(G. Crémieux, Franc-tireur, 15 jan. 25) 20 janvier 2025
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "Jean Baubérot : laïque défroqué".
Masqué par ses diplômes, il se présente en pasteur de la laïcité. Mais déteste les « intégristes républicains ». Et milite pour le modèle canadien des « accommodements raisonnables », soit moins de vigilance envers les sectes et les Frères musulmans.
Jean Baubérot, c’est le sociologue qu’on aime à citer, comme l’Évangile, à propos de la laïcité… Lorsqu’on veut « l’accommoder », entendez : la renégocier. Ne vous fiez pas à son ton primesautier. Dos courbé, cheveux poivre et sel, l’homme peut parler d’une voix étranglée, et soudainement muter. Face à un contradicteur, empli de suffisance, il ironise, il ricane, il assène. Sous le « sachant » bardé de diplômes bout un militant véhément, plus dogmatique qu’académique. Une fois le jargon épousseté, son manichéisme saute aux yeux. Dans son vocabulaire inversé, les intégristes religieux n’existent pas, jamais, contrairement aux « intégristes républicains », son expression favorite.
Depuis des années, contre l’évidence, l’universitaire propage le mythe d’une France « apaisée », où les religions, assure-t-il, n’auraient plus d’appétit politique. Le seul danger vient, insiste-t-il, de la laïcité « anti-religieuse » et « répressive », qu’il accuse de vouloir « imposer une sécularisation complète ». Il en veut pour preuve les mesures prises contre les sectes, qu’il défend corps et âme : « Le domaine des groupements qualifiés de “sectes” est peut-être celui où la vulgate intégriste républicaine obtient le plus d’emprise », ose-t-il marteler dans ses discours et ses nombreux livres. Jamais, au grand jamais, il ne voit dans la vigilance laïque une saine réaction à l’emprise fanatique, pas même après le massacre de Charlie Hebdo… qu’il accuse de défendre « une vision jacobine de la laïcité ».
UNE “LAÏCITÉ D’INCLUSION”
Sans surprise, il est le seul « sage » de la commission Stasi à avoir refusé de soutenir l’interdiction des signes religieux à l’école publique. Une décision longuement débattue, en 2003, qu’il présente en recommandation prise à la « hussarde » voire raciste, liée à l’« obsession fascination contre-productive autour du voile islamique ». L’homme confesse d’ailleurs trouver cette mode du hijab plutôt « sexy ». C’est ainsi qu’il décrit la tenue d’une jeune Canadienne voilée dans l’un de ses livres.
Dans Les 7 Laïcités françaises, il ne cache pas son mépris pour la laïcité à la française : « Le modèle français de laïcité n’existe pas ». Et pour cause. Il y a bien longtemps que Jean Baubérot milite pour les « accommodements raisonnables » : ces concessions faites au religieux. Une préférence assumée en 2008 dans Une laïcité interculturelle. Le Québec, avenir de la France ? Le sociologue y plaide ouvertement pour l’importation d’une « laïcité d’inclusion » à la canadienne. Avec l’âge, 83 ans, on cache moins son jeu. Mais au fond, tout annonçait cette conversion.
Historien et sociologue, passionné par ces sujets depuis le lycée, où il a « lutté à la fois contre la guerre d’Algérie et la loi Debré », nous précise-t-il, Jean Baubérot a gravi les échelons de l’École pratique des hautes études (EPHE) jusqu’à y occuper, en 1978, la chaire d’histoire et de sociologie du protestantisme. Son offensive démarre avec le projet de loi Savary de 1984. La gauche socialiste s’apprête à renoncer au grand service public d’éducation laïque par peur des manifestations pour l’école « libre » et religieuse. Il faut une caution pour habiller ce renoncement en modernité. Ce sera Jean Baubérot. L’homme prend son bâton de pèlerin pour convaincre la Ligue de l’enseignement, défenseuse historique de la Séparation, de mettre de l’eau dans son vin. Elle finira transformée en amicale œcuménique, capable d’accueillir Tariq Ramadan et ses troupes fréristes au sein d’une commission « laïcité » que Baubérot a coprésidée et d’où fuiront les plus laïques.
PRO-SECTES ET PRO-FRÈRES
S’il se défend de vouloir « réviser la loi de 1905 », comme il nous l’assure, il n’a rien contre une nouvelle interprétation. « Vers un nouveau pacte laïque ? » C’est le titre du rapport-manifeste rédigé avec la Fédération protestante et la Ligue de l’enseignement. Une renégociation qu’il porte en coulisses en devenant le conseiller occulte de l’Observatoire de la laïcité, mis en place sous François Hollande et présidé par Jean-Louis Bianco. Lui aussi s’inquiétera davantage de l’« intégrisme républicain » que de l’islamisme… Jusqu’à sa dissolution sous Emmanuel Macron.
L’influence accommodante de Baubérot ne fléchit pas pour autant. Il a même formé une génération d’universitaires grâce à un tour de magie. Depuis 1991, sa chaire d’histoire et de sociologie du protestantisme s’est miraculeusement transformée en chaire d’histoire et sociologie de la laïcité. Quatre ans plus tard, il a également fondé un « Groupe de sociologie des religions et de la laïcité » (CNRS-EPHE). Des postes taillés sur mesure qui lui permettent d’exercer un quasi-monopole universitaire, d’influencer une génération de chercheurs, et d’imprimer sa marque : pro-sectes et pro-Frères.
Quand il ne tient pas tribune au côté de Tariq Ramadan, le « pape » de la laïcité universitaire se rend volontiers aux congrès islamistes de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), « en frère et en ami ». On comprend qu’ils partagent la même détestation des « intégristes républicains »… ont-ils d’autres obsessions communes ? Un détail surgi de son passé sème le doute. Il faut remonter à 1970, et à la parution de son livre Le Tort d’exister : des Juifs aux Palestiniens. Un brûlot oublié. L’ancien scout protestant, qui se décrit comme un « amoureux déçu de l’État d’Israël » devenu « un soutien actif de la cause palestinienne », y déploie un antisionisme doublé d’antijudaïsme très actuel. Il y dénonce une hypothétique « collusion entre sionisme et nazisme », parle de « solution finale » organisée par les sionistes, et s’emporte contre « le tabou » qui empêcherait de s’attaquer aux Israéliens « en tant que juifs ». Un fumet qui s’ajoute à une vie passée à étouffer la vigilance envers l’islamisme.
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