Conférence-débat

L’école et les enfants d’abord ! (conférence-débat, 15 jan. 08) : intervention de Philippe Foussier

Président du CLR 16 janvier 2008

Le Comité Laïcité République a été créée en 1990 dans la foulée de l’appel signé par Elisabeth Badinter, Régis Debray, Catherine Kintzler, Elisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut : « Profs ne capitulons pas ! », après l’affaire de Creil. C’est dire que nous sommes depuis longtemps sensibilisés à la question qui nous est posée aujourd’hui et que nous avons dès le début contribué à l’élaboration de cet appel paru dans Libération le 10 décembre dernier. Pour nous, il est crucial que les enfants soient préservés des pressions religieuses lorsqu’ils sont à l’école. On y forme des citoyens, indépendamment des couleurs, des origines et des croyances de leurs parents. Et les enfants ont bien assez d’occasions, lorsqu’ils sont hors de l’école, de subir toutes les pressions de toute nature –y compris religieuses- pour qu’on puisse laisser l’école à l’écart de ces affaires de citoyens accomplis, en capacité de réfléchir et de choisir librement de croire ou de ne pas croire.

C’est la raison pour laquelle nous avions, au Comité Laïcité République, soutenu avec beaucoup de détermination la loi du 15 mars 2004 proscrivant le port des signes religieux dans l’enceinte de l’école. Les enseignants sont tenus à un devoir de neutralité, c’est heureux ; les élèves sont priés de ne pas arborer ostensiblement leurs signes distinctifs d’appartenance confessionnelle, alors est-ce vraiment trop demander aux parents accompagnateurs de se livrer à la même discrétion, et de garder –un moment seulement !- leur foi pour eux. Il faut que nous fassions, tous, des efforts pour vivre ensemble, et donc pour mettre en exergue ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous sépare. Avant d’être croyants ou non croyants, nous sommes avant tout des hommes et des femmes qui aspirons à vivre ensemble dans la concorde. Comprenons bien que si nous ne faisons pas ce petit effort, chacun de notre côté, c’est la surenchère qui nous menacera, sans cesse. Nous ne voulons pas vivre dans une société qui soit encore plus fragmentée, atomisée, ou des communautés rivalisent en revendications incessantes de droits particuliers, ce serait à coup sûr un engrenage menaçant pour la paix civile.

Et là, ce n’est pas une seule religion qui est visée, contrairement à ce que prétendent ceux qui croient avoir trouvé de quoi faire des amalgames honteux entre la République laïque et je ne sais quelle prétendue intolérance. L’histoire est là pour démontrer que si la liberté de conscience a pu être acquise dans ce pays, comme dans d’autres, c’est parce que la laïcité nous a délivré de la pression que les religions exerçaient sur et dans l’espace public. Et nous, militants laïques, nous n’avons rien contre la religion, contre ceux qui croient -nous en comptons dans nos rangs-, mais nous voulons vivre dans une République laïque. De ce point de vue, je veux à cet instant vous dire combien nous avons été choqués d’entendre le président de la République évoquer le 20 décembre dernier à Rome une soi-disant laïcité « positive » qui serait –bien-sûr- différente de la laïcité, comme d’autres évoquent, plutôt à gauche d’ailleurs, au nom du relativisme culturel et de la remise en cause de l’universalisme, je ne sais quelle laïcité « ouverte » ou « plurielle ». Il serait intéressant d’entendre le président de la République nous décrire ce que serait, selon lui, une laïcité « négative »…

Mais, pour en revenir au sujet qui nous occupe aujourd’hui, une des meilleures démonstrations du fait que ce n’est pas une seule religion, en l’espèce l’islam, qui est visée à travers cette exigence de respect de la laïcité à l’école, je vous propose de la prendre dans les débats qui ont accompagné le vote de la loi interdisant les signes religieux à l’école. Qui, au Parlement, s’est déchaîné contre cette loi ? Parmi les plus virulents -les parlementaires ici présents pourraient en témoigner- il y avait Christine Boutin et Philippe de Villiers et ses amis. A l’extérieur du Parlement, c’est Le Pen est ses affidés qui se distinguaient par leur véhémence. Croyez vous vraiment que ces gens là souhaitaient prendre la défense des musulmans ? Bien évidemment non, ils poursuivaient de leur vindicte cette République laïque qu’ils ont toujours combattue au nom du Christ-Roi, de la monarchie, du Vatican ou de la Révolution nationale.

Je crois qu’il y a une solution de sagesse qui nous permet de régler la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui et que quelques militants fondamentalistes essaient d’envenimer en tentant une instrumentalisation de la Halde. Que le ministère de l’Education nationale précise par la voie d’un texte simple que les parents accompagnateurs sont soumis à la même neutralité que les élèves et les enseignants pendant la durée des sorties scolaires.

Ne laissons pas la quasi-totalité des croyants être caricaturée par des minorités activistes qui n’ont qu’un but : en finir avec la laïcité. Comprenons bien aussi que cette loi d’apaisement du 15 mars 2004 serait ainsi contournée sinon dans sa lettre, au moins dans son esprit, si nous laissions quelques petits groupes politico-religieux poursuivre leur agitation sur ce sujet. Nous avons trop payé l’indécision des responsables publics en 1989 pour ne pas renouveler les mêmes erreurs aujourd’hui ! C’est pourquoi le Comité Laïcité République a participé à cette mobilisation autour de forces associatives, spirituelles, syndicales, d’origines diverses mais qui savent toutes combien nous devons notre liberté de conscience -à tous, y compris les croyants !- à la préservation de quelques principes laïques simples.


Voir la tribune, le communiqué de presse, l’annonce de la conférence-débat (note du CLR).


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