Revue de presse

J. Dion : Boycott des JO de Pékin, "la médaille d’or de l’hypocrisie" (Marianne, 28 mai 21)

Jack Dion, directeur adjoint de la rédaction de "Marianne". 13 juin 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"La présidente démocrate de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, a appelé à un « boycott diplomatique » des jeux Olympiques d’hiver 2022, à Pékin. Elle entend ainsi dénoncer la conception chinoise des droits de l’homme, que personne ne proposerait d’installer sur la plus haute marche du podium. Mais pourquoi mettre une pièce supplémentaire dans une machine déjà utilisée dans le passé et qui n’a jamais eu d’effets autres que de sanctionner les sportifs, de frustrer les spectateurs, et de permettre au pays visé de crier au complot ?

Il est bien d’autres manières de sanctionner la Chine et de lui rappeler que les Ouïgours n’ont pas vocation à être réprimés, sans pour autant transformer une compétition sportive en ring de boxe diplomatique. Persévérer dans cette voie serait mettre le doigt dans un engrenage périlleux pour l’avenir de l’olympisme, déjà soumis à des pressions n’ayant qu’un rapport lointain avec l’esprit sportif – à commencer par celles de l’argent, qui ne semble guère émouvoir Nancy Pelosi. Après tout, si la Chine est l’un des pays les moins présentables en matière de démocratie, nombre d’autres pourraient se trouver désignés d’un doigt accusateur à l’occasion de tel ou tel rendez-vous sportif, rendant ainsi impossible la moindre rencontre internationale.

Pourquoi s’arrêter en chemin ? On pourrait boycotter le Qatar, hôte de la prochaine Coupe du monde de football, pour ses liaisons avec l’islamisme ; boycotter la Russie pour l’ensemble de son œuvre ; boycotter les États-Unis en raison du sort réservé aux Noirs et aux diverses minorités ; boycotter l’Arabie saoudite en mémoire de Jamal Khashoggi ; boycotter le Brésil contaminé par le virus Bolsonaro ; boycotter Cuba à cause du castrisme sans Castro ; boycotter l’Italie en raison de la présence de l’extrême droite xénophobe dans le gouvernement Draghi ; boycotter Israël pour la colonisation en Palestine ; boycotter la Turquie du sultan Erdogan ; boycotter l’Iran des mollahs ; boycotter la Grande-Bretagne qui maintient Julian Assange en prison ; boycotter la France pour la violente répression des « gilets jaunes » et sa condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme ; boycotter la Grèce, berceau de l’olympisme, où la droite dure multiplie les exactions (liste non exhaustive). À ce rythme, seule la Suisse pourrait être le paradis de l’olympisme, en plus d’être un paradis fiscal.

Certes, tous les pays ne sont pas à mettre sur le même plan. Mais les professeurs de morale ne sont pas forcément les mieux placés pour faire la leçon. Autant, donc, protéger le monde sportif des incursions politiques à visée tactique et aux conséquences fort incertaines. Quand on se trompe de terrain de confrontation, on fait le jeu de ceux qui aiment à se jouer des règles universellement défendables."

Lire "Boycott des JO d’hiver de Pékin : les États-Unis méritent la médaille d’or de l’hypocrisie".


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