Revue de presse

“L’Assemblée nationale s’ouvre au fait religieux” (La Croix, 14 jan. 10)

15 janvier 2010

"Hier matin, la commission des affaires étrangères auditionnait, pour la première fois, le responsable du pôle religions au quai d’Orsay, Joseph Maïla.

« C ’est passionnant. Mais objectivement effrayant : notre laïcité à la française n’aura-t-elle été qu’une parenthèse dans l’histoire ? » Sortant de la salle Lamartine, dans les bâtiments de l’Assemblée nationale, ce député semble manifestement ébranlé après avoir écouté, pendant deux heures, Joseph Maïla, le responsable du pôle religions du Quai d’Orsay, évoquer le rôle des religions dans les conflits du monde. Une inquiétude que formulait ainsi, quelques minutes auparavant, Marie-Louise Fort, députée UMP de l’Yonne, à Joseph Maïla : « Dans cette situation, notre laïcité doit-elle être désormais considérée comme une “laïcité à la papa”, ou peut-elle être encore présentée comme un modèle d’organisation du religieux ? »

Car le monde des religions va mal. Dans un brillant tour du monde planétaire de vingt minutes, le professeur Joseph Maïla, ancien recteur de l’Institut catholique de Paris, a dressé un bilan sans fard, du Kosovo à l’Afghanistan, en passant par la Kabylie : « On ne peut cacher la montée de la violence due à l’extrémisme religieux. »

En face, les députés, « exceptionnellement nombreux » aux dires d’un administrateur, écoutent, et questionnent. Fait notable, pas un ne remet en cause l’existence de ce nouveau « pôle des religions », créé l’été dernier par Bernard Kouchner, pour mieux prendre en compte la dimension religieuse des phénomènes internationaux. Au contraire même : Alex Poniatowski, président UMP de la commission des affaires étrangères, a rappelé que, de l’affaire des caricatures à celle des minarets, sans oublier le voile intégral, l’actualité de la France et du monde ne pouvait se comprendre sans la grille d’analyse religieuse. Certes, la discussion a mis en lumière qu’il s’agissait plus souvent d’une « utilisation fallacieuse » du religieux. Mais, comme l’a répété Joseph Maïla, le religieux, même ainsi détourné, a un aspect mobilisateur et fortement identitaire « qu’on ne peut plus ignorer ».

Dans ce contexte, quid de la séparation des Églises et de l’État tel que le propose depuis 1905 notre pays ? Quelle position la France peut-elle promouvoir ? Ses lois « laïques », le voile hier, la burqa demain, sont-elles audibles par les autres pays ? Ironie des dates, certains députés faisaient justement le va-et-vient avec la salle voisine où se décidait le sort d’une éventuelle loi sur le voile intégral. Car ce débat-ci – la burqa – n’est pas sans incidence sur la place de la France dans le monde. Joseph Maïla n’a pas caché que l’interdiction du voile intégral serait difficile à expliquer aux autres pays, et susciterait des tensions dans le monde musulman. Pour autant, la position de la France sur les religions ne doit pas être uniquement défensive, a souligné avec force Hervé de Charette (Nouveau Centre). L’ancien ministre des affaires étrangères a ainsi rappelé le rôle de l’Hexagone dans la défense des minorités religieuses dans le monde, notamment des chrétiens en Orient. L’essentiel, a expliqué Joseph Maïla, c’est que la laïcité soit définie à partir des notions de tolérance et du vivre ensemble : dans leur majorité, les conflits religieux actuels sont souvent basés sur une volonté de suppression, d’éradication d’une autre communauté. Le défi, posé aux États mais surtout aux religions, sera alors de démontrer leur capacité à accepter et organiser le pluralisme religieux."


Voir aussi la rubrique Sarkozy et la laïcité (note du CLR).


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