Revue de presse

Iannis Roder : « Le président ne doit pas défendre les religions, mais les Français et les citoyens » (Charlie Hebdo, 13 déc. 23)

(Charlie Hebdo, 13 déc. 23). Iannis Roder, professeur agrégé d’histoire en réseau d’éducation prioritaire (REP), membre du Conseil des sages de la laïcité de l’Education nationale 13 décembre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Propos recueillis par Yovan Simovic

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Lire "Hanoukka à l’Élysée : « Le président ne doit pas défendre les religions, mais les français et les citoyens »".

Charlie Hebdo : Une vidéo circule assez largement sur les réseaux sociaux. On y voit, dans la salle des fêtes de l’Élysée, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, allumer la première bougie de Hanoukka, en présence d’Emmanuel Macron, pour marquer le début de cette fête juive des Lumières. En vertu des dispositions de la loi de 1905, le président avait-il le droit d’accueillir cette cérémonie dans le palais présidentiel  ?

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Iannis Roder : La loi de 1905, dans son article 2, dit que l’État ne reconnaît aucun culte. Cela ne veut pas dire qu’il les méconnaît, on a bien des jours fériés basés sur des fêtes religieuses, les représentants de l’État peuvent assister à des cérémonies religieuses au nom de leur statut, mais là, c’est totalement différent. On a un moment de culte organisé dans le palais de l’Élysée, un haut lieu de la République, c’est autre chose qu’assis­ter à un enterrement ou à la messe du pape, qui est d’ailleurs aussi un chef d’État.

Là, on est dans le palais de l’Élysée, et ça pose donc un vrai problème. Si on fait une prière pour allumer la bougie de Hanoukka, ce que fait le grand rabbin, on pratique un culte… La loi de 1905 met sur un pied d’égalité, vis-à-vis de l’État, tous les cultes, et là, vous avez un culte qui est rendu au sein du palais présidentiel, on ouvre une boîte de Pandore. Ce sera quoi, la suite  ? La prière du Vendredi saint ou la rupture du jeûne au Château  ?

C’est le témoignage de deux choses, au choix : soit une méconnaissance de la loi de 1905, mais je n’y crois pas  ; soit un coup de communication politique qui s’inscrit dans toute une séquence qui commence par l’absence du président à la manifestation du 12 novembre contre l’antisémitisme, puis son interview à la BBC, où il critiquait la politique d’Israël. Cette cérémonie avait pour but de réparer les dégâts.

Est-ce une première pour un président de la République  ?

C’est inédit. Je n’ai pas étudié les archives, mais je ne crois pas qu’un président ait déjà fait ça. Ils ont pu assister à des cérémonies religieuses en respectant les us et coutumes, mais pas à l’Élysée. Je me souviens d’un cas intéressant, cela dit, c’est Nicolas Sarkozy qui, en 2010, s’était signé dans une église, c’était également une faute, on ne montre pas de signes d’appartenance à un culte.

Alors on nous dit que c’est pour lutter contre l’antisémitisme, mais c’était le 12 novembre qu’il fallait venir manifester. Là, on sort de la tradition républicaine, le président ne doit reconnaître que des citoyens, pas des juifs, des catholiques ou des musulmans, c’est là que ça pose un problème.

Y a-t-il une spécificité Macron dans le rapport qu’il entretient avec la laïcité  ?

Au regard des agissements du président sur la question, on peut penser qu’il a un rapport particulier au principe de laïcité qui se rapprocherait davantage d’une conception anglo-saxonne que de la tradition hexagonale.

Gérald Darmanin, son ministre de l’Intérieur, le défend en expliquant que « le président de la République est un défenseur des religions ». Qu’en pensez-vous  ?

Qu’est-ce que ça veut dire  ? Il ne doit pas défendre les religions, mais les Français et les citoyens. Si on a séparé l’État et les religions, c’est bien pour que l’État n’intervienne pas dans la vie des religions, c’est une grande confusion. L’État doit dire la loi, faire respecter l’ordre public, mais il n’est absolument pas là pour défendre les religions."


Voir aussi dans la Revue de presse les dossiers Hanoukka à l’Elysée (7 déc. 23) dans Emmanuel Macron, Fêtes religieuses dans Séparation (note de la rédaction CLR).


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