21 juillet 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Structures gonflables, buffet et grillades, tout gratuit !" Dans cette cité délabrée de Nice-Est, gangrenée par la drogue, "les trafiquants deviennent les patrons : ils achètent la paix sociale".
L. B.
"On a vu arriver un camion, ils ont installé trois énormes structures gonflables à plusieurs milliers d’euros pour les enfants. Il y avait un barbecue géant, des merguez à volonté. C’est pas les habitants qui pouvaient payer ça", raconte un travailleur social.
Deux jours avant l’Aïd-el-Kébir, la plus importante fête musulmane, le 28 juin, des affiches ont été placardées dans tous les halls d’immeuble des Liserons : "Buffet - grillades - boissons - gâteaux - musique. Tout gratuit !" Sur cette invitation, qui circulait aussi sur Snapchat, aucun logo, aucun organisateur officiel.
Qui était derrière ? Qui a financé ?
Dans le quartier, soleil et silence de plomb. Les locataires se ferment et ferment leurs portes dès qu’on pose cette question. Mais certains parlent, en off.
"Officiellement, la fête était organisée par les jeunes mais derrière, c’est l’argent de la drogue. Tout le monde le sait et tout le monde se tait : c’est l’omerta et la peur", explique une riveraine.
"Impunité totale"
Selon plusieurs témoins qui nous ont transmis des photos prises depuis les étages des bâtiments (images que nous ne diffuserons pas pour ne pas permettre de les identifier), "il y avait du monde, des familles et énormément d’enfants" dans la cour du 328, au milieu de cette cité qui n’en finit plus de tomber en ruines et en misère. Une impasse avec vue sur rien qui attend une opération de rénovation urbaine depuis une quinzaine d’années.
La réhabilitation du quartier est annoncée prochainement par le bailleur social Côte d’Azur habitat. En attendant, ça se dégrade, s’inquiètent des mères de famille : "Le trafic était important. Là, au-delà du deal, on monte d’un cran. C’est la première fois que les trafiquants organisent des festivités de l’Aïd chez nous, ils deviennent les patrons."
"Les dealers, qui venaient aussi des quartiers de Roquebillière et de Bon-Voyage, n’ont pas été embêtés par la police. C’était le lendemain de la mort de Nahel [tué par un tir policier à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine], les flics étaient occupés ailleurs", accuse une autre.
"C’est l’impunité totale", renchérit un voisin. Il s’interroge : "Après l’organisation de l’Aïd, ce sera quoi ? Des cadeaux de Noël comme les dealers le font à Marseille ?"
"Leurs règles et leurs propres shérifs"
"Ils disent aux familles : il n’y a que nous pour pouvoir vous offrir ce que vous ne pouvez pas payer. Ils achètent la paix sociale, le silence et en même temps, ils recrutent : les petits grandissent avec ce modèle-là. Avant, l’argent de la drogue, c’était honteux ; aujourd’hui, ça fait vivre des familles entières", poursuit une spécialiste des quartiers sensibles.
"Les trafiquants font désormais de l’animation sociale. Ils se substituent à la politique de la Ville, constate, amer, un ancien animateur. Et en même temps, il n’y a plus de services publics, plus d’éducation populaire. Les associations sont usées. Si on ne réintroduit pas rapidement de l’espoir dans ce type de quartiers, tout doucement, dans la ville, ils deviendront des ghettos auto-organisés avec leurs codes, leurs règles et leurs propres shérifs."
À Cavaillon, le 14-Juillet organisé par les trafiquants
Les dealers qui sortent les billets pour protéger leur trafic ? C’est aussi ce que rapporte France 3 Provence-Alpes Côte d’Azur, dans un article intitulé "Piscine et grillades gratuites, les dealers organisent une fête du 14 juillet dans la cité du Docteur Ayme à Cavaillon" et publié sur internet le 16 juillet.
Le scénario ressemble beaucoup à celui des Liserons. Et a été dénoncé par un collectif d’habitants, vidéos à l’appui.
"Château gonflable, piscine, trampoline, barbecue gratuit, musiques et chansons, tout était en place pour offrir une journée de divertissement inoubliable. Cependant, derrière cette façade alléchante se cachait un plan visant à attirer davantage de clients vers le point de deal local", alertent les habitants de cette cité du Vaucluse."
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