du coran. Qui de nous l’a lu ? On répond : oui des passages, oui je l’ai feuilleté, mais en fait peu d’entre nous l’ont lu et ont assimilé et ses enseignements et ses contradictions. Le coran, comme tous les livres dits saints, affirme tout et son contraire. C’est là qu’il faut faire usage de la dialectique.
Dans les années 70 le patronat a fini par comprendre qu’il était indispensable de connaître la dialectique syndicale qu’il subissait depuis de années sans la comprendre. L’ayant assimilée, il en fit usage vis à vis des syndicats et cela ne contribua pas peu à la perte de leur influence, en y ajoutant le piège de leur représentation dans un maximum d’institutions paritaire, ce qui les a éloignés de la base.
Il faut avoir le désir et le courage d’agir de même vis à vis de l’islam radical en allant sur son terrain.
Lors des événements de janvier 2015 on a vu un certain nombre d’imans et de musulmans condamner les attentats en déclarant que ceux qui les avaient commis n’étaient pas des musulmans ce qui était un discours convenu ressemblant à une condamnation apparente. Mais pas un n’a cité le coran qui est pourtant explicite : Sourate 5 – verset 73 : « Ceux qui croient, les juifs, les sabéens, les chrétiens qui croient en dieu et au jour dernier, et qui auront pratiqué la vertu, seront exempts de toute crainte et ne seront point affligés. » Cette citation disqualifiait les terroristes, d’autant que la sourate 3 – verset 123 annonce : « Que dieu leur pardonne ou qu’il les punisse leur sort ne te regarde pas. » Citer en réponse la sourate 47 – verset 4 : « Quand vous rencontrerez des infidèles, tuez-les jusqu’à en faire un grand carnage et serrez les entraves des captifs que vous aurez fait. » revient à faire l’apologie du crime et un appel au meurtre. Qui s’y risquerait ? On ne peut regretter que sur ce point tous les religieux que nous avons entendu soient restés muets.
Sur ce point comme dans d’autres la réponse idéologique abonde et est indispensable afin de mettre les pseudos croyants en contradiction avec les textes que sans doute ils ne connaissent pas ou partiellement et montrer à tous que ce ne sont pas des religieux mais des assassins.
Toutefois ceci ne peut avoir de sens que si le problème social lié au chômage, au logement, au manque de formation, au rejet de l’entreprise, à l’isolement géographique est traité, sans quoi la situation actuellement constatée durera et s’amplifiera en tenant en compte que l’islamisme radical est une idéologie d’extrême droite au même titre que le Front National et qu’il faudra se battre sur deux fronts.
Jacques Lafouge
Comité Laïcité République
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