Culture / Cinéma

L’Evénement - Le combat d’une femme pour disposer de son corps (G. Durand)

par Gérard Durand. 7 décembre 2021

[Les échos "Culture" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

L’Evénement, d’Audrey Diwan (1 h 40), avec Anamaria Vartolomeï, Pio Marmaï, Sandrine Bonnaire. Sorti le 24 nov. 2021.
Anamaria Vartolomei, César du meilleur espoir féminin [1].

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A la surprise générale, ce film a remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise, laissant bredouille de prestigieux réalisateurs comme Jane Campion, Pedro Almodovar ou Sorrentino.

Pour moi, il le mérite, tant son sujet est fort et ses acteurs de haut niveau. On reste abasourdis face au talent de la jeune Roumaine Anamaria Vartolomei, en se disant que l’on assiste sans doute à la naissance d’une star, criante de vérité et qui n’a peur de rien.

Nous sommes en 1963, la pilule n’existe pas et il faudra attendre longtemps pour que les garçons, effrayés par le risque d’être contaminés par le sida, acceptent, et pas tous, l’idée d’utiliser des préservatifs. Leur souci n’étant pas de préserver leur partenaire mais bien de se protéger eux-mêmes.

Ajoutez à cela que l’Eglise catholique est toute puissante et fixe la règle des bonnes mœurs, farouchement hostile à l’avortement, et vous avez le cocktail qui voit chaque année plusieurs centaines de milliers de Françaises faire un tour en Angleterre ou en Belgique, à moins que ce ne soit chez une « faiseuse d’anges » plus ou moins compétente. Vous avez aussi l’hôpital, où se retrouve une partie de ces femmes, et où leur avenir se joue à pile ou face.

Médecin sympa qui déclare une fausse couche : tout va bien. Médecin borné qui déclare un avortement : c’est la police, la justice et les sanctions qui vous gâchent une vie.

Chez les médecins de ville, on ne plaisante pas. Pratiquer ou participer à un avortement c’est cinq années de prison et la radiation à vie. De quoi réfléchir ! Mais il y a aussi l’épouvantable salopard qui fait croire que le médicament qu’il ordonne peut déclencher l’avortement alors qu’il est au contraire destiné à consolider l’implantation du fœtus.

L’histoire que l’on nous montre est tirée d’un roman autobiographique d’Annie Ernaux. D’une totale simplicité, jeune étudiante issue d’un milieu modeste, Anne découvre qu’elle est enceinte de six semaines. Pour elle c’est la fin de ses études et de la vie qu’elle voulait avoir. Mener cette grossesse à terme est totalement inenvisageable.

Mais comment faire quand tout se dérobe, les médecins, les amis, et bien entendu le père ? Le récit est conduit avec un réalisme cru. Il faut avoir le cœur bien accroché, tant certaines scènes sont insoutenables. Tout est montré en détail, les tentatives comme l’avortement lui-même. C’est de toute évidence le souhait de la réalisatrice : montrer un drame en allant au plus intime. C’est aussi un exploit de l’actrice d’avoir accepté ce rôle et de le jouer d’une façon simple et naturelle.

Nous avons connu, depuis, la loi Veil, la pilule et le préservatif. Notre société a intégré le droit à l’avortement. Mais c’était une erreur ! Certains ne l’ont jamais accepté, tant le fait que les femmes puissent disposer de leur corps leur donne des boutons. Fous de Dieu, frustrés de toute sortes et impuissants restent mobilisés pour l’interdire, qui parfois réussissent, comme récemment au Texas ou en Pologne.

Aller voir ce film est un acte citoyen qui vous précipite dans la réalité bornée dont certains rêvent pour tous. Il vous donne en contrepartie les moyens de vous y opposer. Rarement billet de cinéma aura été un aussi bon placement.

Gérard Durand

[1Note du CLR, 26 février 2022.


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