Note de lecture

Hubert Huertas : une passionnante saga familiale, de la Vendée de 1905 à l’islamisme algérien

par Eric Marquis. 1er août 2019

Hubert Huertas, La Boulangère du diable, éd. L’Archipel, 2019, 19 e.

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1998. Sur les hauteurs d’Alger, Yasmine, la boulangère trop "libre penseuse", est assassinée par les islamistes. Pour sauver sa peau, sa fille, Nadia, se résout à partir. Elle a retrouvé dans les papiers de sa mère les coordonnées d’un lointain cousin, en Vendée.

Nous ne nous connaissions pas, mais nous étions au bout d’une même lignée, qui commençait par un suicide au début du XXe siècle et se poursuivait par un meurtre à la veille du troisième millénaire. Les liens du sang, à ce que l’on raconte.

1906. Henri Brissaud, boulanger à Fleurdécieux (Vendée), républicain laïque [1] en milieu hostile, meurt après l’inventaire des biens de l’Eglise qu’implique la Loi de séparation.
Sa femme part en Algérie.

Les colonnes infernales, ils n’ont que ça à la bouche et dans leurs livres, à Fleurdécieux. C’est leur Shoah catholique, leur Auschwitz, leur Sétif, leur Golgotha.

De nos jours. Nadia débarque en Vendée.

Sans le savoir, j’allais réveiller les morts.

Hubert Huertas, grand reporter, ancien rédacteur en chef du service politique de France Culture, a le talent rare de replacer la petite histoire dans la grande. Il s’inspire de faits réels pour camper avec brio des victimes anonymes de l’intégrisme religieux, quel qu’il soit, par delà les générations, du début à la fin du XXe siècle.

Dieu et le diable, c’était pareil dans ma tête, Dieu et les hommes surtout, et je savais que le malheur de mon ancêtre Henri, comme le mien plus de cent ans plus tard, avait la même origine. La folie religieuse. Le fanatisme. Ces tyrans en costume de prophète qui prétendent être des serviteurs mais se conduisent comme des maîtres. Comme s’ils avaient chassé Dieu de son ciel, s’étaient assis sur son trône, arrogé ses pouvoirs présumés, avaient conquis la terre et décrété les lois. Tu ne tueras point mais moi oui, car j’ai l’aval du Prophète, tu ne voleras pas mais moi je te ferai payer l’impôt, car je suis le percepteur céleste. Ils décidaient du bien et du mal, de ce que l’on peut faite ou ne pas faire, comment se vêtir, comment manger, comment aimer, laisser vivre ou faire mourir.

Un récit haletant, dans la lignée des grands romans historiques de ces dernières années. Pile-poil pour ne pas bronzer idiot.

Eric Marquis

[1"Il militait chez Clemenceau, qui n’était pas un enragé. A la fin de sa vie, un jour, une gouvernante lui a lancé : "Oh, vous, monsieur le président, vous êtes fâché avec le Bon Dieu !" Et tu sais ce qu’il a répondu, Clemenceau ? Il a dit : "Pas du tout. Le Bon Dieu et moi, on ne s’est jamais disputés. On ne se parle pas, c’est tout…""


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