Discours de Jean-Pierre Sakoun, président du Comité Laïcité République. 14 janvier 2018
Le 7 janvier 2015, nos amis de Charlie et des policiers qui tentaient de les protéger ont été assassinés par deux fanatiques. Le 8 janvier 2015, une policière municipale était à son tour abattue. Le 9 janvier 2015 des Juifs étaient liquidés par un autre islamiste.
Trois ans, après nous commémorons cette tragédie. Nous voulons dire que ces morts sont pour nous avant tout nos semblables, arrachés à l’affection des leurs et à notre fraternité.
Il n’est pas indifférent que cette commémoration ait lieu exactement cent vingt ans après la publication dans un quotidien alors républicain de gauche, L’Aurore, de la déclaration de naissance de la République moderne, laïque, universaliste, émancipatrice et antiraciste, « J’accuse », d’Émile Zola. Ce fut aussi la plus belle affirmation de la liberté d’expression, fondée sur les récentes lois sur la presse de 1881.
L’écho entre Charlie et « J’accuse » résonne fortement, en ces jours où l’on parle sérieusement de censure, implicite ou explicite.
C’est donc sous l’égide d’Émile Zola et de cet étendard de la liberté, de l’égalité et de la fraternité qu’est « J’accuse » que je me place pour vous parler aujourd’hui.
En attaquant leurs cibles en janvier 2015, les fanatiques ont voulu détruire la liberté de conscience et la liberté d’expression, l’ordre démocratique et républicain, l’universalisme.
Ils ont voulu aussi, contrairement à ce que pensent les tenants d’une gauche égarée qui a abandonné ses principes au profit d’une vision doloriste, victimaire et néocoloniale de la société, remplacer l’unité nécessaire à toute victoire des forces sociales et progressistes par l’intersectionnalité de luttes narcissiques. Cette pratique est l’assurance de l’échec du mouvement social. Il n’est que voir la faiblesse des forces du travail aux États-Unis, pays du communautarisme.
En ce sens, l’Islam politique et ses idiots utiles sont les alliés des forces réactionnaires et du capitalisme ultra dans notre pays. La jonction objective entre les aspirations culturelles du FN, du CCIF ou du PIR et les exigences économistes des think tanks les plus antisociaux est l’un des graves dangers qui menacent la république laïque et sociale.
C’est pour cela que la commémoration indispensable des victimes de l’islamisme radical et de l’obscurantisme doit servir de fondement à nos revendications pour le maintien et l’extension d’une société libre, égale, fraternelle et laïque.
C’est en s’appuyant sur ces principes que le Comité Laïcité République appelle tout le mouvement laïque à engager les autorités de notre pays :
Nulle part plus qu’à la Bourse du travail de Saint-Denis nous ne pouvions rappeler que l’idéal laïque est aussi l’outil de la République sociale. Ce lieu est symbolique de l’émancipation par le travail mais il est aussi le champ de la confrontation avec les forces obscurantistes du CCIF et du PIR, qui y tiennent chaque année leur conférence internationale contre l’islamophobie…
Alors, à la mémoire de Charlie, des morts de la police républicaine et de ceux de l’Hypercacher, ajoutons aujourd’hui le souvenir de 36, de 45, de 68 et de 81, pour nous rappeler que la République est indissociablement laïque et sociale et que nos adversaires sont dans une double impasse, celle de l’obscurantisme et celle de l’oppression économique et sociale.
Le 13 janvier 1898, Émile Zola et Clémenceau publiaient « J’accuse ». Le 13 janvier 2018, soyons-leur fidèles, ainsi qu’à Charb et à Charlie, affirmons l’indivisibilité de nos combats.
Voir aussi Journée "Avec Charlie. Laïcité, j’écris ton nom" (OLSD, Saint-Denis, 13 jan. 18), L’ "intersectionnalité", un racisme inversé (K. Mersch), le Colloque "Faux amis de la laïcité et idiots utiles" (CLR, Licra, Paris, 5 nov. 16), "Antisémitisme, l’éternel retour d’une vieille haine" (ebdo, n°1, 12 jan. 18) (note du CLR).
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