(L’Express, 22 août 24) 24 août 2024
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Les repentis des pseudosciences (5/5). Cet ancien élève puis enseignant en école Steiner-Waldorf est devenu le plus grand critique de la nébuleuse ésotérique.
Par Thomas Mahler
Lire ""Ils sont intervenus sur mon lieu de travail" : Grégoire Perra, la bête noire des anthroposophes".
Longtemps, en France, l’anthroposophie a pu passer pour un courant de pensée certes un peu excentrique, mais spiritualiste et proche de la nature. Edgar Morin, Pierre Rabhi ou l’ancienne ministre de la Culture Françoise Nyssen ont été proches de ce mouvement fondé par l’occultiste autrichien Rudolf Steiner (1861-1925).
Mais, depuis une dizaine d’années, Grégoire Perra dénonce les dérives d’une nébuleuse ésotérique qui, entre ses différentes ramifications (écoles Steiner-Waldorf, biodynamie, marque Weleda, médecine anthroposophique, "banque éthique" La Nef…), exerce son influence dans des domaines aussi variés que l’éducation, l’agriculture, la santé, les produits cosmétiques ou la finance. Comme souvent en matière de croyances, le plus farouche critique s’avère être un ancien converti.
A 15 ans, il fait un stage de biodynamie
Grégoire Perra a été scolarisé dans une école Steiner-Waldorf à l’âge de 9 ans. "Mes parents pensaient qu’il s’agissait d’une simple pédagogie alternative comme Montessori", se souvient-il. Ce n’est qu’au lycée que l’adolescent y entend pour la première fois le mot "anthroposophie". Mais, selon lui, les élèves sont, dans ces établissements, sensibilisés dès leur plus jeune âge aux préceptes ésotériques de Steiner. A 15 ans, il fait un stage de biodynamie, méthode agricole là encore basée sur des intuitions du polygraphe Steiner et qui, sous couvert de "forces cosmiques", préconise notamment l’usage de préparations à doses homéopathiques obtenues à partir de bouse stockée dans des cornes…
L’adolescent commence à lire des ouvrages de Steiner, et y découvre des histoires de "karma", de "réincarnation terrestre", de corps "éthérique" ou "astral". "En terminale, on nous a conseillé de suivre des cours de philosophie religieuse organisés en parallèle par la Communauté des chrétiens [NDLR : culte initié par des disciples de Steiner]."
A 25 ans, Grégoire Perra devient membre de la Société anthroposophique. Ce bon élève veut démontrer, dans sa thèse, que la vision du cosmos de Shakespeare et Goethe, deux références importantes pour les anthroposophes, rejoint celle de Steiner. Il enseigne la philosophie à la fois dans un lycée public et dans une école Waldorf-Steiner. Le jeune homme prend alors conscience des dysfonctionnements dans cette dernière. En dépit d’une pratique assidue des exercices préconisés par Rudolf Steiner, il n’arrive pas à devenir "clairvoyant", état censé permettre la connaissance des "mondes supérieurs". "J’ai aussi réalisé que les textes de Steiner ne tiennent pas la route sur le plan épistémologique." Grégoire Perra commence alors à émettre des critiques en interne.
Un premier procès qu’il remporte
Après avoir démissionné de la Société anthroposophique, il publie en 2011 un témoignage sur le site de l’Unadfi, association anti-sectaire, alertant sur ce qu’il considère être un "endoctrinement à l’anthroposophie" dans les écoles Steiner-Waldorf. Il a droit à un premier procès, qu’il remportera. En réaction, l’ex-anthroposophe crée en 2013 le blog "La Vérité" sur les écoles Steiner-Waldorf.
"Je n’avais nullement l’intention de continuer à parler de l’anthroposophie. Mais il n’était pas normal qu’ils tentent de me bâillonner." Peu à peu, le blogueur récolte les témoignages d’autres personnes se disant victimes de la mouvance, tout en dévoilant au grand public à quel point la pensée de Rudolf Steiner repose sur des notions délirantes. Ce travail vaut à l’ex-anthroposophe des procès, des menaces et même des accusations d’attouchement sur une ancienne élève (sans qu’aucune plainte ne soit déposée). "Des personnes sont intervenues jusque sur mon lieu de travail", soupire-t-il. Récemment, le tribunal judiciaire d’Evreux a condamné pour diffamation l’un de ses principaux détracteurs, Nicolas Tavernier, président de l’association nationale pour la promotion et l’avenir de la pédagogie Steiner-Waldorf.
Mais, pendant ce temps-là, la couverture médiatique de l’anthroposophie se fait bien plus critique. En 2018, une enquête fouillée du Monde diplomatique est suivie d’une émission de la chaîne YouTube "La Tronche en biais". D’autres personnalités, comme le docteur en microbiologie Cyril Gambari ou le sociologue Valéry Rasplus, se mettent à dénoncer les fondements pseudoscientifiques de la biodynamie. Lors de la pandémie du Covid, les convictions antivax et complotistes de figures de l’anthroposophie en France ou en Allemagne s’exposent au grand jour. Sous l’impulsion de la Miviludes, les fermetures et les rappels à l’ordre à l’encontre des écoles Steiner-Waldorf se multiplient. Très bien renseigné sur la mouvance, Grégoire Perra n’est, en général, jamais très loin de ces révélations…"
Voir aussi dans la Revue de presse tout le dossier L’Express "Les repentis des pseudosciences" (été 24), le dossier Anthroposophie, Steiner dans la rubrique Sectes (note de la rédaction CLR).
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