Kamal Daoud, auteur de “Meursault, contre-enquête” (Actes Sud). 18 février 2016
"Après les agressions du Nouvel An à Cologne, l’écrivain et journaliste algérien n’avait pas hésité à pointer le tabou du sexe et du rapport à la femme dans le monde arabo-musulman. Face aux procès en "clichés orientalistes" et en "islamophobie", il déclare arrêter le journalisme et s’en explique dans "Le Quotidien d’Oran".
Kamel Daoud renonce. "J’arrête le journalisme sous peu", écrit-il dans Le Quotidien d’Oran, journal dans lequel il tient une chronique. Une décision qui fait suite aux violentes critiques essuyées par l’écrivain algérien après ses écrits sur les agressions sexuelles de Cologne la nuit du Nouvel An. "Nous vivons désormais une époque de sommations. Si on n’est pas d’un côté, on est de l’autre", déplore l’auteur de Meursault, contre-enquête, accusé d’alimenter une "islamophobie" ambiante.
La polémique est née de deux textes publiés récemment par Kamel Daoud. Dans une tribune publiée fin janvier dans le quotidien italien La Repubblica et traduite dans Le Monde, intitulée "Cologne, lieu de fantasmes" [1], l’écrivain pointait comme ressort principal des agressions de Cologne le tabou du rapport à la femme dans les sociétés arabes, lié à la montée de l’islamisme. Une argumentation également développée quelques jours plus tard dans un article publié par le New York Times sur "la misère sexuelle du monde arabe".
Des textes qui lui ont valu une volée de bois vert. Un collectif d’anthropologues, sociologues, journalistes et historiens l’a notamment épinglé le 11 février dans Le Monde, en l’accusant de recycler "les clichés orientalistes les plus éculés" et d’"alimenter les fantasmes islamophobes d’une partie croissante du public européen, sous le prétexte de refuser tout angélisme".
"Que des universitaires pétitionnent contre moi aujourd’hui, pour ce texte, je trouve cela immoral parce qu’ils ne vivent pas ma chair, ni ma terre et que je trouve illégitime sinon scandaleux que certains me servent le verdict d’islamophobie à partir de la sécurité et des conforts des capitales de l’Occident et ses terrasses", rétorque aujourd’hui Kamel Daoud. "Le tout servi en forme de procès stalinien et avec le préjugé du spécialiste : je sermonne un indigène parce que je parle mieux des intérêts des autres indigènes et post-décolonisés."
Et l’écrivain de dénoncer l’instrumentalisation de l’accusation d’islamophobie : "Je pense que cela reste immoral de m’offrir en pâture à la haine locale sous le verdict d’islamophobie qui sert aujourd’hui aussi d’inquisition. Je pense que c’est honteux de m’accuser de cela en restant bien loin de mon quotidien et celui des miens." "Dénoncer la théocratie ambiante chez nous devient un argument d’islamophobe ailleurs. Est-ce ma faute ? En partie. Mais c’est aussi la faute de notre époque, son mal du siècle", ajoute-t-il [2].
En 2014, Kamel Daoud avait été visé par une fatwa lancée par un salafiste algérien, qui appelait à son exécution pour "apostasie et hérésie" après ses propos sur son rapport à l’islam [3]. "Je persiste à le croire : si on ne tranche pas dans le monde dit arabe la question de Dieu, on ne va pas réhabiliter l’homme, on ne va pas avancer", avait déclaré l’écrivain sur le plateau d’ "On n’est pas couché" (ONPC) sur France 2. Aujourd’hui, le voilà encore attaqué pour n’avoir pas hésité à faire entendre une vérité qui dérange. [...]"
Lire "Le verdict d’islamophobie sert aujourd’hui d’inquisition".
[1] Lire K. Daoud : "Cologne, lieu de fantasmes" (Le Monde, 5 fév. 16) (note du CLR).
[2] Lire Elisabeth Badinter : "Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe" (France Inter, 6 jan. 16), En finir avec les procès en islamophobie (P. Kessel, 16 fév. 16) (note du CLR).
[3] Lire L’écrivain Kamel Daoud visé par une fatwa (liberation.fr , 17 déc. 14) (note du CLR).
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