Jean-Pierre Sakoun, président du Comité Laïcité République. 6 novembre 2020
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Si bon nombre de Français adhèrent au principe de laïcité, une frange non-négligeable des musulmans montre une réticence inquiétante, analyse Jean-Pierre Sakoun, s’appuyant sur un récent sondage de l’IFOP. Selon le Président du Comité Laïcité République, il faut faire un travail de sensibilisation sur la question dans les écoles."
"L’enquête IFOP-Comité Laïcité République (CLR) sur la laïcité devait être rendue publique à l’occasion de la cérémonie de remise des Prix de la laïcité du CLR, ce 5 novembre 2020 dans les grands salons de l’Hôtel de Ville de Paris. La cérémonie a été reportée pour raisons sanitaires, mais l’enquête est désormais publiée et disponible.
L’IFOP a réalisé cette enquête selon les règles de l’art, avec un échantillon représentatif de la population française. Elle a l’originalité d’isoler plusieurs sous-ensembles rarement étudiés en tant que tels sur ce sujet, catholiques, musulmans, non-croyants. Elle fait apparaître l’adhésion massive des Français aux principes laïques, qu’ils plébiscitent à hauteur de 88%, dont la majorité de l’échantillon des musulmans.
Ces Français qui s’affirment laïques le font en connaissance de cause comme le démontrent leurs réponses aux questions très précises de l’enquête. On constate même que, loin de se contenter d’une laïcité qui se confondrait simplement avec la neutralité de l’Etat, ils réclament une société sécularisée, parfois bien au-delà des règles imposées par la loi. On note enfin avec satisfaction que les catholiques sont sur toutes ces questions tout aussi favorables - parfois plus - que l’ensemble des Français à une laïcité authentique et rassembleuse, protectrice des libertés et de la fraternité républicaine.
Ce constat positif est cependant assombri par la constance, enquête après enquête, de la fracture que l’on constate au sein même de l’échantillon des Français musulmans entre ceux qui intègrent la laïcité et ceux qui sont très critiques vis-à-vis des règles laïques et de la sécularisation en un pourcentage beaucoup plus important que la moyenne des Français. S’ils plébiscitent la loi de 1905 dans les mêmes proportions que le reste de la population, ils sont beaucoup plus réticents à apprécier à leur juste valeur émancipatrice certaines des règles qui en découlent.
Ainsi 66% des Français musulmans s’opposent au droit des enseignants de montrer des caricatures de personnages religieux à leurs élèves, alors que 75 % des Français y sont favorables, et même 80% des catholiques. De même 56% d’entre eux sont opposés à la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux dans les écoles, collèges et lycées publics.
Le chiffre le plus préoccupant concerne l’opinion selon laquelle les règles religieuses sont plus importantes que la loi de la République. Ce point de vue est partagé par 38% des musulmans composant l’échantillon et en particulier 57% des 18-25 ans, en augmentation de 10 points depuis 2016, alors que les catholiques ne sont que 15% à affirmer cette supériorité.
Face à ce constat, le Comité Laïcité République qui travaille depuis trente ans à la promotion d’une laïcité pleine et entière, favorisant l’émancipation et la liberté de conscience, appelle les pouvoirs publics qui semblent avoir, depuis l’électrochoc provoqué par l’assassinat barbare de Samuel Paty, pris conscience du danger majeur de l’islamisme, à s’appuyer sur ces 88% de citoyens français qui demandent plus de laïcité. Parmi eux n’oublions pas nos concitoyens de confession musulmane, assimilés et intégrés, qui partagent en grand nombre cette aspiration.
Il est absolument nécessaire de lutter sans délai, avec toute la fermeté requise et tous les moyens de l’ordre public, contre les actes illégaux, les violences, les crimes commis par les islamistes. Il est tout aussi essentiel de reconquérir le terrain perdu par la laïcité, à l’école - aussi bien chez les élèves que chez de nombreux enseignants - à l’université, dans les services publics et dans les collectivités locales. Il s’agit d’une entreprise de longue haleine qui exige de la part de ceux qui la mettent en œuvre conviction, constance et engagement.
C’est à ces conditions que la laïcité sera reconnue pour ce qu’elle est, une doctrine de libération et d’émancipation et non un ensemble de règles coercitives. Le Comité Laïcité République souligne enfin que la République est indivisible et laïque, c’est-à-dire solidaire parce qu’elle est démocratique et promeut la justice sociale et que la séparation des Églises et de l’État est le pilier de cet édifice.
Les législateurs de 1946 et de 1958 ont fait de ces idéaux la phrase inaugurale de notre Constitution. Il est temps de la remettre à l’honneur. De même qu’il est temps de constitutionnaliser la séparation, en intégrant à notre loi fondamentale ce rappel, la République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte."
Lire « La laïcité, ferment de la paix civile et de la concorde républicaine ».
Voir tous les détails du Sondage Ifop pour le CLR : le rapport des Français à la laïcité (nov. 20) (note du CLR).
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