Note de lecture

H. Bazin : "Folcoche", incarnation d’une certaine France... déchue ? (S. Mayol)

par Samuel Mayol. 5 décembre 2020

[Les échos "Culture (Lire, entendre & voir)" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Hervé Bazin, Vipère au poing, Grasset, 1948, Le Livre de poche, 237 p., 4,60 e.

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J’ai demandé à mon fils de 13 ans de lire un livre de la littérature « classique » pendant l’été. Et afin de pouvoir en parler avec lui, je me suis pris au jeu de le lire aussi. Nous avons choisi Vipère au poing d’Hervé Bazin. J’avais dû lire ce livre pour la première fois il y a 35 ans maintenant.

Son héroïne, Folcoche, marâtre rusée, calculatrice, haineuse, pétrie de mauvaise religion, au corps sec comme une trique, est à ranger au musée des horreurs.

Ce livre, c’est l’histoire d’une France qui n’existe plus, tombée aux oubliettes dans les fracas de la seconde guerre. C’est la France de cette vieille noblesse mélangée, pour le meilleur et pour le pire, à cette grande bourgeoisie provinciale, les deux se rejoignant dans leur insupportable arrogance, les deux ayant les mêmes doigts crochus quand il s’agit de défendre leurs petits privilèges, les deux recroquevillés dans leurs manoirs branlants sans voir la marche du monde. C’est la France de Charles Maurras, quand la IIIe République s’effondre comme un château de cartes face aux légions nazies

Ce livre, c’est l’histoire d’une famille qui sent confusément que les valeurs qu’elle véhicule vont disparaître, que leur heure est comptée.

Un père veule et insignifiant, des précepteurs au rabais qui préfèrent fuir en courant ou regarder distraitement ailleurs. Personne pour empêcher la sorcière Folcoche de régner en maître absolu sur le domaine de « la belle Angerie » et d’humilier de la plus épouvantable manière ses propres fils : Chiffe, Cropette, Brasse-bouillon. Coups de fourchette sur les mains, surveillance continuelle, mentalité de la méfiance érigée en dogme, crânes tondus, déshabillage des consciences … Abaissements, vexations… rien ne leur sera épargné. Et tout cela au nom de la bien-pensance chrétienne.

Le seul à relever la tête face à la dictature de Folcoche sera Brasse-bouillon, notre narrateur. Plus dur que ses deux frères, plus malin, plus endurant, sa jeunesse finira par la vaincre. Avec un certain plaisir cynique, il se rendra compte en même temps qu’il lui ressemble en tout point avec sa haine et son mépris plantés dans le cœur. Son premier acte d’homme sera d’ailleurs de se moquer et de faire pleurer une pauvre fille. Écœurant, gratuit et en même temps tellement prévisible.

A lire ou à relire car ce livre est tout simplement magistral.

Samuel Mayol


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