Edito

L’école laïque, creuset de la citoyenneté, doit émanciper les élèves des apriori familiaux et sociaux (CLR, 20 mai 19)

par Jean-Pierre Sakoun pour le CLR. 20 mai 2019

76%... Tel est selon le remarquable sondage publié par l’IFOP et la Fondation Jean-Jaurès le 22 mars dernier sous le titre Les Français et la Laïcité, le pourcentage des Français « favorables ou très favorables à l’interdiction du port de signes religieux ostensibles par les parents d’élèves accompagnant bénévolement les enfants lors d’une sortie scolaire ». Ce pourcentage est en hausse de 8% par rapport à février 2015. Dans un pays où le clivage des opinions politiques est tel que l’on considère qu’une victoire électorale à 53% est un raz-de-marée, ce chiffre est impressionnant.

Qui pourra affirmer sans ridicule qu’en France, où les actes de racisme antimusulman sont en baisse constante et où, à la différence de certains pays de tradition communautariste anglo-saxonne, la violence physique contre les musulmans est inexistante, 76% de nos concitoyens sont des racistes et des xénophobes ? Personne à part les sempiternels idiots utiles d’un islamisme intégriste et politique. Les Français, massivement laïques, savent simplement que l’école n’est pas le lieu de ces exhibitions et que le message porté par les parents accompagnateurs ne peut être celui de l’impureté du corps des femmes, de leur infériorité par rapport aux hommes et de l’obscénité du regard des hommes sur elles... Est-ce en effet cet enseignement par l’exemple que nous voulons que nos enfants reçoivent de l’école de la République ?

Le Comité Laïcité République a récemment demandé, dans ses Quatorze propositions pour une laïcité libératrice d’« affirmer par décret et si nécessaire par la loi, le principe de laïcité pour toutes les missions assurées dans le cadre des activités scolaires et périscolaires ». En effet, depuis quelques années, l’entrisme intégriste islamiste au sein de l’école publique est bien visible. L’une de ses formes les plus évidentes est la multiplication des mères accompagnatrices voilées, voire gantées et couvertes des pieds à la tête. Or ces parents accompagnateurs ne sont pas des « mamans » accompagnant « leur » enfant mais bien, quoi qu’en dise le Conseil d’État, qui n’est jamais en retard d’une prise de position destinée à affaiblir la laïcité, des auxiliaires bénévoles du service public, participant à l’encadrement de toute une classe dans le cadre de l’activité d’apprentissage que constitue une sortie scolaire.‎

Nul parent en kippa, nul parent portant une croix de trente centimètres sur la poitrine, nul parent vêtu d’un sweat-shirt portant le slogan « Dieu n’existe pas et les croyants sont des imbéciles » ne saurait avoir sa place d’encadrant d’une sortie scolaire, au nom de la neutralité des enseignants et des auxiliaires, dans le cadre de l’activité scolaire, à laquelle appartiennent ces sorties. Il en est de même pour les mères accompagnatrices qui arborent devant les enfants les signes d’une foi radicale et séparatrice, qui va à l’encontre de tous les enseignements critiques et fraternels de l’école publique.

La circulaire Chatel, minée par les déclarations de Mme Vallaud-Belkacem, en était la manifestation claire, permettant notamment d’empêcher que les parents d’élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques. Elle permettait enfin aux chefs d’établissements et aux enseignants, majoritairement favorables à la neutralité des accompagnants, de s’appuyer sur une décision claire et de ne pas être livrés à eux-mêmes face à la pression intégriste. Souvenons-nous du désordre et des problèmes sans fin auxquels fut confronté le personnel enseignant, lorsque le ministre de l’Éducation nationale refusa en 1989 de prendre une décision ferme et que le Conseil d’État, déjà, laissa reposer sur les chefs d’établissement la responsabilité du refus du port des signes religieux ostensibles par les élèves. La loi de 2004 a réglé définitivement cette question après quinze ans de dysfonctionnements.

Au moment où le Sénat a voté un amendement au projet de « Loi pour une école de la confiance », proposant à juste titre que les signes religieux et politiques soient interdits aux parents accompagnateurs, il nous paraît surprenant que certains membres du gouvernement, mieux inspirés d’habitude, parlent de discrimination, sans même évoquer une gauche égarée qui affirme sans ciller que les enfants seront privés de sorties scolaires (!) parce que « leurs mamans » ne pourront pas les accompagner…

Il est temps que tous les responsables politiques prennent conscience de l’offensive obscurantiste en cours et en préservent les enfants de la République sur le lieu et dans l’exercice de leur apprentissage pour en faire des citoyens émancipés.

Jean-Pierre Sakoun pour le CLR



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